Pétrole : ce très cher hiver que nous préparent l'Arabie saoudite et la Russie<!-- --> | Atlantico.fr
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Vladimir Poutine lors d'une rencontre avec le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane à Riyad, le 14 octobre 2019.
Vladimir Poutine lors d'une rencontre avec le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane à Riyad, le 14 octobre 2019.
©AFP / SPUTNIK / Alexey NIKOLSKY

Crise énergétique

Les pays de l’OPEP et la Russie appliquent une politique qui fait monter les prix à la pompe.

Philippe Chalmin

Philippe Chalmin

Philippe Chalmin est professeur d’histoire économique à l’Université Paris-Dauphine où il dirige le Master Affaires Internationales. Membre du Conseil d’Analyse Economique auprès du Premier Ministre, il est le président fondateur de CyclOpe, le principal institut de recherches européen sur les marchés des matières premières.

Il est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages, dont le récent « Demain, j'ai 60 ans : Journal 2010 - 2011 ».

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Atlantico : 94 dollars le prix du baril, Le prix du pétrole atteint des sommets ! Jusqu’où les prix peuvent monter ? Est-ce qu’il y a une limite ? 

Philippe Chalmin : Nous sommes, selon moi, plus proche du plafond que du plancher dans la mesure où les marchés ont largement intégré tout ce qui a été décidé par les producteurs : la décision saoudienne de produire moins, l’éventualité (à confirmer) de la baisse des exportations russes que le tout est encore compenser par une augmentation non négligeable des productions iraniennes, irakiennes et potentiellement vénézuéliennes et nigérianes. Ce qui veut dire que les prix actuels reflètent bien l’équilibre du marché et que celui-ci, si l’on en croit les prévisions de l’agence internationale de l’énergie, pourrait être excédentaire avec le ralentissement économique et mondial attendu au début l’année prochaine. Je serais donc personnellement assez sceptique quant aux possibilités, pour le prix du Brent, de dépasser la barre des 100 dollars le baril. Je peux me tromper mais il me semble qu’il n’y a pas de raison d’imaginer, sauf catastrophe économique particulière, une hausse très forte du prix du Brent. Sachant qu’on a toujours le prix du pétrole russe qui se balade à une vingtaine de dollars en dessous, ce qui reste supérieur au plafond des pays du G7 qui était à 70 dollars. Mais mon sentiment, c’est que ça ne montera pas tellement plus haut.

Les pays de l’OPEP et la Russie maintiennent une politique restrictive qui fait monter les prix à la pompe. Pourquoi réduisent-ils les approvisionnements alors que la demande est robuste ?

Tout simplement parce qu’ils veulent pousser les prix à la hausse. Il faut bien se rendre compte que l’équilibre budgétaire de l’Arabie Saoudite ne se trouve que dans la zone des 90 à 100 dollars le baril. L’Arabie Saoudite, elle-même, est en train d’en payer le prix avec un recul assez net de sa croissance. Certains observateurs parlent même de récession de l’Arabie Saoudite. Des prévisions plus raisonnables tablent sur 1 à 2% de croissance, ce qui n’est pas nécessaire pour satisfaire leurs programmes d’investissements. Ils n’ont pas énormément de marge de manœuvre car ils sont très dépendants du pétrole.

Même la réduction d’un million de barils par jour décidée par l’Arabie Saoudite, je ne suis pas sûre qu’elle dure très longtemps. Finalement, c’est l’Arabie Saoudite qui paie aujourd’hui l’essentiel du prix de la hausse du cours du Brent. On commence à se poser le rapport du coût-avantage en ce qui les concerne

Est-ce qu’il y a une stratégie politique derrière tout ça ? pourquoi cet entêtement ? 

Il est clair que l’Arabie Saoudite tient à s’affranchir de la tutelle du grand frère américain. Ça, ils l’ont bien fait comprendre. Leur adhésion aux BRICS, largement dominée par la Chine, en est la preuve.

Maintenant, l’Arabie Saoudite ne peut pas à elle toute seule tenir le marché du pétrole. Il y a un moment où ils décideront que ça leur coûte trop cher. Je n’exclurais pas un changement total de politique en Arabie Saoudite. Pour l’instant, ce n’est pas le cas. Mais je ne suis pas sûr qu’ils pourront tenir longtemps du fait de leur équilibre budgétaire plutôt précaire.

Par ailleurs, l’Iran n’est pas tenue par les quotas de l’OPEP. Elle a donc pu augmenter en toute légalité ses quotas d’exportations. La production iranienne a d’ailleurs dépassé la production de trois millions de barils par jour ces dernières semaines 

La prochaine réunion de l’OPEP est prévue début décembre. Tout le monde n’est pas d’accord sur la stratégie à suivre ?

Je ne suis pas une petite souris mais je pense quand même que tant que l’Arabie Saoudite fait le job et que les autres pays peuvent en profiter, pourquoi pas. Si demain l’Arabie Saoudite demande à un certain nombre de pays de réduire leurs productions, ça posera certainement problème. L’Iran et le Venezuela ne sont pas touchés par les quotas. L’Irak, vu sa situation, estime que sa logique c’est de produire le plus possible. Ne reste dans le domaine de ceux qui peuvent vraiment peser sur le marché : l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis et le Koweït. Peut-être que l’Arabie Saoudite demandera aux autres de partager un petit peu le poids de ces réductions de productions. Mais là aussi, ce n’est pas tout à fait évident.

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