Post Ciaran : les assureurs face au défi climatique<!-- --> | Atlantico.fr
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Pour l’heure, près de 6500 déclarations de sinistres ont déjà été effectuées auprès de la Macif pour des dégâts provoqués par la tempête Ciaran.
Pour l’heure, près de 6500 déclarations de sinistres ont déjà été effectuées auprès de la Macif pour des dégâts provoqués par la tempête Ciaran.
©FRED TANNEAU / AFP

Dégâts

Pour l’heure, près de 6500 déclarations de sinistres ont déjà été effectuées auprès de la Macif pour des dégâts provoqués par la tempête Ciaran.

Thomas Carbonnier

Thomas Carbonnier

Thomas Carbonnier est Avocat, fondateur & coordinateur pédagogique du diplôme Start-up Santé (bac+5) à l'Université Paris Cité. Il est également Président de l'UNPI 95, une association de propriétaires qui intervient dans le Val d'Oise. Il est titulaire du Master 2 droit fiscal, du Master 2 droit financier et du D.E.S. immobilier d’entreprise de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne.

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Atlantico : Face à la multiplication de phénomènes météo violents, les assureurs ont-ils la capacité à faire face à l'indemnisation des catastrophes naturelles ?

Thomas Carbonnier : Si les catastrophes climatiques existent, il faut savoir raison garder. C’est un peu comme le COVID-19 qui devait décimer 10 millions de français… et quasiment rayer de la carte la population sur le territoire africain. Il n’y a peut-être pas lieu, pour l’heure, de faire dans le catastrophisme même le problème est sérieux.

Sur un plan juridique : en France, la création d’une compagnie d’assurance est à la fois très règlementée et très surveillée par l‘ACPR-Banque de France. Cela implique un capital minimum, lequel se compte en millions d’euros, et il est ensuite soumis à agrément. Le marché assuranciel est mature et n’est pas à la portée d’une start-up sortie de nul part. Pour obtenir l’agrément, il faut faire la démonstration de sa surface financière. Faute de quoi, si l’entreprise n’est pas jugée viable, il n’est pas possible de fonder une société d’assurance. Au critère financier, s’ajoute des critères humains en termes de compétences techniques…

La réforme, entrée en application en janvier 2023, concerne précisément le domaine de l’assurance. Elle concerne davantage l’industrie agricole que l’industrie immobilière, puisqu’il s’agit de pérenniser notre souveraineté alimentaire. Sans rentrer dans trop de détails, elle comporte trois volets : 

Les aléas courants, qui correspondent aux mauvaises récoltes par exemple. Il existe une fiscalité particulière, dans le monde agricole, qui visent à tenir compte des aléas climatiques (justement), qui permet à tout agriculteur de demander un abattement fiscal de 50% sur son bénéfice au titre de l’aléa climatique. Et ce que l’on fasse de la céréale ou du cochon, par exemple.

Les aléas significatifs : les assurances indemnisent alors l’exploitation agricole. 

Enfin, les aléas dits “exceptionnels” : dans ce cas précis, on déclenche automatiquement une aide financière de l’Etat. C’est un dispositif tout neuf, dont il n’est pas encore possible de discuter de l’efficacité. 

Cette réforme vise à rendre “assurable” ce qui, à terme, pourrait théoriquement ne plus l’être. Cela ne concerne pas le domicile, sauf peut-être la maison sur le terrain agricole.

D’une façon générale, l’impact déclenché par un aléas, y compris climatique (on pourrait parler des inondations récurrentes à Paris, quand la Seine grimpe trop, par exemple) est mieux absorbé. Ces aléas sont connus : il existe une cartographie des risques ; quand on achète une maison, le notaire est tenu d’informer les nouveaux propriétaires de tous les risques et de tous les événements qui ont pu avoir lieu sur la parcelle… d’une façon générale, on est assez bien renseignés en France. 

Combien ça leur coûte chaque année ? Le chiffre est-il en hausse ? Quelle évolution ?

Les assureurs estimeraient à 10 milliards d'euros la facture des catastrophes naturelles en 2022. Cette année aura sans nul doute été la pire depuis 1999 en France. L’année 2023 n’est pas terminée et il est délicat de se prononcer. Le pays a connu une multitude d'événements climatiques entre épisodes de grêle, tempêtes, inondations, sécheresse ou encore incendies. Reste que le pire est à venir pour le secteur, qui considère le dérèglement climatique comme l'une de ses principales préoccupations pour les cinq prochaines années. 

Quel impact ces indemnisations ont sur leur stabilité financière ? Existe-t-il un risque ? 

Je ne suis pas convaincu que notre modèle d’assurance change drastiquement dans les mois où les années à venir… C’est une question de nombre d’assurés et de niveau de prime d’assurance, il me semble ; d’autant que certaines assurances se ré-assurent de leur côté. N’oublions pas non plus que nos assureurs sont très habiles sur le plan juridique : à l’aide de très bons avocats, ils insèrent tout un tas de clauses dans les contrats pour s’assurer, autant que faire se peut, de ne pas avoir à couvrir leur clientèle. Bien souvent, après un aléa, on réalise qu’on tombe dans une exception, parmi une liste conséquente, qui justifie une faible (voir l’absence totale de) couverture. 

En théorie, si la situation climatique devenait beaucoup plus instable au point que se succèdent des catastrophes susceptibles d’abîmer les bâtiments, on pourrait tout à fait imaginer que les assureurs jouent sur ce levier et augmentent le nombre d’exceptions possible. Ce n’est pas le seul recours dont ils disposent : ils peuvent aussi jouer sur la prime d’assurance (laquelle deviendrait plus chère) où, s’ils y parviennent, le nombre d'assurés (pour mieux absorber le choc de leur côté). On peut tout à fait envisager un soutien financier de l’Etat (lequel impacterait, dès lors, l’économie en général et pourrait théoriquement peser sur les contribuables). Il y a plusieurs solutions envisageables.

Quel impact les catastrophes naturelles ont-elles sur les primes payées par les particuliers ? Le réassureur public s'est dit inquiet. Pour rééquilibrer le système, la Caisse centrale de réassurance (CCR) aimerait augmenter la surprime "cat nat" pour catastrophes naturelles. Quelles seraient les conséquences pour les particuliers ?

Tout dépendra du montant de la prime d’habitation. Sur une assurance propriétaire non occupant (PNO), une hausse de 7,5% pourrait avoir un impact modeste. Le montant d’une PNO se situe autour de 100 euros annuels donc une augmentation de 7,5 euros annuel resterait supportable. Evidemment la prime d’assurance d’une résidence principale sera plus élevé et donc une augmentation de 7,5% aurait un impact plus significatif. 

Ceci étant dit, un risque que nous n’avons pas encore évoqué : celui de la guerre. L’actualité montre bien que c’est encore possible. Giorgia Meloni piégée dans un canular téléphonique russe a admis que la contre-offensive ukrainienne n’était pas aussi efficace qu’espérée Une guerre avec la Russie est possible... A l’heure où les armées européennes n’ont pas les ressources pour faire face à un conflit de haute intensité avec la Russie, si une bombe tombe sur votre appartement ou votre maison, que se passe-t-il ?

Hélas, vous n’auriez plus que vos yeux pour pleurer, puisque ce cas de figure n’est tout simplement pas couvert. Ni par les assurances, ni par l’Etat… en revanche, il faudra tout de même s’acquitter du prêt que vous avez potentiellement contracté pour acheter. Ce n’est pas parce que le bien est détruit qu’il n’est plus nécessaire de rembourser la banque ! Aucun assureur n’est prêt à prendre ce risque.

Pour des grandes catastrophes, il y a souvent un soutien économique de l’Etat. L’épidémie de covid-19 l’a démontré. La problématique, en revanche, c’est l’effet boomerang : la distribution par l’Etat de tout cet argent pour contrer l’épidémie a engendré une forte hausse de la masse monétaire… laquelle est en partie responsable de l’inflation que l’on constate aujourd’hui. Pour la combattre, la BCE a largement augmenté ses taux directeurs et ses taux de refinancement. Cela a refroidi l’économie et limité le nombre de crédits. Tout ceci a un impact économique non négligeable, y compris sur les contribuables (puisqu’il faudra potentiellement les taxer un peu plus pour gérer la dette que cela a créé… et donc maltraiter une économie déjà bien fragile).

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