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Nos conseils pour bien dormir malgré le manque de routine dû au confinement
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Depuis le début du confinement face au Covid-19, de plus en plus de personnes auraient du mal à s'endormir. Quel est l'impact du confinement sur notre sommeil ? Quelles sont les bonnes pratiques pour retrouver un cycle de sommeil plus habituel ?

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico.fr : Depuis le début du confinement, nombreux sont les individus qui ont de plus en plus de mal à s'endormir. Quel est l'impact du confinement sur notre sommeil ? 

Stéphane Gayet : La qualité de notre sommeil est le reflet de notre état de santé, au sens global du terme (selon l'Organisation mondiale de la santé, la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social). Le sommeil est un état particulier de notre esprit et de notre corps qui est assez fragile : il y a énormément de personnes qui déclarent avoir un sommeil perturbé et donc insatisfaisant ; les troubles de notre sommeil trouvent leurs racines dans nos troubles somatiques et notre activité diurne ; une personne qui a un bon sommeil est en général une personne dont le corps et l'esprit sont en bonne santé.

Réciproquement, la qualité et la quantité de notre sommeil ont une forte influence sur notre vie pendant la phase d'éveil. Elles déterminent notre humeur, notre énergie, notre vigilance et d'une façon générale, notre performance physique et psychique ; elles retentissent également sur notre vie relationnelle et plus généralement sociale.

Notre société, qui cultive la productivité et la compétition, génère facilement des perturbations du sommeil. Et les troubles du sommeil sont à l'origine d'un cercle vicieux : je dors mal ; je me réveille encore fatigué et sans entrain ; je ne suis pas très efficace dans la journée ; je suis déçu, frustré, voire mécontent du déroulement de ma journée ; cela me cause des contrariétés et des soucis ; je me couche avec ces mauvaises idées et je dors mal, etc.

Il ne va pas de soi pour nombre de personnes, de percevoir à quel point la qualité et la quantité de leur sommeil détermine la qualité et l'intensité de leur vie. C'est pourtant strictement vrai. Il existe beaucoup d'idées reçues erronées concernant le sommeil : « Un manque de sommeil ne se récupère pas ; on peut s'entraîner à dormir moins ; le sommeil, c'est une question de volonté ; dormir est une perte de temps, etc. » En vérité, chacun de nous a une horloge biologique qui détermine ses besoins en sommeil, avec lesquels il ne faut pas tricher : il y a les petits dormeurs (environ 4 heures 30), les moyens dormeurs (environ 7 heures 30) et les grands dormeurs (environ 9 heures) ; car le sommeil est une succession de cycles qui durent chacun de l'ordre d'une heure et demie. Cette horloge biologique est en grande partie génétiquement déterminée.

Pour répondre à la question posée, le confinement entraîne une déstabilisation psychique et physique, plus ou moins sévère selon les individus. Lorsque nous sommes confinés, nous perdons beaucoup de nos repères ; notre vie est déréglée. Nous n'avons plus de contraintes horaires, nous nous fatiguons moins, nous nous sentons peu utiles, nos habitudes alimentaires sont modifiées et nous sommes inquiets quant à nos finances et à notre avenir économique et professionnel. Dire que le déconfinement est désocialisant est une évidence ; mais on ne perçoit pas automatiquement à quel point cela retentit sur notre sommeil. On constate en France une augmentation tout à fait significative de la consommation d'anxiolytiques à usage diurne (benzodiazépines : LEXOMIL…) et d'hypnotiques (IMOVANE…).
Indéniablement, le confinement affecte sérieusement le sommeil et c'est fort préoccupant.

Le manque de routine et le stress sont-ils les raisons principales de cette difficulté à trouver le sommeil ? S'astreindre à une certaine routine peut-il aider ?

En effet, pour bien dormir, notre cerveau et notre corps ont besoin de régularité. Il ne faut pas oublier que nous sommes des êtres relativement fragiles, menacés en permanence de déstabilisation : nous devons réguler notre température, le pH de notre sang, notre balance énergétique, etc.

Nous avons besoin d'équilibre sur tous les plans, c'est une nécessité vitale.

La notion d'équilibre physiologique et mental n'a rien de passionnant : elle implique la régularité, la modération, le contrôle, le juste milieu, autant de concepts qui semblent s'opposer à la liberté, la fantaisie, la liesse, l'innovation…

L'idée même de la régularité évoque la monotonie et l'ennui.

Toujours est-il que, pour bien dormir, nous avons besoin de cette régularité, mais avec laquelle nous pouvons tout de même nous permettre quelques écarts de temps à autre : osons cet oxymoron « Il faut de la mesure dans la démesure ».

Revenons-en au sommeil : nous ne pouvons pas tricher avec notre horloge biologique, qu'il faut déjà apprendre à connaître en commençant par renseigner un agenda de sommeil-éveil.

Pour bien dormir, il est capital de se réveiller à heure fixe : notre heure de réveil conditionne notre activité dans la journée, laquelle conditionne notre sommeil de la nuit qui suit. L'heure du réveil est plus importante que l'heure du coucher, dans une certaine limite. Avec le confinement, nous avons fortement tendance à nous lever plus tardivement et, par voie de conséquence, à nous coucher plus tardivement ; c'est tout à fait néfaste pour le sommeil.

Le sommeil est largement déterminé par votre activité diurne : il est essentiel, pour bien dormir, d'avoir des activités assez soutenues pendant la phase d'éveil (activités psychiques et physiques) et de passer plusieurs heures en plein air, à la lumière naturelle du soleil (la production de mélatonine, l'hormone du sommeil, nécessite une alternance de lumière solaire et d'obscurité). Bien sûr, au manque de régularité des heures de sommeil, au manque d'activités psychiques et physiques, s'ajoutent les contrariétés et les soucis qui sont à l'origine d'un état de stress prolongé, lui-même largement inducteur de difficultés à dormir.

Il faut encore ajouter, parmi les causes des troubles du sommeil, les modifications alimentaires que le confinement a tendance à induire : moins de régularité dans les repas, augmentation de la ration calorique et repas du soir trop copieux et trop tardif ; il faut encore ajouter une augmentation fréquente de la consommation d'alcool, qui facilite l'endormissement mais altère beaucoup la qualité du sommeil.

Il est donc recommandé, pour conserver ou recouvrer un sommeil physiologique, de s'astreindre à une régularité sur tous les plans, ce qui demande de la volonté et de gros efforts, ce qui ne va pas du tout de soi.

Quels autres conseils donneriez-vous afin de retrouver un cycle de sommeil plus habituel ?

Nous avons déjà parlé du besoin de régularité : se lever à heure fixe, se coucher à heure relativement fixe ; manger à heures régulières, en veillant surtout à dîner tôt (respecter un délai de trois heures entre la fin du dîner et le coucher, surtout si ce repas du soir est substantiel).

Il faut absolument s'astreindre à aller dehors, pour profiter du grand air et s'exposer à la lumière solaire (vitamine D ; mélatonine qui nécessite l'alternance de lumière et d'obscurité) ; étant donné que le déconfinement est autorisé à certaines heures pour faire de l'exercice physique, c'est le moment ou jamais d'en profiter : votre sommeil en sera très amélioré.
Surtout, ne pas se laisser aller à l'excès d'alcool : c'est hautement préjudiciable au sommeil et à l'équilibre physiologique ; les apéritifs alcoolisés du confinement, c'est amusant sur les réseaux sociaux, mais c'est vraiment déconseillé.

Parmi ce qu'il faut éviter de faire pour préserver son sommeil, il y a le fait de passer plus de temps que d'habitude dans sa chambre à coucher et particulièrement sur ou dans son lit : passer des heures dans ou sur son lit dans la journée est une mauvaise habitude qui va dans le sens d'un mauvais sommeil ; il faut réserver le plus possible son lit à la phase de sommeil et résister à la tentation de s'y allonger dans la journée (sauf besoin impérieux de se reposer, bien sûr).

Si l'on n'a pas l'habitude de faire la sieste en temps normal, il ne faut pas prendre cette habitude pendant le confinement : en effet, la sieste diminue la puissance de l'endormissement vespéral.

Enfin, pour éviter de sombrer dans la morosité, il faut avoir des activités productrices, afin de se sentir utile et d'augmenter l'estime que l'on a de soi-même : bricoler, s'instruire, faire des exercices, ranger, nettoyer, aider les autres, rédiger, inventer des recettes, etc. Il est capital de produire quelque chose pour se sentir bien et mieux dormir.

Tout cela demande bien sûr de la volonté et des efforts ; il faut parfois se faire violence ; mais le sommeil y gagnera et, partant, notre état général, notre vitalité et notre entrain.

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