Plus dangereux que le Covid : ces nouveaux risques de santé publique qui nous menacent<!-- --> | Atlantico.fr
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L’OMS a déclaré la fin de l’urgence de santé publique en mai 2023, année qui a vu fondre considérablement la mortalité par Covid rapportée dans le monde.
L’OMS a déclaré la fin de l’urgence de santé publique en mai 2023, année qui a vu fondre considérablement la mortalité par Covid rapportée dans le monde.
©Loic VENANCE / AFP

Ne plus fermer les yeux

De nouvelles menaces pour la santé publique, possiblement plus dangereuses que le Covid, sont en train de - ou vont - inévitablement émerger si la complaisance généralisée que l’on observe actuellement persiste dans le monde.

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : La menace Covid, à bien des égards, semble aujourd’hui écartée. Pour autant, cela ne permet pas de penser que la menace sanitaire, au sens large, est vaincue. Quels sont les autres risques qui persistent aujourd’hui ? Faut-il craindre un virus peut-être plus difficile à identifier, la prochaine fois ?

Antoine Flahault : L’OMS a déclaré la fin de l’urgence de santé publique en mai 2023, année qui a vu fondre considérablement la mortalité par Covid rapportée dans le monde. De 54 000 décès rapportés en janvier 2023, seulement plus que 2 200 l’étaient en décembre. Tout cela est très heureux mais a probablement contribué au désarmement rapide de la vigilance des autorités et de la population partout dans le monde. Or le virus continue à frapper par vagues souvent fortes comme la dernière il y a seulement quelques semaines. Certes, le Covid n’engorge plus les hôpitaux ni les morgues, mais les personnes âgées, les nourrissons, les personnes immunodéprimées continuent de payer un lourd tribut au Covid, à la grippe, au VRS. Des formes persistantes de Covid, appelées Covid longs, continuent de faire souffrir et handicapent de nombreuses personnes. Le coronavirus continue de muter. Or il appartient à une famille de virus redoutablement dangereux, connue pour avoir causé ces dernières décennies le SRAS, le MERS et le Covid-19. Rien ne permet de penser que n’émergera pas dans les prochains mois ou années un variant plus virulent, échappant aux vaccins existants contre lequel nous devrions absolument nous préparer davantage et mieux. Il semble que nos gouvernants aient la mémoire courte. Les mêmes qui en France réunissaient des Conseils de défense quasi-hebdomadaires, ceux qui ont transitoirement défédéralisé des pays comme la Suisse ou l’Allemagne au cœur de la crise sanitaire, ou encore ceux qui ont littéralement mis sous les verrous 1,4 milliard de leurs ressortissants (en Chine), ceux-la aujourd’hui ont tourné la page, confiants que désormais pareils cauchemars ne se reproduiront plus. Mais n’est-on pas ici dans le domaine de politiques incantatoires ? En quoi en effet sommes-nous mieux préparés aujourd’hui à affronter une crise similaire à celle de 2020 ? Voire plus sévère encore, si le futur virus qui devait émerger n’était pas aussi facilement domptable que le SARS-CoV-2,  si sa virulence était plus élevée, un vaccin plus long et difficile à produire. Comment réagirions-nous alors ? Ne sommes nous pas en train de tous mettre la tête dans le sable, telles des autruches ?

Dans quelle mesure le contexte géopolitique et climatique actuel est-il propice à l’émergence de nouveaux pathogènes ? Sommes-nous prêts à les affronter ?

La pandémie a d’une certaine manière déréglé l’ordre mondial. Elle a ravivé les obscurantismes, un peu comme l’avait fait la peste au Moyen-Âge. Elle a favorisé des populismes violents et bestiaux dans de nombreux endroits de la planète. Elle a cristallisé les clivages, hérissé des barrières entre les peuples, sapé la confiance, l’entraide et la solidarité entre les nations, entre les riches et les pauvres, entre les forts et les faibles. Tout cela fabrique un terreau propice aux crises de tous ordres, dont celles liées aux émergences de maladies infectieuses. Car tout cela distrait les gouvernements et les peuples à se préparer à affronter de nouvelles crises sanitaires, sociales ou économiques. En baissant la garde face aux menaces, en détournant les ressources pour alimenter les conflits entre les communautés, les nations perdent un peu plus chaque jour leurs capacités de résilience ultérieure. Elles s’affaiblissent face aux risques qui les menacent.

La communauté internationale, à en croire l’OMS, a échoué à répondre à la crise sanitaire et à la pandémie de Covid-19 en termes de solidarité et d’équité. Quels sont les enjeux exacts, aujourd’hui ? Sommes-nous mieux préparés ?

Un rapport de l’OMS datant de juin 2023 mentionnait en effet “l’échec cuisant de la communauté internationale en termes de solidarité et d’équité dans sa réponse à la pandémie de COVID19”.

Nous devons réaliser qu’y compris face à la menace de la pandémie de Covid, pourtant rapidement mise sous contrôle, la communauté internationale n’a pas été capable de s’organiser pour fournir à tous les habitants de la planète les mêmes chances pour s’en sortir. Les pays riches se sont servis les premiers tant en tests diagnostiques, qu’en vaccins, médicaments, oxygène, masques ou équipements de protection laissant tardivement des miettes aux plus pauvres sans grandes marques de solidarité. Au lieu de cela, l’Europe et les États-Unis ont détruit des stocks considérables d’invendus périmés. Croyez-vous un instant que nous avons retenu des leçons de tout cela ? Croyez-vous que nous sommes mieux préparés si demain une crise similaire se reproduisait ? Malheureusement non, peut-être même les égoïsmes nationaux seraient-ils plus avivés encore.

Que faire pour garantir une meilleure réponse à l’avenir ?

Il faut impérativement tirer collectivement toutes les leçons de cette pandémie. Les Européens peuvent jouer un rôle important ici. La réponse ne peut-être que multilatérale, coordonnée par l’OMS, à condition de donner les moyens essentiels à cette organisation onusienne pour qu’elle assure ses missions. L’OMS doit pouvoir inspecter sur place toute suspicion d’émergence épidémique. Aujourd’hui elle ne peut pas le faire en toute indépendance. Elle doit auparavant négocier pied à pied avec les pays concernés, perdant en cela un temps précieux durant lequel la propagation du virus progresse et les indices permettant de remonter aux causes premières de son émergence  s’évanouissent. L’OMS doit coordonner une surveillance épidémiologique fiable en temps-réel. Actuellement, elle allume quelques lampadaires deci-delà et rapporte les informations que ces lampadaires éclairent, mais le reste du monde persiste dans l’obscurité. L’OMS a établi une liste de diagnostics et médicaments essentiels. Ceux-là ne devraient-ils pas être déclarés “biens publics mondiaux” et rendus accessibles à tous ceux qui en ont besoin, quels que soient leurs conditions de ressources ? Le multilatéralisme donne une voix identique aux puissants et aux faibles, aux riches et aux pauvres. Cette utopie, l’ONU l’a réalisée depuis la deuxième moitié du vingtième siècle et nous en avons tous formidablement profité. Grâce à cette utopie nous avons su doubler l’espérance de vie dans tous les pays du monde, nous avons su diviser par deux la mortalité des enfants de moins de cinq ans dans le monde, nous avons pu éradiquer la variole et quasiment la poliomyélite. On se doit aujourd’hui de parvenir à éliminer les menaces constituées par les agents pathogènes respiratoires qui se transmettent par voie aérosol dans les lieux clos, bondés et mal ventilés. On se doit aussi de se préparer à lutter contre les familles de virus les plus redoutables aujourd’hui en finançant en amont le développement de vaccins, et en les déclarant “biens communs de l’humanité”. On se doit de garantir dans toutes les régions du monde la capacité de produire et distribuer les tests, les vaccins et les médicaments jugés essentiels pour la santé de tous. Il est temps de restaurer une grande utopie porteuse d’espoir, de sécurité et de bien-être pour tous les peuples du monde.

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