Pourquoi la génération célibataire est en train d’accoucher d’une révolution urbaine<!-- --> | Atlantico.fr
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Les grandes villes françaises sont de plus en plus peuplées par des personne vivant seules.
Les grandes villes françaises sont de plus en plus peuplées par des personne vivant seules.
©Pixabay.com

Mutation

Les grandes villes françaises sont de plus en plus peuplées par des personne vivant seules, la taille moyenne des ménages ne cessant de décliner. Un changement sociologique qui entraîne des mutations dans la vie quotidienne, et qui génère surtout d'importants problèmes immobiliers.

Laurent Fouillé

Laurent Fouillé

Laurent Fouillé est sociologue et urbaniste. Il est notamment spécialisé sur les questions liées à la mobilité en ville.

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Atlantico : D'où provient en premier lieu l'augmentation du nombre de célibataires vivant en ville ? Quel est leur nature et en quoi cela impacte-t-il les enjeux de la hausse de cette population ?

Laurent Fouillé : Il y a effectivement des jeunes qui ne sont pas encore en couple et, à l'autre extrémité, les personnes âgées qui ne sont plus en couple. Ce sont les deux principales populations. Et vous avez entre les deux ceux qui ont été en couple et ne le sont plus, temporairement ou non, c'est-à-dire les personnes divorcées ou séparées, et les personnes qui n'auront jamais vécu en couple, les "célibataires endurcis".

D'après les données de l'Insee, on vit dans un ménage nombreux au cours de sa jeunesse (ce qui correspond à la vie familiale) puis cela baisse jusqu'à 25 ans environ (le point bas à cet âge est à 2,5 personnes par ménage). Cela remonte ensuite, correspondant à l'installation dans une vie de famille, jusqu'à 35 ans pour les femmes et 40 ans pour les hommes. A partir de cet âge commence une baisse irréversible qui s'accélère dès la cinquantaine, et qui correspond au départ des enfants, aux divorces tardifs et au décès du conjoint. A 80 ans les femmes vivent dans des foyers qui comptent en moyenne 1,5 personne, ce qui signifie en réalité que beaucoup d'entre elles sont seules. Il est important d'en comprendre les conclusions : même si les jeunes peuvent vivre seules en célibataire, leur situation n'est pas appelée à durer, et on est plutôt dans une logique de "rotation" de la population. Par contre, avec le vieillissement de la population, la tendance est que la personne vivant seule en ville, et de manière durable, c'est d'abord une personne âgée. Et donc les enjeux à relever sont d'abord ceux liés à cette population.  

Comment cela joue-t-il sur la question immobilière dans des zones urbaines déjà en tension ?

La principale problématique, c'est de construire de nouveaux logements pour accueillir la réduction de la taille des ménages. Il y a donc une pression immobilière à population constante. Or, la population en France n'est pas constante, même à un faible rythme, elle continue d'augmenter, et il y a donc aussi une demande de logements pour ces nouvelles personnes. Les deux phénomènes se combinent donc. Et on se retrouve dans une situation où le stock de logement, notamment en zone périurbaine, ne correspond plus aux besoins. Dans les projections de l'Insee, le ménage moyen en 2015 fait environ 2,5 personnes (il était quasiment de 3 en 1975), et on s'attend à descendre à 2 personnes par ménage. Sur un pays de plus de 60 millions d'habitants, on peut imaginer les conséquences de cette variation…

Quels services et quelles demandes économiques particulières cette démographie génère-t-elle ? Que trouve-t-on dans une "ville de célibataires" que l'on ne retrouve nulle part ailleurs ?

Il y a des besoins de sorties et de vie culturelle plus important. Quand on a une famille, on a une vie sociale interne à son ménage. Or, un célibataire doit par définition en sortir pour en avoir une. Cela entraîne une offre de loisirs plus conséquente. Concernant la consommation, il existe aussi des tendances probables : tout ce qui suppose une charge collective, comme faire à manger pour toute une famille ce qui ne demande guère plus d'efforts que se faire à manger seul, correspond moins aux habitudes d'une personne seule. Il y a donc plus de possibilités de manger à l'extérieur ou de se faire livrer dans une zone urbaine avec de nombreuses personnes vivant seules.

Comment un grand de nombre de ménage célibataire impacte-t-il les questions liées aux transports ? Comment la voirie, la circulation et les transports publics sont-ils impactés ? 

D'après les études sur la question, les petits ménages (et a fortiori les célibataires), sont moins équipés en automobiles (qui sont quasiment toutes conçues pour accueillir cinq personnes) qu'un ménage plus important, car l'accroissement de la taille du ménage est souvent l'élément déclencheur de ce type d'achat. Et, par définition, les véhicules achetés dans ce contexte transportent moins de personnes en moyenne lors d'un trajet. C'est à partir de cette base que se développent de nouvelles pratiques comme le covoiturage, ou l'auto-partage, dont la demande provient plus de personnes seules. Pour des raisons pratiques et économiques, la hausse du nombre de célibataires encourage la logique de consommation par mutualisation. Enfin, on peut évidemment penser que la faiblesse de la taille des ménages étant désincitative de l'achat d'un véhicule, la demande de transports en commun s'en trouve renforcée. D'ailleurs, les transports collectifs sont traditionnellement plus utilisés par les jeunes et les personnes âgées.

La hausse du nombre de célibataire en ville est une constante du monde occidental. mais y a-t-il des grandes divergences dans les effets selon les pays ? Où sont les différences marquantes ?

La plus grande différence réside toujours dans l'accès au logement. Quand il pèse particulièrement lourd, les personnes seules vont en réalité se greffer à leur famille ainsi élargie. C'est typiquement le cas de l'Italie par exemple. Les enfants qui ne prennent pas leur indépendance, la cohabitation avec un autre membre de sa famille, ou des parents qui, parfois se retrouvant seul, viennent habiter chez leurs enfants. Statistiquement, il y aura moins de personnes seules donc, malgré des facteurs sociologiques (natalité en baisse, divorce, vieillissement…) similaires.

Mais, en dehors des cas particuliers générés par le prix de l'immobilier, on constate, concernant la hausse du nombre de célibataires, des effets qui peuvent se répéter partout dans le monde. Dans les Dom-Tom par exemple, on avait une population très jeune et des ménages nombreux, et on assiste à un rattrapage accéléré, avec tous les effets identifiés. Les mêmes causes produisent les mêmes effets, partout.

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