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Pourquoi Israël va annexer la vallée du Jourdain
©MENAHEM KAHANA / AFP

Bibi dans l'impasse

Netanyahu ne possède pas d’autre alternative que d’occuper définitivement toute la Cisjordanie. Et il doit le faire avant la prochaine échéance électorale américaine.

Le retrait américain du Moyen-Orient a renversé l’échiquier géopolitique du monde. En quittant la table de jeu, Trump a donné de l’imagination à Erdogan qui crevait d’envie de se déployer vers l’Ouest et de l’air à Poutine auquel celui-ci ne faisait déjà pas défaut. Pour Israël, la stratégie sécuritaire doit s’accommoder des contraires.

Depuis son lointain bureau de la Maison de moins en moins Blanche, la voix de Trump ne parvient plus que faiblement en Orient, lui donnant des accents de Donald Duck, on ne comprend plus vraiment ce qu’il dit. Certes, le langage corporel du président américain laisse poindre une inquiétude davantage qu’un véritable désaveu, pour autant Netanyahu peut parier sur la neutralité des USA, en cas de passage à l’acte. 

Le désengagement militaire américain dans la région ne date pas d’hier, Obama avait déjà enclenché un processus que Trump n’a fait que formaliser. Pour Trump, l’ennemi n’est plus l’Iran, pas davantage que la Russie, le dragon qu’il s’est choisi, à raison sans doute, est chinois.

Benjamin Netanyahu a tout à gagner à annexer la Cisjordanie, en premier lieu un héritage politique lui permettant de détourner les regards puritains ailleurs que sur son procès pour corruption. 

Assumer son idéologie expansionniste possède désormais un alibi sécuritaire que ses contradicteurs régionaux ne peuvent que valider. Le retrait américain inquiète également les partisans les plus farouches d’une annexion totale de la vallée du Jourdain, la Jordanie et les Emirats Unis.

Certes, son image de conservateur belliciste va se voir conforter de même que l’intransigeance des Palestiniens qui n’ont de cesse que de dénoncer l’impérialisme sioniste. Netanyahu se trouve face à un échiquier entièrement renouvelé, c’est à lui d’avancer ses pions et il possède une fenêtre de tir qui pourrait ne pas rester ouverte longtemps.

La puissance de feu du lion américaine ne rugit plus sur le champ de bataille, les charognards s’infiltrent de plus en plus profondément, déjà la hyène turque a pris ses quartiers en Lybie.

Que sont les risques pour Netanyahu ?

Pas grand-chose en vérité.

Sa situation intérieure n’est pas des plus reluisante. Les atteintes internationales soutenues à la position diplomatique d’Israël, l’affaiblissement ses alliances régionales, les enquêtes de la Cour pénale internationale à l’encontre de hauts responsables israéliens, l’isolement politique et la menace de sanctions économiques internationale rendent encore plus aléatoire une économie lourdement éprouvée par le coronavirus.

La possibilité d’une défaite de Donald Trump à la présidentielle Américaine n’est pas propice à une politique d’attentisme. Erdogan l’a bien compris, lui qui a lancé 7000 djihadistes syriens pour s’assurer du contrôle du gouvernement libyen prenant ainsi pied en méditerranée occidentale.  Les USA et l’Europe ont laissé faire Erdogan en Libye ravivant l’espoir des Palestiniens de s’appuyer sur la Turquie et le Qatar pour renforcer leurs positions. Ce danger-là, Netanyahu ne peut le minimiser. 

D’autant que la Jordanie ne devrait pas s’insurger excessivement, puisqu’elle est soumise au même péril, par sa frontière poreuse avec la Syrie, c’est Tsahal qui à maintes reprises a assuré sa protection. 

La Pax Americana a disparu au Moyen-Orient laissant augurer une longue période d’instabilité. L’Europe ne devrait pas oublier que la période de paix qui perdure depuis la deuxième guerre mondiale n’est qu’une expression de l’hégémonie militaire américaine.

Quand la diplomatie moraliste de l’Union européenne tente de se substituer à celle de l’Amérique, on assiste à un immobilisme sanglant ne parvenant finalement qu’à renforcer les camps plus extrémistes. Les exemples de l’ex-Yougoslavie et plus récemment de la Syrie ne peuvent qu’inciter Israël au durcissement de sa stratégie sécuritaire.

Les choix stratégiques auxquels Israël est confronté ne sont pas ceux de la France, de l’Allemagne ou de la Grande-Bretagne.

Il demeure évident que les subtilités de la diplomatie internationale n’ont de sens que pour des pays en paix et aux frontières stables.  Avant toute négociation les positions doivent être clairement établies et sécurisées, c’est vers cette stratégie de défense que s’oriente Netanyahu. 

C’est tout le paradoxe du choix que doit faire Israël avant novembre 2020. 

Les partisans de l’annexion de la Cisjordanie affirment que l’instabilité de la région conjuguée au retrait américain impose le renforcement des alliances avec les États sunnites conservateurs comme la Jordanie, l’Arabie Saoudite et les États du Golfe. 

Et c’est pour les mêmes raisons que pour sa propre sécurité délaisser la région est impossible pour Israël. Une zone sans contrôle militaire israélien en Cisjordanie serait utilisée par des ennemis multiples d’Ankara à Téhéran – et leurs alliés idéologiques du Hamas, du Hezbollah et du djihad islamique – pour menacer directement les entrailles et le cœur d’Israël.

La présence militaire israélienne en Cisjordanie est inversement proportionnelle au recul militaire de la puissance militaire américaine au Moyen-Orient. 

La fenêtre de tir pour Netanyahu est devenue une fenêtre obligatoire à l’aulne du désengagement américain.

La vision conservatrice et sécuritaire de Netanyahu se trouve renforcée par la volonté de l’administration américaine de faire pivoter sa diplomatie vers l'océan pacifique plutôt que vers le Moyen-Orient. La décision d’annexer définitivement la vallée du Jourdain ne mettra pas à mal les alliances avec l’Égypte, l’Arabie Saoudite et la Jordanie qui y trouvent un même intérêt sécuritaire, si ce n’est idéologique.

Par ailleurs, annexer la Cisjordanie pourrait offrir durant la fenêtre de tir électorale américaine à Donal Trump une victoire politique. En transformant un plan théorique aux contours obscurs, en plan opérationnel qui contraint déjà les Palestiniens à reprendre les négociations. 

Le plan Trump était flou, mais comme souvent avec le président américain, il met en évidence une réalité crue, des vérités vitales pour les Israéliens, le besoin de frontières fiables. 

La question n’est plus de s’interroger sur la faisabilité ou pas d’une annexion de la Cisjordanie, mais quand va-t-elle avoir lieu.

C’est l’instabilité régionale consécutive au désengagement militaire américain qui pousse Netanyahu à annexer la vallée du Jourdain, pour la simple raison qu’il pense pouvoir le faire… sans conséquences sérieuses avec ses alliés.

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