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Pourquoi l’interdiction d’Airbnb dans le centre de Paris est une fausse solution au vrai problème du logement dans la capitale
©LUDOVIC MARIN / AFP

Fausse solution

Ce jeudi 6 septembre, Ian Brossat -adjoint communiste chargé du logement à la Mairie de Paris- a demandé l'interdiction de la location d'appartement dans leur intégralité -sur la plateforme Airbnb- dans les quatre premiers arrondissements de la capitale.

Henry Buzy-Cazaux

Henry Buzy-Cazaux

Henry Buzy-Cazaux est le président de l'Institut du Management des Services Immobiliers.

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Atlantico : Comment analysez-vous cette proposition d'Ian Brossat ? Interdire les locations Airbnb, n'est-ce pas s'attarder sur un symptôme et non la cause ? 

Henry Buzy-Cazaux : Je comprends l’embarras de l’équipe municipale face à la lame de fond Airb’nb. On ne peut nier que des logements jusqu’alors destinés à accueillir des locataires stables, habitant et travaillant dans la capitale ou sa périphérie. soient détournés de cet usage au profit de la location de courte durée. Certes cette formule répond aux besoins de personnes en mission à Paris, nationaux ou expatriés, mais la principale source reste les touristes. Un autre préjudice tient aux troubles occasionnés dans les copropriétés, par des locataires aux habitudes de vie différentes, moins sédentaires, et changeants. 
Pour autant, interdire aux propriétaires parisiens de faire cet usage de leur appartement ne le semble pas la bonne solution. On s’attaque en effet à la conséquence, pas à la cause. La cause, c’est sans aucun doute la moindre attractivité de la location nue de longue durée, c’est-à-dire renvoyant à la loi du 6 juillet 1989. L'encadrement des loyers, que le gouvernement n’a pas supprimé dans le projet de loi ELAN et dont il va attaquer les jugements d’invalidation à Paris et à Lille, a donné aux investisseurs le sentiment d’une privation de liberté. J’ai toujours dit que les effets réels de cet encadrement sur le niveau des loyers et le rendement locatif étaient faibles et que seuls les 20% de loyers excessifs avaient été affectés. Néanmoins, il faut reconnaître que cette bride est rejetée par les propriétaires et par les professionnels de la gestion, de façon plus épidermique que rationnelle. 
Ce sont aussi les discours malheureux et injustes sur la rente immobilière qui ont donné envie aux bailleurs de changer de formule et de sortir de la logique de la location traditionnelle. Ils ont également constaté la baisse des aides personnelles, qui désolvabilise la demande et majore les risques d’impayés de loyers. Enfin, le traitement fiscal des revenus fonciers manque de séduction: je pense au plafond de déductibilité des déficits fonciers, placé à 15700€ il y a trente ans et jamais réévalué (il a seulement été converti en euros au passage à la monnaie unique!). Bref, c’est plutôt en améliorant le sort des locations classiques qu’on leur fera regagner du terrain. 
La mairie a déjà accompli, sous l’impulsion de Ian Brossat d’ailleurs, de beaux efforts pour inciter les propriétaires à ne plus laisser leurs logements locatifs vacants, avec le dispositif Multiloc. C’est la meilleure voie: accompagner plutôt que sanctionner. 

Quelles sont les solutions efficaces qui pourraient combattre la crise du logement ?

La crise du logement, c’est essentiellement l’insuffisance d’offres locatives dans les grandes villes, Paris en tête, et par voie de conséquence la cherté des loyers comme des prix à la vente. Un remède consiste à construire plus, mais la production nouvelle sera toujours limitée au cœur d’une ville, par manque de foncier. La solution de la surélévation des immeubles existants apparait désormais comme une solution non anecdotique pour loger davantage de familles et d’individus intra muros. Par dessus tout, c’est l’aménagement du territoire qui sauvera les grandes agglomérations en atténuant les tensions en leur sein: le Grand Paris fait naitre un puissant espoir que les ménages décident d’habiter hors voire loin de Paris, dans l’un des 70 clusters qui se créent, parce que la liaison avec la capitale sera rapide, facile et sûre. Il faut cesser de dire à tout le monde qu’il pourra vivre à Paris: le Grand Paris va décongestionner Paris. 

Emmanuel Macron avaient pour objectif de "libérer" la construction. Quelles ont été les mesures prises par le gouvernement qui ont pu favoriser cette baisse de la construction ?

Le projet de loi ELAN affichait l’ambition de faciliter et catalyser la construction et il est clair que de nombreuses mesures vont dans ce sens. Le volet urbanisme de ce texte est honorable, surtout après sa modification par le Sénat. Le concept élargi de « grandes opérations d’urbanisme », la demande et l’instruction du permis de construire par voie digitale, le renforcement de l’arsenal contre les recours abusifs, et une quarantaine d’autres mesures concrètes pour alléger et fluidifier les process. Il faut aussi citer la simplification annoncée des normes de construction, dont la norme pour l’accessibilité aux handicapés, ou encore l’instauration du permis de faire, deux dispositions de la loi ESSOR. 
Ce qui est déplorable, c’est que dans le même temps, des gestes malveillants soient faits à l’encontre de la production, tels que la réduction du prêt à taux zéro, du dispositif Pinel et la suppression de l’APL accession, sans compter les menaces et les épées de Damoclès, comme la hausse de la taxe foncière pour compenser la suppression de la taxe d’habitation. On peut également regretter que les organismes HLM aient été malmenés par le gouvernement et que leur réforme n’ait pas été conduites dans la sérénité. Le dynamisme de la construction de logements sociaux, essentiels en Ile-de-France, est cassé. Au bout du compte, le solde net entre les bonnes dispositions et les mauvaises est négatif et on enregistre une baisse d l’ordre de 10% de la production. Le pays aura besoin d’un plan de relance parce que l’exécutif a manqué de discernement et n’a pas écouté les acteurs professionnels.

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