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Pourquoi le boom de la demande mondiale de vanille risque de la rendre de moins en moins bonne
©Atlantico - Reuters

Rançon du succès

Les industriels du secteur agro-alimentaire sont de nouveau confrontés à une crise de la vanille. Hausse importante des prix et baisse de la qualité pourraient marquer l'hégémonie de la vanille de synthèse même si les acteurs du secteur s'interrogent encore.

Michel Grisoni

Michel Grisoni

Michel Grisoni est agronome au Cirad. Il a co-écrit avec Eric Odoux le livre Vanilla (2010, Editions CRC Press). 

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Atlantico : 250 dollars le kilo : c'est le prix actuel de la vanille, multiplié par 3 en un an. Qu'est-ce qui est à l'origine de cette augmentation ? 

Michel Grisoni Cette augmentation résulte du différentiel entre l'offre et la demande : la demande pour la vanille naturelle est soutenue, tandis que l'offre diminue. En effet, près de 70% de la production mondiale provient de Madagascar, et cette production n'augmente pas ; au contraire, elle se dégrade. Quant à la qualité, celle-ci diminue également : ainsi, c'est le rendement composé aromatique qui diminue. Il y a donc moins de parfums, ce qui aboutit à un renchérissement sur les prix car nombreux sont les demandeurs de l'arôme de vanille. 

Au regard de cette hausse des prix, le problème réside dans la qualité de la vanille qui serait moindre à l'heure actuelle comme vous le mentionnez. Quels sont les facteurs ayant un impact sur la qualité de la vanille ? Qu'est-ce qui explique la situation actuelle ? Sommes-nous "condamnés" à voir le goût de la vanille disparaître ?

Le principal facteur consiste en la nécessité d'avoir des fruits qui soient à maturité. Il faut pouvoir laisser les fruits de vanille sur la liane jusqu'à ce qu'elle accumule tous les précurseurs aromatiques. Souvent, cela constitue un problème à Madagascar, et d'autant plus quand les prix montent, à cause des vols. En effet, la hausse des prix accroît la valeur de la vanille qui devient un objet de convoitise. Les exploitants ayant donc peur de se faire voler leur vanille, ils la récupèrent le plus vite possible ; les récoltes sont ainsi de plus en plus précoces, ce qui nuit à la qualité de la vanille. Ce qui contribue aussi à la perte de qualité de la vanille, c'est la phase d'ensachage des gousses de vanille avant qu'elles ne soient complètement préparées. Quand elles ne sont pas complètement préparées, elles peuvent fermenter et développer de mauvaises odeurs, ce qui participe à la détérioration de la qualité de la vanille.

Toutefois, je ne pense pas que nous sommes "condamnés" à voir le goût de la vanille disparaître. Actuellement, le choix se pose entre la vanille issue de la plante vanillée, consistant en un mélange de différents parfums, et la vanille de synthèse qui est une molécule à peu près pure fabriquée selon un procédé chimique. Son goût est néanmoins différent de la vanille naturelle, mais qui peut remplacer cette dernière dans un certain nombre d'applications. Les industriels hésitent don entre un produit avec une qualité supérieure mais des prix fluctuants, et un produit plus basique sans cette connotation "produit naturel" disponible en quantité illimitée et dont le prix est très faible et stable.

Dans une gousse de vanille préparée, il y a près d'une centaine de composés aromatiques ; ainsi, le parfum de la vanille est un équilibre entre différentes molécules qui composent le bouquet et l'odeur de vanille. En fonction de l'origine, de la préparation et des espèces de vanillés, les parfums peuvent varier considérablement et qui se démarquent très nettement de ce qu'on obtient quand on synthétise une molécule de vanilline qui a son propre parfum de vanille bien que différent de celui de la vanille naturelle. Les consommateurs n'ont pas conscience de cela. De ce fait, on constate un certain nombre de tromperies. En vertu de la règlementation française, on ne peut pas employer n'importe quel mot sur chaque emballage, ni n'importe quelle image. Lorsque vous lisez "goût vanille", cela sous-entend que ce n'est pas de la vanille. En revanche, lorsqu'il est précisé par exemple "yaourt à la vanille", vous pouvez être sûr qu'il s'agit de vanille naturelle. De même, vous êtes en présence de vanille naturelle si vous voyez sur l'emballage des photos de fleurs ou de gousses de vanille. 

On retrouve la vanille dans un certain nombre de produits issus de l'industrie agro-alimentaire (glace, pâtisseries, yaourts, etc.). Quel est l'impact de cette crise de la vanille actuelle sur les acteurs du secteur ? 

Une crise un peu similaire a eu lieu en 2001, bien qu'elle ait été plus éphémère. On avait observé de la part des industriels un basculement massif vers la vanille de synthèse. Le même phénomène pourrait donc se produire au cours de cette crise. Pour certaines applications, on pourrait assister à des reconfigurations de recettes.

Les personnes en charge de vendre de la vanille aux industries veillent à sélectionner la matière première. La vanille en provenance de Madagascar présente parfois des lots défectueux qui sont alors écartés par ces personnes. Ainsi, la vanille proposée à la consommation est censée remplir les critères de qualité des personnes chargées d'approvisionner les industriels de l'agro-alimentaire. De plus en plus de lots défectueux doivent être écartés à l'heure actuelle ; cela se joue donc sur la quantité davantage que sur la qualité, d'où l'augmentation des prix. 

Quelles sont les alternatives à l'arôme naturelle de la vanille, outre la vanille de synthèsé ? 

Il existe d'autres alternatives à la vanille de synthèse précédemment évoquée comme la vanilline de biosynthèse. Dans ce cas, des procédés naturels sont utilisés pour produire de la vanille : à partir de champignons ou bien encore de bois, on peut avoir de la vanilline naturelle, mais en quantité très faible. Cela se trouve très peu à l'heure actuelle sur les marchés. 

Propos recueillis par Thomas Sila

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