Pourquoi la perte de poids dépend de beaucoup d'autres facteurs que de la volonté (et culpabiliser sur ses résolutions fait d'ailleurs grossir) <!-- --> | Atlantico.fr
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La perte de poids dépend de beaucoup d'autres facteurs que de la volonté.
La perte de poids dépend de beaucoup d'autres facteurs que de la volonté.
©Reuters

Avis aux gourmands

Seules 19% des personnes qui prennent des résolutions en terme d'alimentation tiennent leur engagement au bout de 2 ans. A l'inverse, 23% ne les tiennent même pas une semaine durant. Il ne s'agit pas nécessairement d'un manque de volonté, mais peut-être juste d'ignorance quant à la manière dont votre corps fonctionne...

Jacques Fradin

Jacques Fradin

Jacques Fradin est médecin, comportementaliste et cognitiviste.

Il a fondé en 1987 l'Institut de médecine environnementale à Paris. Il est membre de l’Association française de Thérapie comportementale et cognitive.

 

 

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Atlantico : Un article publié dans Ozy écrit que la perte de poids dépend de bien d’autres facteurs que la volonté, et l’auteur va même plus loin en affirmant que la tendance que nous avons à nous placer responsable de l’échec de nos résolutions provoque des effets inverses. Que pensez-vous de ce constat ? Comment peut-on l’expliquer ?

Jacques Fradin : C’est très juste. Je suis entièrement d’accord et je citerai à ce propos, les écrits de Gérard Apfeldorfer de l’association GROS (Groupe de recherche sur l’obésité et le surpoids) qui explique que lorsque nous désirons faire de la restriction cognitive c'est-à-dire se contraindre par la volonté pure à réduire son alimentation - et que nous ne tenons pas compte de nos appétits, de nos désirs alimentaires pour le faire, c'est-à-dire que nous ne tenons compte que de règles que nous avons comprises ou apprises qui peuvent être parfois dictées par la société, alors nous nous heurtons au système de régulation instinctive du poids qui crée une frustration. La première fonction de l’appétit est de satisfaire des besoins biologiques. Pour ce faire, nous disposons d'un système de régulation automatique. Ce système de régulation règle notre appétit et il s’emballe d’autant plus quand l’aliment ne répond pas à son besoin. Notre besoin se traduit en partie par le désir de l’aliment et le fait qu’il soit bon au goût, c'est-à-dire qu’il soit satisfaisant d’un point de vue psychologique et rassasiant d’un point de vue biologique.

Aussi, il faut manger d’abord ce qui nous fait plaisir. Ensuite, vous verrez si vous pouvez rester sur votre faim ou pousser au delà ... Il est plus facile de se réstreindre sur un aliment plaisant, que sur un aliment purement choisi. Gérard Apfeldorfer appelait ce principe "la pompe à chocolat". Vous aimez le chocolat ? Et bien faîtes-vous plaisir, mangez-en et vous arrêterez lorsque vous n’en aurez plus le besoin. Vous verrez que finalement, ce besoin peut diminuer. L’organisme réagit mieux que de s’en priver, et la régulation se fait ainsi. Cela expliquer ainsi les éléments de l’article que vous citez.

Ce n’est pas le seul facteur qui peut permettre une perte de poids, mais il s'agit certainement du plus important. Nous devons bien avoir en tête que la faim a une fonction biologique avant d’avoir une fonction sociologique et sociale, et nous devons tenir compte de notre besoin biologique qui passe par l’appétit.

Ensuite, pourquoi la culpabilité face à un non respect d’une résolution est contre-productive : 

On se donne une mission impossible : vouloir contrôler son appétit. C’est exactement comme le sommeil. Si vous avez besoin de dormir 8h par nuit, vous aurez beau avoir toute la volonté du monde pour n’en dormir que 3, vous n’y arriverez pas. Pire encore, cela aura des effets inverses : vous accumulerez le sommeil, vous aurez un rythme qui ne satisfait pas votre corps, et vous tomberez, car vous ne pouvez pas assumer physiquement. Vous pouvez essayer de jouer un peu dessus, mais vous ne contrôlez pas votre besoin : il est issu en premier lieu d’une fonction biologique. Si l’on pense que cela ne relève que de la volonté, on se sent coupable, alors que pourtant, l’échec est inévitable.

Ainsi, pour perdre du poids il faut partir avec l’envie de satisfaire pleinement son désir alimentaire mais en allant avec lui et pas contre. Cela relève de la physiologie de la régulation de l’appétit. Le soucis est qu'aujourd’hui, nous ne sommes que très peu conseillés sur ce domaine. Les diététiciens et médecins de sont pas formés à cela. Ainsi, si nous n’en prenons pas conscience, nous nous identifions sur le fait de réussir ou d’échouer. Nous nous sentons responsable de cet échec, et vivons donc dans un sentiment de culpabilité ou dévalorisation, qui va ainsi s’avérer contre-productif sur notre corps, car l’auto-régulation de l’appétit sera déréglée. 

Pour illustrer, nous pouvons prendre l’exemple du surfeur sur sa vague. Il faut avoir conscience que nous pouvons surfer sur la vague, mais que nous ne sommes pas forcément à l’origine de la vague, et surfer dessus n’est pas pour autant aller contre.

En outre, nous n’avons pas tous les mêmes besoins physiologiques, les mêmes régulations, le même poids d’équilibre. Certains auront besoin de 3h de sommeil, d’autre de 10h. Pour l’alimentation, c’est exactement pareil.

La stigmatisation faite par la société de la graisse, ne peut-elle pas avoir une influence sur la difficulté à perdre du poids ? Quelle analyse peut-on faire de l’impact des images véhiculées d’un "corps parfait" des femmes sur les publicités sur la perte de poids ?

Il s’agit effectivement du deuxième facteur. Des études ont montré le lien entre les deux. Il est difficile de tenir pleinement des résolutions lorsque nous sommes moins bien physiquement dans notre corps, de plus en plus gêné et mal à l’aise. Aussi l’activité physique devient presque décourageante. En outre, si nous cherchons à perdre du poids pour des raisons sociales - comme c’est souvent le cas - nous sommes doublement punit : par nous et par les autres (le retour qui nous est fait). Ainsi, nous avons le sentiment de porter la responsabilité d’un double échec, et la frustration est plus grande.

Pourtant, des études prouvent que certaines personnes restent minces constitutionnellement quoiqu’elles mangent, alors que d’autres prennent du poids très facilement. Cela entraine une stigmatisation qui est injuste au sens de l’injustice mais aussi de l’injustesse. Il y a clairement des personnes qui n’ont pas la même régulation de poids, pas les mêmes besoins. Et cela va au-delà de la volonté, c’est la nature même.

Que faire alors pour se détacher de cette image ?

Plus nous avons des raisons personnelles de construire sa vie, moins nous dépendons de l’image sociale, et plus nous parvenons à la satisfaire. Paradoxalement lorsque nous avons une double peine : nous échouons encore plus, et craquons plus régulièrement.

Alors que ceux qui ont des raisons de vivre plus personnelles à côté, qui entretiennent des passions, dépendent moins du regard des autres et, par conséquent, ils compensent autrement moins sur l’alimentation. L’équilibre se fait donc rapidement entre le besoin de manger, et l’auto-régulation de l’appétit.

Pourquoi avec la volonté, pouvons-nous contrôler certains plaisirs, mais pas notre appétit ? 

On peut bien moins contrôler son alimentation que la plus part des autres plaisirs qui répondent davantage à des mécanismes construits, et qui ne dépendent pas d'un mécanisme biologique. Sur la question du sommeil et de l’alimentation mieux vaut jouer avec que jouer contre. Nous n’avons pas beaucoup de marge de manoeuvre. De ce fait, la volonté a moins d'importance que face à d'autres plaisirs.

Quel autre facteur peut dérégler notre auto-régulation, et nous faire grossir malgré notre volonté ? 

Le stress est le plus important. Plus nous sommes stressés, plus nous avons tendance à compenser sur l’alimentation. Ce n’est pas comme nous pouvons l’entendre parfois parce que nous sommes malheureux. Manger tend à réduire le stress : cela libère des endorphines, et par la suite peut provoquer une petite somnolence qui abrutit et coupe les idées noires. Au travers de l'alimentation (sur laquelle il ne s'agit pas de jouer), le corps cherche à combattre et éliminer le stress.

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