Edito
Pourquoi le choc de l’élection de Donald Trump peut réveiller l’Amérique
Avec l’élection surprise de Donald Trump, l’Amérique est entrée dans une nouvelle ère avec une sorte de saut dans l’inconnu, comportant de grands risques, mais qui peut se révéler à terme comme une chance pour la première puissance mondiale soumise à des craquements de grande ampleur, ressemblant à une vraie faille tectonique.
Au lendemain du verdict des urnes, rien ne se déroule comme prévu. La campagne électorale a été l’une des plus féroces que le pays ait connu, où les invectives, les injures ont atteint des sommets, en grande partie en raison du comportement provocateur de celui qui devait l’emporter et qui ne respectait pas les usages traditionnels. On pouvait donc craindre le pire : une élection contestée en raison du faible écart de voix entre les deux protagonistes, Hillary Clinton ayant même remporté davantage de suffrages que son adversaire, mais ayant perdu en nombre de grands électeurs en raison de la particularité du système électoral. Et là encore, tout s’est déroulé autrement, comme si toutes les rancœurs, les haines accumulées pendant des mois disparaissaient comme par enchantement. Pour son premier discours d’élu, Donald Trump chantait l’air de la grande réconciliation, encensant même sa rivale qu’il avait littéralement traîné dans la boue, mais qui reconnaissait sa défaite. De son côté, Barack Obama réservait un accueil cordial à celui qui lui succédera le 20 janvier prochain, en l’assurant qu’il ferait tout pour faciliter la transition et en lui souhaitant le succès. Les milieux d’affaires ont embrayé aussitôt dans une version optimiste, en ne voulant voir que certains aspects positifs du personnage qui avait pu être masqués pendant la campagne. Wall Street saluait par une hausse spectaculaire la naissance du quarante-cinquième président des Etats-Unis, le Dow Jones établissant un nouveau record absolu.
Il est vrai que le personnage de Donald Trump fascine autant qu’il peut apparaître détestable par certains traits. Il représente le rêve américain, celui de l’homme qui n’appartenait pas à l’establishment et qui s’est fait tout seul, à l’instar de Ronald Reagan, qui a gardé l’image d’un grand président, alors qu’il était au départ maitre nageur, devenu acteur de films de série B, avant de parvenir à la magistrature suprême. Trump a connu des débuts moins difficiles, puisque son père lui avait fourni son premier million de dollars, mais il a fait prospérer cette somme en milliards, grâce à un flair exceptionnel, trop longtemps camouflé par ses extravagances. Mais ses outrances lui ont servi paradoxalement, car il était devenu une tête de turc constamment invité dans les médias parce qu’il traînait derrière lui une odeur de souffre et d’irrévérence. C’est ainsi qu’il a pu parvenir à la notoriété sans le soutien d’un grand journal ou de chaînes de télévision et en dépensant pour sa campagne beaucoup moins d’argent que ses concurrents.
On lui reproche d’avoir un programme flou, lorsqu’il ne comporte pas certains engagements ineptes, en matière de nationalités ou d’environnement par exemple. On va découvrir très vite que c’est d’abord un opportuniste. Il a déjà retiré de ses sites certains projets outranciers. Il va appliquer le comportement qui a toujours été le sien dans l’échafaudage de sa fortune immobilière : un flair exceptionnel pour reconnaitre les terrains qu’il lui fallait acheter pour édifier son empire, un goût de la négociation et du compromis, qu’il entend appliquer à la politique. Et puis, il y a derrière le personnage assez odieux que la presse avait tracé de lui, une certaine admiration diffuse d’une grande partie du peuple qui salue sa réussite, mais aussi son caractère et qui nourrissait une colère de plus en plus grande vis-à-vis de la classe politique, de ses codes et de ses compromissions et était prête à se jeter dans les bras de celui en qui elle reconnaissait les qualités susceptibles de la faire renouer avec le rêve américain. Un comportement que l’on retrouve dans d’autres pays, que les Britanniques ont adopté avec le brexit et qui pourrait aussi tenter la France l’an prochain.
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