Pourquoi François Hollande n’a pas apporté grand chose de constructif à l’Europe le week-end dernier<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande
François Hollande
©Reuters

Détournement de la réalité

Alors que le président a exprimé lors de la traditionnelle interview du 14 juillet une certaine satisfaction sur son action dans le traitement du dossier grec, Alexis Tsipras reconnait le manque de lucidité du plan d'aide accordé.

Nathalie Krikorian-Duronsoy

Nathalie Krikorian-Duronsoy

Nathalie Krikorian-Duronsoy est philosophe, analyste du discours politique et des idéologies.
 
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Heureux qui comme François Hollande, après un long voyage à Bruxelles, de retour dans sa patrie, se sentait porté par la gloire. Lundi soir, anticipant les résultats des négociations de l’Euro groupe réuni à Bruxelles pour trouver une sortie à la crise grecque, le premier ministre Manuel Valls annonçait aux Français le retour d’"un grand président de la République" auquel l’Europe devrait, à l’avenir, le "respect de la souveraineté" de la Grèce. Hier, lors de son traditionnel discours-interview du 14 juillet, le président de la République, mettant en avant son rôle sur la scène internationale, pronostiquait ce que seront les deux prochaines années de son mandat en s’auto-estimant être un président "audacieux". De l’audace en effet, il n’en a pas manqué, se couvrant de lauriers, via son Premier ministre, pour une gloire dont on est pourtant en droit de douter qu’elle soit tout à fait sienne, ou qu’elle ait jamais existé. Car en échange de ce troisième plan d’aide européenne, atteignant 81 milliards d’euros, ouvrant sur un possible rééchelonnement de la dette grecque mais rien n’est acté, c’est sa souveraineté économique et politique que la Grèce a du céder à l’Europe (1).

Le Premier ministre Alexis Tsipras, le reconnait d’ailleurs lui-même lorsqu’il affirme lundi matin dès la signature de son accord avec les représentants de la zone euro : "la Grèce continuera à lutter afin de pouvoir renouer avec sa croissance et regagner notre souveraineté perdue". Le 15 février dernier il avait pourtant annoncé, comme but de ses négociations avec l’Union Européenne, "un nouveau programme" dont Athènes aurait eut la maîtrise. Alexis Tsipras n’aura tenu aucune de ses promesses de campagne et déçu les Grecs lui ayant donné leurs voix pour lutter contre l’austérité. C’est pourquoi il a perdu beaucoup plus qu’il n’avait misé, et donc espéré, lorsqu’il se jetait avec force, au début des négociations, dans un bras de fer contre ses créanciers européens, soutenu par le Président français.

François Hollande pour sa part, a tout de suite vu qu’il tenait, dans la période qui s’ouvrait, l’occasion de vivre un grand moment diplomatique. Le moyen de se placer dans l’orbite idéale des chefs d’Etats français l’ayant précédé et qui, depuis Charles de Gaulle, sont tenus de briller en politique extérieure.

Mais dans cette crise européenne majeure, le président français a aussi saisi sa chance de montrer à ses électeurs et à son propre parti, qu’il était capable de se hisser, dans la pratique, à la hauteur des promesses qu’il avait faites sur l’Europe pendant la campagne présidentielle de 2012.

C’est que François Hollande est dans l’urgence d’une échéance que le quinquennat et l’échec de sa politique rendent brulante : sa popularité est au plus bas, et les derniers sondages du mois de juillet le confirment, le chef de l’Etat entraine avec lui des records historiques de défiance. Ainsi le 2 juillet, alors que la CGT manifeste son "soutien au peuple grec", 72% des Français portent un jugement "défavorable" sur l’action du président (2). Pire, le 7 juillet, au plus fort de l’angoisse internationale d’un Grexit, seulement 24 % des Français se disent prêts à lui accorder leur confiance à pour "sortir de la crise actuelle entre la Grèce et les autres pays européens" alors même que 44 % d’entre eux sont plus confiants à l'égard d'Angela Merkel. Un résultat catastrophique pour le chef de l’Etat, dont le directeur du département opinion de l'Ifop disait : "On observe de manière cruelle et cinglante qu'aux yeux des opinions publiques françaises et allemandes, ce n'est pas François Hollande qui incarne le leadership européen mais Angela Merkel" (3).

Or, qu’on se souvienne du discours du Bourget, le seul qui fasse encore l’unanimité sur la personne du président de la République au sein de son propre parti et chez son ancien électorat. François Hollande y professait : "La France doit retrouver l’ambition de changer l’orientation de l’Europe. Elle imposera de savoir convaincre et entraîner nos partenaires, précisant, ce qui va changer, c’est le vote des Français, qui sera notre levier pour convaincre. Les destins de l’Europe et de la France sont liés, la grandeur de la France ne peut pas être séparée de la force de l’Europe. Nous avons besoin d’Europe, elle doit nous aider à sortir de la crise mais pas imposer une austérité sans fin qui peut nous entraîner dans la spirale de la dépression. (...) C’est pourquoi je proposerai à nos partenaires un pacte de responsabilité, de gouvernance et de croissance. Je renégocierai le traité européen issu de l’accord du 9 décembre pour lui apporter la dimension qui lui manque". Faute de n’avoir jamais renégocié quoi que ce soit, il est indéniable que le président de la République a très habillement joué sa carte personnelle dans la crise grecque.

Avec l’affirmation mainte fois réitirée de son soutien à la Grèce il a même quelque peu profité du chantage au Grexit instrumentalisé par Alexis Tsipras qui annonçait, par surprise, dans la nuit du 26 juin le référendum du 5 juillet, brandissant ainsi, comme son ainé François Hollande en son temps, la carte d’un populisme de gauche, destinée à déstabiliser une Europe dont le talon d’Achille demeure l’absence de politique commune entre les Etats qui la composent. Car Alexis Tsipras n’a pas seulement consulté son peuple, il l’a appelé à voter non.

Mais François Hollande a su, aussi, profiter pour lui-même et pour l’image de son pays par ricochet, du fait que la France et l’Allemagne selon des raisons historiques qui tiennent à la grandeur politique de l’une et à la puissance économique de l’autre, sont "les moteurs de l’Europe". De sorte qu’avec l’habileté négociatrice qu’il convient de lui reconnaitre, le Président français a, dans la crise grecque, élevé à la hauteur d’un art son sens aigu du double jeu auquel il doit le sobriquet de culbuto dont l’affuble volontiers, en privé, la présidente du Front National, Marine Le Pen.

La crise grecque posait au président des problèmes de politique intérieure, coincé qu’il était entre l’union des extrêmes souverainistes, de Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen, d’un côté, et Nicolas Sarkozy, de l’autre. L’ancien chef de l’Etat présent à Bruxelles s’est d’ailleurs invité dimanche dans le timing de la négociation pour le sermoner : "Il faut que Monsieur Hollande se ressaisisse et reconstitue une unité avec la chancelière Merckel ... ce fut une erreur, de laisser à penser  comme l’a fait monsieur Hollande depuis sept mois, à monsieur Tsipras, qu’il pouvait avoir un chèque en blanc de la part de ses partenaires de la zone euro". L’objectif était de faire passer l’idée qu’en soutenant ostensiblement le jeune premier ministre grec qu’il coachait, François Hollande risquait un coup de poker dangereux pour la France sur la scène internationale.

En jouant sur les deux tableaux, Grèce et Allemagne, le président français, voulait se construire une image de leader, mais c’est la position allemande qui l’a emporté. Car la force politique de François Hollande tient toute entière au fait de n’avoir aucune position originale, de ne faire aucun vrai choix et d’avoir, in fine, ménagé la chèvre allemande, pour manger avec elle le chou grec, après l’avoir arrosé. L’histoire dira quel rôle fut celui de la France dans la construction européenne sous la Présidence de monsieur Hollande, mais le temps présent laisse à craindre qu’à l’issue des négociations entre les dixneufs chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro opposés à la Grèce de monsieur Tsipras, l’Europe ne soit perdante.

Aucun pays européen n’avait intérêt, si ce n’est d’un point de vue économique, à la sortie de la Grèce qui est membre de l’OTAN et dont la position géopolitique en tant que frontière avec la Turquie est déterminante pour l’avenir, non seulement de l’Europe, mais du monde occidental, face à l’offensive idéologique et militaire de l’islamisme. En revanche, tous les pays ont intérêt à construire une Europe politique en lieu et place de celle qui punit les Etats et asphyxie les nations de réglementations idiotes, au lieu d’enrichir le projet européen de toutes ses particularités nationales et d’y puiser la force d’une unité supérieure. Or cette unité ne viendra jamais de règles économiques, si nécessaires soient-elles. Elle est à trouver dans la richesse d’une culture commune, qui doit prendre forme. Qu’on l’appelle "fédération" ou "coalition" comme monsieur Guaino, peu importe. Mais pour cela, il faut déplacer la charrue économique et la mettre derrière les boeufs, politiques et culturels, qui ne sont pas encore trouvés. Sans quoi, l’Europe demeurera un bel idéal, toujours trop lointain, faute d’avancer dans le coeur des peuples qui la composent.

(1) Le compromis signé par A.Tsipras engage la Grèce "à consulter et se mettre d'accord" avec la BCE, le FMI et la Commission européenne, "sur tout projet de loi sur les domaines pertinents avec un délai pertinent avant de le soumettre à la consultation publique ou au Parlement". Et à adopter, d’ici le 22 juillet "une réforme majeure de la justice civile et transposer la directive européenne sur la mise en faillite des banques."

(2) D’après une étude pour le Huffington Post et iTELE,  LCPassemblée nationale, 2 juillet 2015

(3) "Crise grecque : les Français font davantage confiance à Merkel qu'à Hollande", Le Figaro, 7 juillet 2015

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