Politique publique : entre la dette et le climat, il faut choisir<!-- --> | Atlantico.fr
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Au-delà d’une fiscalité impraticable, la meilleure solution aujourd’hui est tout simplement la création monétaire, non pas celle des banques qui n’est qu’une dette mais celle de la banque centrale mobilisée par son Etat.
Au-delà d’une fiscalité impraticable, la meilleure solution aujourd’hui est tout simplement la création monétaire, non pas celle des banques qui n’est qu’une dette mais celle de la banque centrale mobilisée par son Etat.
©JOEL SAGET / AFP

Problème structurel

Les débats budgétaires révèlent les énormes difficultés du pays.

Jean-Claude Werrebrouck

Jean-Claude Werrebrouck

Jean Claude Werrebrouck, a été professeur de sciences économiques à l'université de Lille 2.
Il est l'auteur de Banques Centrales : Independance Ou Soumission ? paru en octobre 2012 aux éditions Yves Michel.

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Les débats budgétaires révèlent les énormes difficultés du pays : couteux réarmement, couteuses mises à niveau des infrastructures sanitaires, couteuses mise à niveau des infrastructures énergétiques, etc.. et déjà la perspective d’un appel à l’endettement public de plus de 285 milliards d’euros pour la prochaine année budgétaire. Une somme qu’il faut comparer avec des recettes attendues de l’ordre de 375 milliards d’euros. Observons que dans un tel contexte les dépenses au titre de l’environnement et du climat seraient de l’ordre de 7 milliards tandis que les besoins au titre d’un respect des contraintes de l’environnement se montent selon le rapport Pisani Ferry à 66 milliards…

Cet écart entre besoins et moyens ne concerne pas que la France. Sa levée repose sur un dogme, celui de disponibilités financières qui ne se conçoivent que dans le cadre de l’émission d’un actif devenant créance de celui qui en est propriétaires. Clairement on accroit un stock de nouveaux ou anciens endettés er de nouveaux ou anciens créanciers.

La dette, outil inapproprié pour protéger un bien commun

Cette pratique reliant par contrat endettés et créanciers, est légitime dans le cadre de relations entre personnes privées. On ne peut en effet imaginer – en dehors de relations strictement personnelles et extra-économiques - qu’un acteur puisse financer un autre sans une reconnaissance de dette. De ce point de vue, même une action est une dette de l’entrepris vis-à-vis de son propriétaire. Simplement elle peut être de nulle valeur en cas de mauvaises affaires et dans cette circonstance, selon le langage des professionnels, on dira que les « capitaux propres sont mangés ». 

Mais cette pratique n’est pas légitime pour la gestion de ce qu’on appelle les biens communs à reconstruire. En effet si la température de la planète est un bien collectif à préserver, on voit mal des dépenses de simple préservation être assurées par des créanciers qui, au-delà du remboursement du titre acquis, exigent également une rémunération du capital investi. Clairement les investissements au titre de l’environnement ne sont pas du capital créant de la valeur. Ils sont simplement du capital qui n’en détruit pas. Ils ne peuvent donc pas être financés par de la dette classique, celle qui relient investisseurs et créanciers dans le cadre de contrats classiques entre personnes privées – entreprises émettant des titres- ou entre personnes publiques et personnes privées (Etat émettant des titres publics). De ce point de vue les 7 milliards de dépenses prévues au titre de l’environnement ne peuvent être légitimement dépensés à partir de la nouvelle dette anticipée au titre de l’année 2024

Comment mobiliser du capital sans dette ?

Il faut donc imaginer des émissions de capital sans dette, c’est-à-dire l’équivalent d’un don. La pratique de l’évergétisme relevant d’une autre époque, il faut donc imaginer non pas des dons de capital par des personnes privées mais des dons  de la part de la collectivité. Clairement, mobiliser des moyens concrets au profit de l’environnement suppose aussi une mobilisation concrète de moyens financiers qui ne soient pas de la dette. Même une obligation perpétuelle reste une dette à honorer.et le temps n’est plus où cette dernière pouvait- comme naguère aux Pays-Bas - financer la protection des sols par des digues anti-inondations. Face à la question posée : la réponse qui vient à l’esprit est donc simple : la voie de l’impôt serait l’unique solution. Cette voie est pour autant largement impensable en raison de la concurrence fiscale entre Etats soumis aux contraintes de la mondialisation….même finissante.  De ce point de vue les sociétés occidentales simplement peuplées d’individus déliés sont plus mal loties que la Grèce antique ou Rome qui -elles aussi démunies sur le plan fiscal-  bénéficiaient d’un évergétisme impensable chez nous aujourd’hui. Par exemple la générosité de Total Energie, avec son prix maximal de 1,99 euros pour le sans plomb, n’a rien à voir avec le Ptolémée III du troisième siècle AJC. Elle se trouve même en être le contraire.

Une création monétaire non inflationniste et protégeant un bien commun

Au-delà d’une fiscalité impraticable, la meilleure solution aujourd’hui est tout simplement la création monétaire, non pas celle des banques qui n’est qu’une dette mais celle de la banque centrale mobilisée par son Etat.

Concrètement, La Banque de France est invitée à créditer le compte du Trésor par une inscription à son passif. Afin d’éviter une centralisation dangereuse on peut même imaginer un compte spécial de la banque de France au profit de chaque banque, compte figurant à l’actif de ces dernières et compte fléché au profit du seul environnement. Seuls les dossiers solides en matière d’environnement seraient susceptibles de financement sans dette, soit par l’Etat (compte du Trésor à la banque centrale), soit par les banques (leur compte spécial à la banque centrale). Il s’agirait par conséquent d’une subvention spéciale « climat » ou « environnement ». Bien évidemment, au terme du processus la richesse réelle n’augmente guère et se trouve en théorie simplement préservée : le bien commun climat ou environnement est protégé.  Toutefois en termes de PIB, tel qu’il est calculé aujourd’hui (somme de valeurs ajoutées), il y aurait croissance comptable : protéger le climat ou l’environnement est, bêtement, une valeur ajoutée au sens simplement comptable. Cela signifie qu’au final  l’émission monétaire sans dette ne déboucherait sur aucune inflation spécifique.

Reste le grand problème de l’acceptation d’un tel dispositif par les autorités européennes. Posons simplement la question du choix entre survie de l’humanité et dette.

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