Post 49.3 : Horizons, MoDem…les alliés de la majorité prêts à s’entredéchirer<!-- --> | Atlantico.fr
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La méthode du chef de l’Etat pour faire passer en force la réforme des retraites a déplu au sein des groupes alliés à Renaissance.
La méthode du chef de l’Etat pour faire passer en force la réforme des retraites a déplu au sein des groupes alliés à Renaissance.
©STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Branle-bas de combat

Les actuelles divisions internes, très fortes entre les formations de la majorité présidentielle, seront mises sous le tapis, le temps d’une éventuelle nouvelle campagne législative.

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico : En cas de dissolution, la majorité présidentielle pourrait-elle souffrir de divisions internes ?

Jean Petaux : Nécessité fait souvent loi… Et le jeu politique impose parfois des règles qui doivent beaucoup à l’utilitarisme et à son corollaire, le pragmatisme, et assez peu aux convictions, encore moins aux amitiés ou aux fidélités. Encore que notre histoire politique montre des choix tactiques dont l’issue négative était quasi-certaine et qui ont été dictés justement par l’amitié, contre l’intérêt. Tel fut le cas de Pierre Mauroy soutenant Michel Rocard lors du congrès de Metz du PS en avril 1979, réunis tous les deux contre François Mitterrand. 

Reste que dans la majorité des cas, tout comme « morale » et « politique » sont deux notions bien différentes, voire contradictoires, les alliances et les coalitions procèdent, la plupart du temps, d’une simple convergence des utilitarismes. Une dissolution qui renverrait les députés de la coalition gouvernementale (comme tous les autres) devant les électeurs, aurait pour effet de placer les uns et les autres devant leurs responsabilités. Le mode de scrutin législatif : uninominal, par arrondissement, majoritaire à deux tours, avec une abstention qui serait, certainement, élevée (même si, compte tenu de la dramatisation que provoquera une dissolution, elle sera sans doute moins forte qu’en 2022 : 51,3% - record absolu pour des législatives -) obligerait les forces politiques à se coaliser. Rappelons qu’en 1997, il y a 25 ans, pour les dernières législatives organisées suite à l’application de l’article 12 de la Constitution (le droit de dissolution offert au président de la République), l’abstention progressa de 1,2% par rapport aux législatives précédentes de 1993.

« L’obligation à coalition » a été parfaitement comprise par l’excellent tacticien politique qu’est Jean-Luc Mélenchon quand il a déployé tout son talent pour créer la NUPES entre avril et juin 2022. Il a ainsi fait la preuve que la coalition « paie » surtout dans un contexte politique hyper-abstentionniste où, dans la plupart des circonscriptions, le second tour s’est résumé à un duel puisque seul un (rarement deux) candidat a dépassé le seuil de 12, 5% des électeurs inscrits  permettant de se maintenir dans la course après le premier tour. La règle est celle-ci : pour se maintenir au second tour un candidat doit avoir obtenu un score de voix supérieur ou égal à 12,5% des inscrits. Il peut aussi se présenter au second tour, même s’il n’a pas obtenu ce score, à condition d’être deuxième au soir du premier tour. Il est donc clair qu’une dispersion des candidatures au sein de la majorité relative parlementaire sortante se traduirait par un risque très élevé de « neutralisation » dès le premier tour et la dispersion des voix serait alors fatale avec un fort risque d’élimination des candidats « sortants » ou se réclamant d’Emmanuel Macron. Et cela dès le premier tour. On aurait alors, dans de nombreuses circonscriptions, des duels RN – NUPES. Rarement arbitrés par des candidats LR dont on peut imaginer qu’ils vont très sévèrement « payer » dans les urnes leur comportement parlementaire récent. Raison pour laquelle d’ailleurs fort peu de députés « Républicains » vont prendre le risque de s’exposer à une dissolution prononcée qui pourrait être la riposte présidentielle à l’adoption d’une motion de censure lundi …

En résumé : les actuelles divisions internes, très fortes entre les formations de la majorité présidentielle, seront mises sous le tapis, le temps d’une éventuelle nouvelle campagne législative. Dans le cas contraire, la défaite est assurée… Rappelons encore une fois, même si l’échec fut au rendez-vous, qu’en 1997, après la dissolution, même si le cœur n’y était pas du tout dans l’alliance entre le RPR et l’UDF, même si au sein même du RPR, les couteaux étaient vraiment tirés entre « chiraquiens » et « balladuriens » qui s’étaient « entretués » deux ans plus tôt à l’occasion de la présidentielle de 1995, la coalition de la droite et du centre fut reconduite… Et si la « Gauche plurielle » l’a emporté, au final, permettant à Lionel Jospin, premier des socialistes, d’engager la troisième cohabitation de la Cinquième république, ce ne fut pas parce que la coalition à droite n’a pas fonctionné, c’est parce que la gauche était dans une dynamique ascendante mais aussi parce qu’au second tour, le Front National a provoqué, en se maintenant, 80 triangulaires qui ont « tourné » en faveur des candidats de la « gauche plurielle ».

A quel point la méthode du chef de l’Etat pour faire passer en force la réforme des retraites a-t-elle déplu au sein des groupes alliés à Renaissance ?

Elle a fortement déplu en effet. Du point de vue d’Edouard Philippe qui ne cache plus vraiment, même en public, tout le ressentiment que lui inspire Emmanuel Macron, cette séquence vient « couronner » une fracture qui date de la gestion du Covid-19. Edouard Philippe n’a pas « digéré » son « licenciement » début juillet 2020, après 3 ans, 1 mois et 18 jours à Matignon, alors qu’il était très haut dans les sondages d’opinion et que sa cote de popularité dépassait celle d’Emmanuel Macron. La chaine Public Sénat a publié en janvier 2022 un sondage Odoxa dans lequel 61% des Français pensaient qu’Edouard Philippe ferait un meilleur Président qu’Emmanuel Macron. Cela n’a pas empêché ce dernier d’obtenir un score supérieur à 4% entre le premier tour de sa première élection en 2017 et celui de sa seconde élection en 2022. Mais il n’en reste pas moins, depuis, qu’Edouard Philippe demeure la personnalité politique préférée des Français. Or, dans la crise politique actuelle, amorcée par la décision du Président Macron de lancer cette « vilaine réforme » des retraites, Edouard Philippe a tout à perdre s’il « colle » à Emmanuel Macron. Outre qu’il n’en a aucunement envie (alors que sur le fond du dossier on peut s’interroger sur ce qu’il aurait proposé par exemple comme âge de départ à la retraite à taux plein…), il voit bien le risque de prendre quelques éclats d’obus au passage, en guise de dommages collatéraux…

Quant à François Bayrou, ombrageux et souvent compliqué à « lire », il a multiplié les signaux, via le président du groupe MODEM à l’Assemblée, un très proche, Jean-Paul Mattéi, député de la 2ème circonscription des Pyrénées-Atlantiques, celle dont Bayrou lui-même a été l’élu pendant près de 20 ans) pour mettre en garde le gouvernement (et donc forcément le président de la République) face au risque du « passage en force », tant vis-à-vis du Parlement que vis-à-vis des forces syndicales, unanimes, en particulier la CFTC (forcément proche de certains cadres du MODEM) ou la CFDT (F. Bayrou entretient de bonnes relations avec L. Berger). Finalement,  il est manifeste que la manière avec laquelle Emmanuel Macron a géré cette séquence politico-sociale a, constamment, heurté les alliés de Renaissance. Il semble même qu’elle ait choqué aussi une partie des députés Renaissance. Si l’on en juge par les plus récentes réactions de la présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée, Aurore Bergé elle-même.

Les groupes Démocrate (MoDem et indépendants) et Horizons auraient-ils intérêt à prendre leurs distances avec Renaissance ?

On a vu, dans le passé politique, des alliés au sein d’une même coalition, faire « chambre à part » et dissimuler à peine leurs dissensions, quand il ne s’agissait pas de ressentiments confinant parfois à des haines plusieurs fois recuites. En 1967-1968, les « Cactus » des giscardiens à l’égard des gaullistes valaient leur pesant de détestation et leur lot de « savonnettes » pour faire glisser l’UDR sur le carrelage de l’Assemblée. Dans le même registre Michel Poniatowski, premier flingueur au service de Giscard, n’a pas ménagé ses coups, au début des années 70 en fustigeant « les copains et les coquins » et désignant ainsi des parlementaires gaullo-pompidoliens empêtrés dans les affaires immobilières (Affaire Aranda, « Garantie Foncière » impliquant le député UDR André Rives-Henrÿs, etc.). Le « combat de rue », presque au corps à corps que se livrèrent giscardiens et chiraquiens après le départ de Chirac de Matignon en août 1976 aboutit à la victoire de François Mitterrand à la présidentielle, le 10 mai 1981. L’acmé de cet affrontement a été, au sens premier du terme, affiché devant tous les Français quand, sur les 4X3, les grands placards publicitaires de campagne du « président-citoyen » Valéry Giscard d’Estaing, en mars 1981, apparurent à la place de ses yeux, deux magnifiques diamants rappelant, si nécessaire, l’épisode des « diamants de Bokassa » qui empoisonnèrent VGE à la fin de son mandat. Charles Pasqua, préposé aux coups tordus pour Chirac, avait frappé… Et ne parlons pas des dissensions touchant la « gauche plurielle » en 2002 qui coûtèrent le second tour à Lionel Jospin, séquence au cours de laquelle la candidature de Christiane Taubira est devenue un cas d’école. Elle n’était pas seule en cause d’ailleurs… Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Intérieur de Jospin encore 18 mois avant 2002 et Noël Mamère, membre de la majorité parlementaire depuis le 12 juin 1997 (puisque les Verts siégeaient au gouvernement), qui se sont présentés tous les deux, n’ont pas été non plus pour rien dans l’élimination de Jospin dès le 21 avril 2002 au soir…

Ces exemples tendraient à prouver qu’il est, parfois, cyniquement rentable de prendre ses distances politiques avec la composante principale d’une coalition. Histoire d’affaiblir le « plus fort » et d’en tirer un surcroît d’énergie. C’est un calcul courant, mais à courte vue. Sauf à choisir clairement la défaite de son camp à court terme pour revenir, plus tard, non pas alors comme une « force supplétive » mais dans la position de la principale forte d’opposition. Ce fut le calcul de Chirac entre 1976 et 1981 face à Giscard… Il lui faudra attendre 19 ans, entre son départ fracassant de Matignon, fin août 1976 et son entrée à l’Elysée en mai 1995… Comme aurait pu dire Jean-Pierre Raffarin, qui fut d’ailleurs un des premiers ministres de Chirac, entre 2002 et 2005 cette fois, adepte des « chinoiseries » : « la route est longue pour celui qui prend des chemins tortueux »… Les cadres du MODEM et d’Horizons seraient bien inspirés de réfléchir aux conséquences d’une prise de distance trop importante. Ils devront y regarder à deux fois pour bien hiérarchiser leurs intérêts à court, moyen et long terme…

Au vu des ambitions personnelles au niveau national de certains, dont François Bayrou (MoDem) et Édouard Philippe (Horizons), comment envisager l’évolution de la majorité présidentielle ?

Tout converge pour que cette majorité présidentielle explose d’une manière ou d’une autre : rivalité importante entre Edouard Philippe et François Bayrou ; absence de structure idéologique et d’organisation solide de Renaissance à tous les niveaux de la vie politique française : des communes au Parlement ; absence de programme commun ; aucun héritier potentiel qui se profile derrière l’actuel locataire de l’Elysée ; ambitions évidentes de quelques poids lourds gouvernementaux actuels pour 2027 ; etc. Mais le plus grand danger, j’ai déjà eu l’occasion de le dire dans une de mes précédentes contributions à Atlantico, tient, selon moi, à la situation inédite et très particulière d’Emmanuel Macron pour ce second quinquennat. Son mandat n’aura pas de suite immédiate. Peut-on alors parler, dès aujourd’hui, d’une majorité présidentielle quand on connait le terme du mandat présidentiel lui-même ? Et comment imaginer que la première « survive » à la fin d’ores et déjà programmée et écrite du mandat du second ? Cette évolution semble inéluctable : la dissolution. Et pas seulement en application de l’article 12 de la Constitution du 4 octobre 1958… Qu’il soit actionné, ou non, la semaine qui vient.

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