Politique de la terreur : le régime communiste chinois est-il en bout de course ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Le livre « Le dossier chinois Portrait d'un pays au bord de l'abîme » est publié sous la direction de Pierre-Antoine Donnet aux éditions du Cherche Midi.
Le livre « Le dossier chinois Portrait d'un pays au bord de l'abîme » est publié sous la direction de Pierre-Antoine Donnet aux éditions du Cherche Midi.
©Selim CHTAYTI / POOL / AFP

Bonnes feuilles

L’ouvrage « Le dossier chinois Portrait d'un pays au bord de l'abîme », sous la direction de Pierre-Antoine Donnet est publié aux éditions du Cherche Midi. Pour bien comprendre le péril que représente la Chine aujourd'hui, il est indispensable de mieux la connaître, de cerner le plus précisément possible ses ambitions, ses dérives mais aussi ses faiblesses évidentes. Extrait 1/2.

Pierre-Antoine Donnet

Pierre-Antoine Donnet

Pierre-Antoine Donnet, ancien rédacteur en chef central de l’AFP, spécialiste de l’Asie, est l’auteur de Tibet mort ou vif et de Chine, le grand prédateur.

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On le voit bien aujourd’hui  : la politique du « zéro Covid » imposée par le président chinois à son peuple jusque-là docile se solde par un fiasco retentissant. Elle crée une situation de tension extrême. Ces mois de confinement de centaines de millions de Chinois dans des mégalopoles telles que Xi’an, Shanghai, Pékin et dans une quarantaine d’autres grandes villes chinoises ont suscité une forte colère des habitants. Beaucoup ont été séparés de leurs enfants et même de leurs bébés en cas de tests positifs. Des femmes enceintes ont été refusées dans les hôpitaux et ont dû accoucher en pleine rue, parfois d’un bébé mort-né. Des vidéos sur les réseaux sociaux chinois, rapidement censurées, montraient des scènes incroyables d’habitants de Shanghai hurlant leur désespoir, certains allant même jusqu’à proférer des propos hostiles au parti communiste et à son maître Xi Jinping. Les sbires du régime n’hésitaient pas à enfoncer les portes des appartements, en cas de refus d’obtempérer. Jamais la surveillance de la population chinoise n’a été aussi intense. Alors, pourquoi le président Xi Jinping n’a-t‑il pas songé un seul instant à abandonner cette politique stupide et dangereuse ? Tout simplement parce que la règle non écrite veut que le Parti ne se trompe jamais. Or, si le chef de l’État chinois décidait de renoncer à cette politique, ce serait là un aveu, chose absolument insupportable, car elle le priverait de toute crédibilité aux yeux de l’élite du Parti. De toute façon, le Parti ne cesse de réécrire l’Histoire afin de faire disparaître de la mémoire collective les événements tragiques tels que le Grand Bond en avant, la Révolution culturelle où le massacre de la place Tiananmen. Si bien que, pour la grande majorité des jeunes Chinois, ces événements n’ont jamais existé. Et de ce fait, voilà le Parti exonéré de toutes ses fautes.

Les valeurs universelles n’ont plus aucun droit de cité en Chine. L’ont-elles d’ailleurs jamais eu? Elles sont rejetées, réfutées, niées. Si bien que la Chine est devenue le pays d’une pensée unique  : la « pensée Xi Jinping ». Elle est désormais enseignée jusque dans les écoles primaires. Le Parti décide de toutes les activités du pays. Il prend toutes les décisions stratégiques. Les journalistes doivent tous lui déclarer leur fidélité absolue, ainsi qu’évidemment à son maître. Les chefs d’entreprises, qu’elles soient publiques ou privées, doivent faire de même. Idem pour le personnel enseignant, tout comme pour les juges et les avocats. Les religions sont combattues, que ce soit la chrétienté, l’islam, le bouddhisme ou le taoïsme. L’unique culte autorisé et d’ailleurs encouragé est la religion Xi Jinping. Le Parti, avait-il dit il y a quelques années, « gouverne tout, du nord au sud, d’est en ouest et aussi au centre ». L’idiome est maintenant connu : Xi Jinping est « le président de tout ». Il en arrive à prendre le contrôle de vos pensées. Si bien que les Chinois n’ont plus à s’embarrasser de réfléchir, puisque le chef suprême le fait pour eux. Dans cette Chine terrifiante où l’unique choix de ses habitants est celui de consommer, on en arrive à se demander si le pays n’est pas en train de basculer dans le fascisme.

Joe Biden a récemment révélé qu’après son élection à la Maison-Blanche Xi Jinping lui avait dit, dans son message de félicitations, que les démocraties étaient toutes en déclin et qu’un jour « les autocraties gouverneront le monde ». Le 27  mai 2022, prenant la parole devant les cadets de l’Académie navale des États-Unis, à Annapolis (Maryland), le président américain a évoqué cet échange pour en tirer quelques conclusions : « Nous vivons dans une lutte globale entre les régimes autocrates et les démocraties. J’ai rencontré Xi Jinping plus souvent qu’aucun autre dirigeant mondial ne l’a fait (…). Lorsqu’il m’a appelé au téléphone pour me féliciter, il m’a dit ce qu’il avait déjà dit très souvent. Il a dit que les démocraties ne pourront pas survivre au cours du XXIe  siècle et que ce sont les autocraties qui prendront les commandes de la planète. Pourquoi? “Car les choses changent tellement rapidement. Les démocraties ont besoin d’un consensus et vous n’avez plus le temps”, m’a-t-il répondu. Mais Xi a tort. Chacun d’entre vous, lorsque vous irez à la rencontre du monde, non seulement vous serez fiers d’être membre des forces armées des États-Unis d’Amérique, mais vous serez les représentants et les défenseurs de notre démocratie. »

Fin mai  2022, le Premier ministre chinois Li Keqiang est, à la surprise générale, réapparu après plusieurs mois de silence. Lors d’une réunion de plus de 100 000 membres du Parti, le chef du gouvernement a pris la parole, sans porter de masque, comme pour exprimer son désaccord avec la politique du « zéro Covid ». Or, fait très étrange, Xi Jinping n’était pas présent à ce meeting, laissant penser qu’il pourrait exister bel et bien un affrontement au sommet du Parti. Il était devenu évident que Li Keqiang avait, depuis plusieurs mois, pris ses distances avec le maître de la Chine, mettant en avant l’importance de l’économie, qui devait rester une priorité. Pendant cette réunion, il n’a fait aucune mention de la politique du « zéro Covid », appelant en revanche les cadres du Parti à mettre l’accent sur la croissance. Nombre d’experts de la Chine ont vu dans ce discours une « contradiction totale » entre les deux hommes et l’expression d’un désaccord profond au sommet du Parti. Pour Daniel Kate, grand reporter à l’agence Bloomberg, une question se pose : « Qui est vraiment chargé du pays désormais? »

Pour Palki Sharma, une responsable du média indien WION, « la Chine redoute d’entrer en récession » avec des résultats économiques pires qu’au début de la pandémie en janvier 2020. L’objectif officiel de croissance économique est fixé à 5,5% en 2022. Or, pour de nombreux spécialistes occidentaux de l’économie chinoise, le PIB chinois ne devrait pas dépasser 4%, soit la pire croissance jamais enregistrée depuis la Révolution culturelle. « Nous devons nous efforcer de parvenir à une croissance économique solide au second trimestre. Nous sommes loin de réussir une croissance de 5,5%, nous devons néanmoins y parvenir », a expliqué le Premier ministre chinois. « Mais les difficultés dans certaines zones sont telles qu’elles dépassent celles enregistrées lors du grave choc créé par la pandémie en 2020 », a-t-il reconnu. La Chine, a-t-il poursuivi, va rencontrer « d’énormes problèmes » si la récolte de céréales est moins bonne que prévu pendant l’été. Pourtant, Xi Jinping n’est certainement pas en danger. Au contraire même, l’apparition surprise de Li Keqiang, dont la fonction première a toujours été l’économie et non la politique, pourrait simplement illustrer la recherche d’un compromis entre les deux hommes, le Premier ministre acceptant de renouveler son soutien à son mentor en échange de la promesse de conserver son rang. Car le Parti communiste chinois est plus que jamais un lieu de pouvoir trouble dans lequel les arrangements et la violence règnent.

Extrait du livre « Le dossier chinois Portrait d'un pays au bord de l'abîme », publié sous la direction de Pierre-Antoine Donnet aux éditions du Cherche Midi

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