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Plan d’urgence pour l’emploi : le Medef ressort ses éternelles recettes
©Reuters

Mêmes causes, mêmes effets...

Suite aux élections régionales, le gouvernement s’apprête à annoncer de nouvelles réformes dans sa lutte contre le chômage. Le MEDEF semble s'être emparé de cette opportunité pour souffler des idées aux oreilles de l’exécutif, comme des exonérations de charges pendant deux ans pour toute nouvelle embauche, ou l’assouplissement du recours au CDD, ceci en guise de « mesures d’urgence ».

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue est professeur d'économie à l'université de Lille. Il est le co-auteur avec Stéphane Ménia des livres Nos phobies économiques et Sexe, drogue... et économie : pas de sujet tabou pour les économistes (parus chez Pearson). Son site : econoclaste.net

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Atlantico :  Exonérations de charges pendant deux ans pour toute nouvelle embauche, ou l’assouplissement du recours au CDD ... De telles propositions "d'urgence" sont-elles susceptibles de débloquer la situation de l’emploi en France ?

Alexandre Delaigue : Il y a une croyance très répandue dans la classe politique en France : les mesures "économiques" consistent à faire des cadeaux aux entreprises, les mesures "sociales" consistent à faire des cadeaux aux salariés. C'est une idée absurde: accroître la concurrence par exemple bénéficie à l'économie dans son ensemble mais déplaît fortement aux entreprises. De la même façon flexibiliser le marché du travail peut bénéficier aux salariés mais se heurte à l'opposition des syndicats. Mais en se basant sur cette croyance, le MEDEF peut espérer des cadeaux de la part du gouvernement dans le cadre d'un énième "plan pour l'emploi". C'est de bonne guerre de décider de demander le plus de cadeaux possibles. Mais imaginer que ceux-ci auront un effet sur l'emploi est ridicule. On ne sait même pas si le CICE a bénéficié à l'emploi. Ces mesures sont largement des effets d'aubaine. Qui embauche un salarié parce qu'il ne paie pas de charges pendant deux ans, avec la perspective de voir le coût de ce salarié exploser au bout de deux ans? Par contre, si vous avez déjà décidé d'une embauche, deux années sans charges sont toujours bonnes à prendre. Bref : ces demandes ne sont que des effets d'aubaine sans le moindre effet potentiel sur l'emploi.

Dans un second temps, et en visant le long terme, le MEDEF propose également la mise en place d’une TVA Sociale, la baisse des dépenses publiques, une réforme fiscale etc..c’est à dire des réformes « structurelles ». Peut-on attendre un gain immédiat et substantiel en termes de croissance par la mise en place de telles réformes ?

Non. Une TVA sociale est une vieille lune consistant à remplacer la dévaluation, à laquelle les entreprises françaises étaient droguées dans les années 70-80, une mauvaise habitude dont elles ne se sont jamais débarassé. On croyait qu'en s'ancrant au mark, puis en passant à l'euro, on pousserait les entreprises à s'adapter, à monter en gamme, et à devenir moins dépendantes de bas prix pour leur compétitivité. Elles ne l'ont pas fait, préférant quémander sans arrêt des aides publiques. Le résultat est là: cela ne fonctionne pas. La compétitivité baisse et il faut encore, sans arrêt, l'aider par des artifices fiscaux. L'économie française dépend énormément de sa demande intérieure, les entreprises exportatrices sont très peu nombreuses. Augmenter la TVA, baisser les dépenses publiques (même s'il est possible de défendre l'argument selon lequel elles sont trop élevées) détruirait la demande et précipiterait une récession extrêmement violente. Il y aurait du mérite à une grande réforme fiscale rendant de la clarté à la fiscalité française, devenue absurdement complexe; on pourrait se demander si toute la dépense publique se justifie. Ces réformes n'ont aucune chance d'avoir lieu dans un pays marqué par un chômage de masse et une croissance zéro qui crispe tout le monde sur la situation actuelle. 

Au regard du contexte actuel, quel serait le « cocktail » économique le plus efficace pour lutter contre le chômage ? En mettant en place un « plan d’urgence », quel serait le délai nécessaire avant d’entrevoir une décrue réelle du chômage en France ? 

Pas simple. Le cocktail est connu : d'un côté, une politique conjoncturelle soutenant la demande globale; de l'autre, des réformes structurelles du marché du travail. La politique conjoncturelle pourrait être "de droite" comme "de gauche": une politique de gauche consisterait à augmenter les dépenses publiques, par exemple en empruntant aux taux très faibles actuels pour construire des infrastructures, type croissance verte. Une politique de droite signifierait par exemple baisser les dépenses publiques de 50 milliards d'euros tout en baissant les impôts de 100 milliards d'euros. Le tout accompagné de réformes sur le marché du travail, sur les effets de seuil à l'embauche, le remplacement de l'actuel droit des licenciements économiques par une taxe sur les licenciements, dans l'optique décrite il y a plus de 10 ans par Jean Tirole, etc. L'effet serait très rapidement favorable, sur moins de deux ans; mais cela reposerait sur des marchés compréhensifs pour acheter la dette publique ainsi générée - ou un soutien de la BCE. Faute de cela on en est réduit à des faux semblants, avec beaucoup d'affichage politique et de vocabulaire ronflant, tandis que chaque lobby pousse ses pions. Mais il y a peu à attendre.

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