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Panorama 2070 : ce qu’on sait faire, ce qu’on pourrait apprendre à faire et ce qu’on ne pourra pas faire pour gérer les impacts du dérèglement climatique
©FRED TANNEAU / AFP

Protection

L'Agence européenne de l'Environnement a élaboré des projections climatiques alarmantes pour les cinquante années à venir et notamment pour la France en 2070. Que sait-on faire ou ne pas faire pour réduire la menace ?

Marina Bouyrie

Marina Bouyrie

Marina Bouyrie est ingénieure des travaux publics. 

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Vanessa Balci

Vanessa Balci

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Atlantico.fr : Avec ces nouvelles prévisions catastrophiques envisagées pour l'Hexagone à l'horizon 2070, que savons-nous faire aujourd'hui pour protéger nos côtes ?

Marina Bouyrie : Aujourd’hui nous savons consolider nos digues et en construire de nouvelles, la plupart faites d’enrochements consolidées par du béton et du sable.

Si je m’appuie sur ce qui se fait plus concrètement sur mon périmètre du bassin d’Arcachon, il y deux types de projets d’envergures afin de lutter contre l’érosion chaque années :

- Ré-enrochement des digues du Cap Ferret

- ré-ensablement des plages et des dunes côté Pilat.

Cette dernière technique nécessitent des dragues gigantesques qui pompent plus de 150 000 m3 de sable dans les fonds du bassin pendant des semaines 7j/7 !

Ces travaux sont de véritables gouffres financiers pour les communes et ne peuvent être la solution puisqu’elles ne sont pas pérennes !

Ce que nous savons faire plus en adéquation avec la nature, est la végétalisation du cordon dunaire pour sa consolidation( comme par exemple sur nos plages landaises et girondines), ainsi que la protection et le maintien de cette flore.

Cette capacité de protection présente pourtant certaines limites. Que peut-on encore apprendre à faire?

Vanessa Balci : L'expression "apprendre à faire" est inspirante, car c'est la clé : s'affranchir de ce qui s'impose à nous comme un modèle indépassable, retrouver une liberté de créer et réinventer un mode d'organisation et de vie en société fondé sur des gestes d'abord individuels au quotidien, et des règles collectives débattues et délibérées en assemblée. J'ai confiance en notre volonté pour sortir de cette impasse civilisationnelle qui n'est pas si ancienne. Ca dépend où on met le curseur à 1980, 1929 ou 1870... mais c'est rattrapable si on se donne les moyens et les bonnes finalités. 

Protéger nos côtes exige d'entendre, écouter et participer à cette médiation scientifique pour diffuser la connaissance des enjeux et éveiller les consciences environnementales.

Il est nécessaire de soutenir la recherche et un service public fondamental comme le CNRS et des institutions méconnues comme le BRGM, le CEREMA qui sont nos sentinelles scientifiques sur l'étude du trait de côte. Mais aussi tout le travail de l'OCA, et celui si précieux du Conservatoire du Littoral pour sanctuariser un maximum de zones vulnérables. Et nous donner les moyens d'agir activement , par eux, sur cette protection, pour que ça ne reste pas qu'un trait théorique sur une carte. Je propose donc une surtaxe progressive sur le patrimoine secondaire des 1% qui phagocytent le littoral avec leur villa vue sur la mer.

Protéger nos côtes exige de nous un changement de culture profond, qui ne soit plus dans un rapport d'opposition à la nature, mais dans un rapport mutuellement pérenne.

Ce changement doit intégrer notre interdépendance avec la nature.

Protéger les côtes, c'est : contenir la montée des eaux, et donc contenir le réchauffement climatique, et donc contenir nos émissions carbone - CO2 de nos habitats, transports, activités, CH4 méthane de nos ruminants qui débordent de nos assiettes. 

C'est révolutionner l'agriculture qui draine ses herbicides et pesticides dans l'océan, où azote et nitrates privent d'oxygène des centaines de zones où la vie a disparu.

C'est révoir le modèle industriel et éco-concevoir tout objet dans le respect des ressources, des usages et sans solvants qui empoisonnent un peu plus tout le monde vivant, (et asservit une bonne partie de notre espèce au passage, réduite au rang de "ressources humaines" consommables, jetables, interchangeables). 

C'est réguler le capital et financer les énergies renouvelables et non polluantes, car la consommation d'énergies fossiles menace tout le vivant.

"Réensauvager" nos cotes n'a rien à voir avec une démarche extrémiste verte survivaliste. Il s'agit de dépasser nos contradictions individuelles et collectives, tous tiraillés que nous sommes entre nos aspirations à long terme et les contigences de notre survie immédiate, pour acter la révolution écologique. 

Il est des catastrophes naturelles devant lesquelles nous restons impuissants. Quelles sont-elles et pourquoi ne pouvons nous rien faire?

Vanessa Balci : Nous sommes en proie à l'akrasie, à cette furieuse impuissance de la volonté. Nous savons ce qu'il faut faire, mais nous échouons à mobiliser les forces d'action. 

Alors pour ne pas céder à la sidération qui tétanise, je continue sans relâche à étudier pour mieux les comprendre les enjeux globaux et leurs interconnections, pour les relier à mes gestes. Et pour nos côtes sableuses d'Aquitaine, ça se traduit très concrètement par : je ne piétine pas la dune et emprunte les sentiers ONF, je n'écrase pas la végétation plantée là par l'homme pour consolider la dune, je ne ramasse pas le bois flotté qui contribue avec la laisse de mer naturelle à fixer le pied de dune, je co-voiture (parce que Bordeaux est à 60km de la côte), sinon en ville je pédale, je mange le moins impactant possible pour la régénération de nos ressources vitales, je m'engage dans le milieu associatif et citoyen pour partager et profiter d'autres forces d'émulation, je change de banque, je n'achète pas de maison au bord de la mer. Zoomer à ma petite échelle humaine pour mettre en oeuvre le changement que je voudrais pour le monde (Gandhi), ou comme on dit maintenant penser global, agir local me permet d'atteindre des victoires (aussi modestes et insignifiantes soient-elles), et par ricochet ma mobilisation se nourrit de l'énergie de ces victoires. Chaque jour, je me défie de faire mieux que la veille, et je vise de faire encore mieux le lendemain. Car je le dois à mes enfants. Leur intérêt et le nôtre à tous m'encourage à chaque instant. Je veux compter pour eux et non pas sur eux

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