Ponts de mai : mais au fait, les Français travaillent-ils plus ou moins que les autres Occidentaux ?<!-- --> | Atlantico.fr
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©MYCHÈLE DANIAU AFP

Tous fainéants, vraiment ?

Et surtout, qui parmi les Français travaille le plus ou le moins ?

Bertrand Martinot

Bertrand Martinot

Bertrand Martinot est économiste et expert du marché du travail à l'institut Montaigne, ancien délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle. Auteur du rapport de l'institut Montaigne : "Les Français au travail : aller au-delà des idées reçues" publié en 2023. 

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Atlantico : C’est le mois le moins travaillé de l’année. Et pour cause : le calendrier recense 11 jours fériés… dont 4 en mai, les 1, 8, 9 et 20 cette année. Une spécificité française. Mais les Français travaillent-ils réellement moins que les autres, aussi bien à l’échelle d’une semaine qu’à l’échelle de l’année ?

Bertrand Martinot : Contrairement à de nombreuses idées reçues, la France n'est pas en tête du classement en termes de nombre de jours fériés accordés aux salariés. La Slovaquie détient le record avec 15 jours, suivie de près par d'autres pays comme la Croatie, l'Espagne, Chypre, la Bulgarie et Malte, tous avec 14 jours. En comparaison, la France se situe légèrement en-dessous de la moyenne européenne, avec 10 jours fériés. En revanche, pendant le mois de mai, en 2024, il y a eu 4 jours fériés : le 1 mai, le 8 mai (qui n’est pas férié ailleurs, sauf en République Tchèque et en Slovaquie), le 9 mai, et le 20 mai. C’est plus que la plupart des pays européens. 

En cette année bissextile, où le 29 février est tombé un jeudi, nous avons bénéficié d'un jour de production supplémentaire. De plus, hors moi de mai, il y a eu deux jours de travail de plus par rapport à l'année précédente. Cela signifie que, dans l'ensemble, il n’y aura pas de perte significative par rapport à l’an passé.

Sur une année entière, le nombre d'heures travaillées par les Français en âge de travailler est très inférieur à celui des autres pays, en grande partie à cause du nombre plus élevé de personnes sans emploi ou de seniors travaillant moins. À partir de 58 ou 59 ans, cet écart se creuse. De plus, les jeunes entrent plus tard sur le marché du travail et connaissent un taux de chômage élevé. En résumé, il y a une insuffisance de travail en France.

Quelles sont les disparités de temps de travail entre les différentes catégories de travailleurs en France ?

Les différences sont significatives selon les catégories de travailleurs. Si l'on considère les salariés à temps complet, la France travaille nettement moins que d'autres pays européens, notamment l'Allemagne. Il y a environ 100 heures de moins travaillées par an en France par rapport à nos voisins outre-Rhin, soit plus de deux semaines de travail.

En ce qui concerne les salariés à temps partiel, qui sont plus nombreux en France que dans la moyenne européenne, ils travaillent en moyenne davantage que leurs homologues européens, plaçant ainsi la France dans la moyenne européenne.

Quant aux travailleurs indépendants, la France figure parmi les pays où ils travaillent le plus en Europe.

Les cadres, quant à eux, travaillent beaucoup plus que les autres catégories de travailleurs. Il est remarquable de constater que la durée annuelle de travail des cadres n'a presque pas changé depuis 1975, alors que la baisse du temps de travail depuis cette période est attribuable aux non-cadres. Globalement, si l'on considère l'ensemble des travailleurs - et pas la population en âge de travailler - qu’ils soient à temps plein, à temps partiel ou indépendants, la France se situe à peu près dans la moyenne européenne.

Qu'en est-il du temps de travail annuel en France par rapport aux autres pays de l'Union Européenne ?

La principale différence réside non pas dans le nombre de jours fériés, qui sont relativement similaires dans d'autres pays, mais dans la gestion des RTT et des jours de congé. En effet, bien que nous travaillions le même nombre d'heures par semaine que d'autres pays européens, nous bénéficions de davantage de jours de vacances. L'écart est particulièrement frappant en comparaison avec l'Allemagne, ainsi qu'avec les pays anglo-saxons et la Suisse.

Quelles sont les conséquences de cette différence de temps de travail sur l'économie française ?

Selon l'INSEE, chaque jour férié représente une perte de 0,06 point de PIB. Rien qu'au mois de mai, les jours fériés entraînent donc une perte d'environ 7 milliards d'euros de PIB, soit environ 3,5 milliards d'euros de recettes publiques en moins.

En France, le maintien d'un âge de départ à la retraite bas, associé à un taux de remplacement des retraites et un niveau de vie des retraités élevés s'est fait au détriment des actifs, avec des taux de cotisation parmi les plus élevés au monde. Cependant, ce système est désormais sous pression, comme le montrent les récentes réformes des retraites. Les jeunes ne seront pas disposés à supporter une augmentation des prélèvements, la démographie est moins favorable et la croissance économique ainsi que la productivité sont en baisse. En somme, le système est à bout de souffle.

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