Politique industrielle : ces miracles de la planification chinoise qui n’en étaient pas<!-- --> | Atlantico.fr
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La politique économique chinoise a moins été planifiée que l’on voudrait le croire. Elle a été au contraire très flexible.
La politique économique chinoise a moins été planifiée que l’on voudrait le croire. Elle a été au contraire très flexible.
©Greg Baker / AFP

demi-teinte

La politique industrielle chinoise a été marquée par plusieurs échecs.

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue est professeur d'économie à l'université de Lille. Il est le co-auteur avec Stéphane Ménia des livres Nos phobies économiques et Sexe, drogue... et économie : pas de sujet tabou pour les économistes (parus chez Pearson). Son site : econoclaste.net

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Atlantico : Quels sont les échecs les plus marqués de la politique industrielle chinoise ?

Alexandre Delaigue : Dans l’aéronautique, la Chine a échoué. Pour ne rien vous cacher, cela sera difficile de les voir réussir dans les années à venir car il y a un vrai pallier technologique à franchir dans ce secteur. Les échecs sont également marqués dans le secteur électronique ou encore l’intelligence artificielle.

Mais en Chine, c’est aussi un risque d’avoir de grosses entreprises, car le gouvernement aurait du mal à accepter les réussites économiques qui ne viennent pas du circuit étatique et qui restent insuffisamment contrôlées.

Au Japon, c’est d’ailleurs ce qui a permis le succès de grosses entreprises. Les entreprises comme Sony, dans l’électronique, ou Honda, dans l’automobile, se sont développées alors que le gouvernement n’y était pas favorable au départ. En effet, elles venaient concurrencer les entreprises favorisées par le gouvernement : Toyota pour l’automobile ou Matsushita pour l’électronique. Mais le gouvernement japonais a décidé de ne mettre aucune mesure les empêchant de se développer. 

Dans quels secteurs la Chine a connu des succès ?

Les succès des entreprises chinoises à l’exportation sont à chercher dans des secteurs tels que les travaux publics ou pour des contrats B2B. Ce qui somme toute est moins avantageux car le fait de se destiner au marché des consommateurs pousse les entreprises à investir, davantage que pour des entreprises destinées au B2B. 

Comment s’est développé le modèle chinois ?

Dès la fin des années 1970 et l’arrivée au pouvoir de Deng Ziaoping, la Chine s’est lancée dans une politique de développement très volontariste, s’inspirant du modèle de développement asiatique qui avait eu cours à partir des années 1950 au Japon, en Corée du Sud et à Taïwan. Quant à Hong Kong et Singapour, je les mets à part car la situation est particulière : ce sont des cités-Etats avec une activité portuaire d’économie-entrepôt (vu leur position comme centre du commerce).

Ce modèle passe par une politique très volontariste visant à construire de grandes entreprises orientées vers l’exportation. Il y a deux branches dans ce modèle : d’un côté, le volontarisme gouvernemental, qui a créé des grandes entreprises qui se sont fait connaître au niveau mondial, comme Samsung et Hyundai en Corée du Sud. De l’autre, à Taiwan, on a misé davantage sur le B2B, le Business-to-Business : des entreprises deviennent des fournisseurs pour d’autres entreprises plutôt que des entreprises qui se destinent au marché composé des consommateurs.  

Et le modèle chinois a davantage ressemblé au modèle taïwanais. Dans les années 1980, la Chine a libéralisé l’économie, qui était alors une économie soviétique, avec peu d’ouverture et très peu de place laissée à la propriété privée. On a assisté à une sorte de transition d’une économie planifiée vers une économie dans laquelle les mécanismes de marché jouent davantage un rôle.

Dans la deuxième période des années 1990, une profonde restructuration des entreprises publiques chinoises a eu lieu. Les entreprises industrielles font l’objet de fusions, se réorganisent, et multiplient ainsi les licenciements. En parallèle, les zones franches d’exportation pullulent, dans lesquelles les investissements étrangers permettent de développer l’industrie et de faire de l’économie chinoise un sous-traitant d’autres entreprises.

Puis dans les années 2000, on tente de développer de grosses entreprises. Le véritable succès est alors Huawei. Mais cette volonté de rattrapage technologique n’a pas été une franche réussite pour le moment. Le gouvernement chinois a fourni des incitations aux entreprises pour qu’elles fassent du rattrapage au niveau technologique, dans une sorte de politique de nationalisme économique. Mais les entreprises chinoises ont été plutôt rétives à suivre ces incitations car cela les aurait amenées à suspendre une bonne partie de leur coopération avec des entreprises étrangères. Aujourd’hui, le seul succès au niveau technologique dont peut se prévaloir la Chine concerne les voitures électriques.

Peut-on dire que la planification a été à la hauteur ?

Il est encore trop tôt pour juger. La politique économique chinoise a moins été planifiée que l’on voudrait le croire. Elle a été au contraire très flexible. 

A Taïwan et au Japon, la politique de « champions nationaux » a fonctionné car ces pays ont eu la volonté d’identifier ce qui ne marchait pas et de laisser tomber les entreprises qui ne fonctionnaient pas. En Corée du Sud, les grandes entreprises du conglomérat des années 1990 ne sont pas celles d’aujourd’hui, car le gouvernement a laissé tomber celles qui aillaient dans le mur.

 En ce sens, comme je vous l'ai dit plus tôt, le modèle chinois ressemble plus au modèle taïwanais, avec une part plus importante d’entreprises publiques, mais moins marquées par la conquête des marchés dédiés aux consommateurs. Les grandes entreprises chinoises ont leur marché national, mais pour ce qui est des produits manufacturés, la Chine s’est orientée dans la sous-traitance, le B2B ou le service au gouvernement.

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