Pierre Haas : "La France détient la clé du sauvetage de la Grèce et de l’euro"<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande et un pompier parisien.
François Hollande et un pompier parisien.
©Reuters

Chevalier blanc

Et si la solution se trouvait en France ? En menant une politique économique audacieuse, François Hollande pourrait insuffler à l'Europe la confiance nécessaire à un nouveau dynamisme. Une solution qui profiterait à tous et réglerait le problème de la Grèce.

Pierre Haas

Pierre Haas

Pierre Haas, après avoir servi comme officier dans les Forces françaises libres du Général de Gaulle, a fait carrière de 1950 à 1965 comme directeur général de Continental Grain France, puis à partir de 1963 à la Banque Paribas comme directeur des affaires financières internationales, puis président de Paribas International.

Il a été membre de nombreux conseils d’administration parmi lesquels on citera : Schneider S.A., Newmont Gold à Denver, Power Corporation du Canada et Power Financial.

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En janvier dernier, en Grève, la victoire électorale du parti d’extrême gauche Siryza, épris de justice sociale, s'est opposé à la poursuite de programmes d’aides. A ses yeux, leur seul effet avait été d’augmenter la misère du peuple en diminuant son niveau de vie de près de 25% et d’empiéter sur ses droits régaliens. Cela a changé la donne de sa future négociation avec les Etats et institutions de la zone euro détenant la majorité de sa dette.

Le premier geste du nouveau ministre des Finances, M. Varoufakis, un professeur d’économie adepte de la théorie des jeux, a été son refus d’entamer des pourparlers avec la Troïka, considérée comme responsable de l’austérité à l’origine du caractère exsangue de l’économie grecque. Supprimée en tant que sigle, la Troïka, à l’évidence, ne pouvait être modifiée dans sa composition. Elle comprend toujours la Communauté Européenne, à Bruxelles, la Banque Centrale Européenne (BCE), à Francfort, qui exerce le monopole de la politique monétaire de l’euro au lieu et place des banques centrales nationales, et le Fonds Monétaire International  (FMI) à Washington.

M. Varoufakis s’est rendu insupportable à ses interlocuteurs par le caractère excessif et souvent insultant de ses échanges avec M. Schaüble, le ministre allemand des Finances, un des principaux décideurs de haut niveau. Il eut été plus habile de chercher à le convaincre plutôt que de l’excéder et le conduire à disqualifier le négociateur grec.

Les postures successives du ministre des Finances ayant été amplifiées par celles du chef du gouvernement, M. Tsipras, qui a successivement offert des solutions contradictoires et perpétuellement tergiversé pour au final rejeter le vendredi 19 juin dernier le projet d’un troisième bail-out, et décidé d’un référendum, au motif du respect des règles de la démocratie, ont achevé d’exclure toute rationalité des discussions en cours.

Ainsi, six mois ont été perdus depuis l’accession au pouvoir du Siryza, au plus grand détriment du niveau de vie des Grecs, dont l’économie au début de janvier montrait de timides mais réels signes de reprise. Aujourd’hui, elle est en cours de désagrégation et son système bancaire proche de l’implosion. Plus d’un quart de ses dépôts ont été transférés à l’extérieur. Un contrôle des mouvements de capitaux et des changes a été mis en place mais après leur fuite.

Le seul succès enregistré par le gouvernement grec - il n’est pas insignifiant -, a été celui de sa communication, notamment en France où l’image de cette petite presqu’île méditerranéenne des Balkans la montre victime de l’intransigeance germanique, des grands prédateurs de la finance et des banques, pourtant totalement absentes d’une négociation avec les Etats de l’euro et les institutions internationales : FMI, Communauté, BCE... soit la majorité des détenteurs de dette grecque.

Valide ou pas, l’image projetée a provoqué des échos favorables chez les partis frères de Siryza, Podemos en Espagne, les frondeurs du Parti socialiste et le Front national en France, le parti de M. Faradge en Grande-Bretagne et bien d’autres en Europe.

On comprendra que dans ce contexte la négociation qui s’amorce ne se présente pas sous des auspices encourageants, d’autant que les Allemands et quinze autres nations membres de l’euro avec eux - la France et l’Italie étant les deux seules exceptions - sont exaspérés par l’attitude irresponsable du gouvernement grec. Irresponsabilité évidente puisque le temps perdu a accru le coût des intérêts de l’endettement préexistant et mis l’économie en perdition.

Constat désolant, mais les choses étant ce qu’elles sont, les dirigeants de l’euro et au premier chef les Allemands, ne disposent que d’une seule arme à opposer à l’apparent manque de rationalité du gouvernement grec, un réalisme dicté par l’importance des enjeux. Un échec de la négociation qui s’engage conduirait les Grecs à sortir de l’euro, alors que la priorité des négociateurs doit être de défendre l’intégrité de la monnaie européenne et par voie de conséquence d’éviter que même l’une des moindres de ses composantes nationales ne s’en retire.

A cet égard, il n’est pas inutile de rappeler que selon le rapport annuel, daté de mars 2015, de la Banque des règlements internationaux, l’euro représente 22% des réserves de change mondiales. L’ébranler aurait un impact imprévisible au niveau global. Ce constat impose aux dirigeants des nations de l’euro d’en finir avec une crise grecque récurrente et de définir les termes d’un accord viable et pérenne.

La définition d’un troisième bail-out répondant à ces critères va être d’autant plus difficile que le FMI a subordonné sa participation à la satisfaction de deux exigences : l’endettement de la Grèce devra être rendu soutenable et la mise en œuvre des conditions d’application effective. Cette formulation par le Fonds s’oppose à celle de l’Allemagne, qui récuse une ouverture des discussions par jugement sur le caractère soutenable ou non de la dette hellénique et dans tous les cas subordonne sa décision à l’approbation du Bundestag.

La France, en la personne du président Hollande, est la seule puissance en position d’offrir une sortie, par le haut, de ce blocage. Une décision du chef de l’Etat de procéder aux réformes structurelles restituant à notre pays sa compétitivité produirait un choc de confiance résonnant dans toute la zone, dans toute l’Europe et dans le monde. Une France ayant retrouvé son prestige inciterait l’Allemagne à assouplir sa position, d’autant qu’un rapprochement du niveau de l’activité économique de nos deux pays, représentant près de 40% de l’économie de l’eurozone, contribuerait à l’amélioration, indispensable, du degré de convergence des économies des nations participant à l’unité monétaire européenne.

Se plier à ces conditions sortirait le continent de sa langueur économique et permettrait le retour d’un degré de prospérité souhaité par tout le monde mais qui ne peut poindre sans un véritable changement de cap dans l’hexagone. Exprimer cet espoir participe du rêve. Rêve qui pourtant, s’il se matérialisait, assurerait au chef de l’Etat la quasi-certitude de la réalisation de son ambition d’être réélu en 2017.

Gardien de nos grands intérêts, comment pourrait-il ne pas voir qu’en leur sein il retrouve le sien ?

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