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En 2020, le Salon de l'agriculture avait été écourté du fait de la crise sanitaire.
En 2020, le Salon de l'agriculture avait été écourté du fait de la crise sanitaire.
©Martin BUREAU / AFP

Rendez-vous l'an prochain

Ce samedi 27 février 2021 aurait dû correspondre à l’ouverture du Salon de l’agriculture. Les mesures de précautions prises en raison de la crise sanitaire en ont voulu autrement, mais pour le monde agricole, que représente finalement l’absence de salon ? Et pourquoi rien ne pourra vraiment le compenser…

Que l’on aime ou non l’agriculture, certaines images de son salon appartiennent à notre histoire collective. Politiquement, Jacques Chirac y a bâti sa popularité ; Nicolas Sarkozy a, dès le début de son mandat présidentiel, ouvert le champ au phénomène « anti Sarko » (qui favorisera plus tard l’avènement de François Hollande) avec son fameux « casse toi pauvre con » adressé à un quidam refusant de lui serrer la main… Idéologiquement, le fossé entre agriculteurs et écologistes s’est largement creusé le jour de la visite de Dominique Voynet alors ministre de l’Environnement, ayant proposé peu de temps avant de taxer l’usage des pesticides : elle fut littéralement insultée ce jour-là, ce qui eut surtout pour effet d’accumuler les rancoeurs de part et d’autre…

Mais derrière ces images choc, il y a aussi une ambiance, celle des éleveurs qui s’appliquent tant à participer dignement aux concours pour les uns, que simplement à honorer leur rôle de vitrine en chérissant leurs plus dignes représentants pour les autres ; celle des exposants, en grande majorité des habitués, qui ont préparé cette semaine particulière plusieurs mois en amont ; celle d’un public qui ne se refuse pas le plaisir de grignotages aux multiples terroirs et d’échanges avec les uns ou les autres.

Ce qui est moins visible mais tout aussi réel, c’est le business qui s’opère en marge du salon. Des cocktails dans certains stands privatifs donnent ainsi l’opportunité de rencontres facilitées par rapport à l’ordinaire, qui peuvent déboucher sur des accords ultérieurs. Les présidents de grandes coopératives deviennent accessibles sans demande de rendez-vous préalable auprès d’une secrétaire, pour ne citer qu’un exemple. Les différents lobbys para-agricoles trouvent également l’occasion d’apartés privilégiés directement avec leur cible.

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Une catastrophe pour l’économie agricole

Le fait qu’il n’y ait plus de salons agricoles depuis un an (après la dernière journée du Salon de l’agriculture en 2020, le Space de Rennes, le Sommet de l’élevage de Clermont-Ferrand, le Sima de Villepinte ont été annulés ou repoussés, pour ne citer que les plus célèbres) a littéralement rompu la partie « business » qui s’opère autour des activités agricoles. Un exemple concret : la presse agricole vit, comme tous les médias, de ses ventes et des publicités. Or ces dernières, traditionnellement, se négocient lors des salons. Les annonceurs de la presse agricole ont d’ailleurs considérablement baissé leurs budgets publicitaires depuis un an, d’où une véritable crise dans ce secteur. Ce problème est à multiplier par le nombre invraisemblable de secteurs annexes qui vivent, en définitive, de l’activité agricole. Économiquement, l’absence de Salon de l’agriculture (et des autres qui suivent) est une catastrophe…

Autre aspect, plus sociétal. L’émergence de l’agribashing, de critiques répétées vis-à-vis des pratiques agricoles et de leurs praticiens, largement diffusé au niveau des médias, n’est plus contrebalancé par des interviews d’agriculteurs dénichés facilement par ces mêmes médias pendant le Salon. Ce dernier, vitrine de la profession, a toujours offert une vision au grand public. Une autre façon d’appréhender le monde paysan qu’avec les a priori urbains. Certes, il y a bien, marronniers exigent, quelques reportages ici et là dans des exploitations agricoles en ce moment. Mais certes pas le tapage médiatique habituel.

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Pour les femmes et hommes politiques aussi, l’absence de Salon va se faire sentir. Passage délicat pour certains, obligé pour d’autres, et véritables tremplins pour quelques-uns particulièrement à l’aise, il fait partie des exercices indispensables pour préparer les campagnes électorales. « Tu viens ici pour serrer 500 pognes et échanger deux phrases avec tout le monde, sinon ce n’est pas la peine », m’avait dit un jour l’un de ces visiteurs dans un aparté privé. Aucune voix pour les Régionales ou Départementales de juin 2021, aucun tremplin pour la Présidentielle de l’année 2022 n’est à espérer cette fois. Mais qui sait si derrière les chants basques fumeux de Jean Lassalle il n’y a pas le commencement de sa quête aux 500 signatures ? Si les sifflets ou les applaudissements qui poursuivent ou accompagnent les uns ou les autres ne sont finalement pas plus crédibles que bien des sondages ?

Quelle compensation pour le monde agricole ?

Nombreux sont les exposants habituels qui refusent de rester inactifs. En particulier, ceux que l’on appelle les OPA, les organisations professionnelles agricoles : banques, coopératives, centres de gestion, organismes divers, syndicats, mutuelles, etc. A ce niveau, l’énergie dépensée d’ordinaire à la préparation de l’événement est désormais dédiée à la création d’autres événements, censés attirer le chaland… Mais les multiples relances pour obtenir un nombre décent de participants aux webinaires et autres rassemblements en ligne finissent par terminer dans les boites spam des messageries visées. Ce n’est décidément pas la même chose : les inscriptions préalables réclamées tuent toute la spontanéité de la rencontre fortuite qui fait, aussi, le charme des Salons.

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Cette « solution compensatrice » relève en fait de l’éphémère. Du sentiment qu’il faut faire le dos rond avant « le retour à la normale ». Seulement, de la même façon que finalement personne ne sait si l’ensemble de notre société « reviendra à la normale » exactement de la même façon qu’avant la crise sanitaire, les salons agricoles vont probablement devoir repenser leurs concepts.

Et demain ?

C’est déjà le cas du Sima, salon international du machinisme agricole, qui se tient à Villepinte tous les deux ans. Cette organisation monumentale, tant par la taille des stands (imaginez celui d’un fabricant de moissonneuses-batteuses avec une quinzaine de modèles…), que par l’obligation « business » de chaque exposant (la participation est coûteuse, le prix sur place, faire venir les machines, engager du personnel spécifique…). Or l’organisation du Sima, qui avait décidé de déplacer l’événement de février à novembre juste avant le début de la crise sanitaire, a d’abord repoussé de 6 mois, puis annuler un salon… Tant et si bien qu’aujourd’hui c’est la grande confusion, plus personne ne sait à coup sûr si le prochain Sima est programmé pour février ou novembre, et en quelle année… Comme l’autre grand salon européen du machinisme agricole, Agritechnica en Allemagne, est lui aussi repoussé, les constructeurs sont en train de changer leurs habitudes pour exposer et vendre leurs nouveaux modèles. C’est ainsi que l’on voit fleurir de plus en plus de démonstrations sur le terrain organisées par les marques elles-mêmes chez un agriculteur, où tout leur fichier clients est invité… Si jamais cette nouvelle manière de vendre devait se révéler concluante, on imagine combien il deviendra difficile pour le Sima d’exister à nouveau, plus tard…

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De fait, on peut se poser la question pour le Salon de l’agriculture. Déjà, en interne à la profession agricole, certains ne se sentent pas représentés par cette vitrine très affriolante, qui occulte trop à leur goût les véritables problèmes, notamment ceux qui du mal-être paysan qui peut pousser jusqu’au suicide. Ensuite, le modèle du Salon, traditionnel, quasi ancestral, peut-il redémarrer tel quel, sans le moindre ajustement, après une année (au moins, que sait-on de l’avenir ?) d’absence ? La première partie de la réponse tient dans l’évolution de la crise sanitaire, de la possibilité, ou non, de pouvoir à nouveau proposer des manifestations de foule. Mais jusqu’où faut-il attendre ? Sans doute serait-il temps d’ouvrir une réflexion spécifique aux salons agricoles, dans l’hypothèse où la situation actuelle (que l’on estime aujourd’hui transitoire) venait à se pérenniser…

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