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Panne d’innovation et baisse des prix : cette fois, Apple prend un vrai risque
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Atlantico Business

En sortant un nouveau produit, Apple se paie le luxe d’écrire une nouvelle version du cas d’entreprise dont elle est l'acteur depuis 30 ans.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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L'information n’est pas passée inaperçue, mais disons qu'elle n’a pas déclenché d’émeutes comme les précédentes.

Apple présente depuis le début de la semaine sur son campus de Cupertino un nouvel iPhone, qui n’a rien de révolutionnaire : il ne fait pas le café, mais il remplit les fonctions auxquels Apple a habitué ses "militants", les fonctionnalités, le graphisme, l‘esthétique. Tout est là, bien rangé, en noir et en couleur.

La seule nouveauté, c’est le prix. L’iPhone SE est plus petit que ses frères aînés, il est aussi moins cher : 489 euros en Europe. Et ça, c’est une révolution qu’opère la firme à la pomme, parce que quand on a fait fortune en vendant du Vuitton, ce n’est pas facile de garder ses clients en baissant les prix de 30 à 40%.

Mais Apple ne limite pas la baisse des prix au seul produit culte de la gamme, il baisse aussi le prix de son iPad-air de 50 euros, et ramène le prix de sa montre connectée à 349 euros.

Pour une entreprise aussi florissante, ce changement de stratégie répond à un objectif précis, celui de répondre aux contraintes d’une marche mondiale qui n’est plus en mesure d'apporter une croissance frénétique avec la stratégie d'origine.

Le succès de Apple depuis 20 ans, et surtout depuis le retour de Steve Job a la tête de l'entreprise jusqu'à sa mort l'année dernière, s’appuyait sur trois leviers.

Le premier levier, c’est incontestablement l'innovation. Apple a innové en permanence. Dans le logiciel, les applications, l'ergonomie, l'esthétique, la praticité, la facilité d’usage.

Le deuxième levier, c’est le prix. Les produits ont été vendus comme des produits de luxe. C’est-à-dire que ces produits ont non seulement un contenu technologique très sophistiqué, mais ils sont aussi porteurs d'une histoire qui donne à son possesseur un statut socio-culturel particulier. L'utilisateur d'un matériel Apple appartient à une famille très identifiée, très jalouse de son avantage, très communautariste, à la limite-même du sectarisme. Pour tout cela, il paie le prix fort.

Le troisième levier a été la communication totalement organisée et axée sur l'identification du porteur d'Apple comme un individu très particulier et différent. A la limite, les communicants d'Apple ont fait de leurs clients les adeptes d’une religion mondiale du digital chic… Chic et cher forcément.

Au prix du caviar, les produits Apple se sont arrachés, des foules frénétiques ont fait la queue à l’entrée des Apple store, ces nouvelles églises dédiées à la modernité technologique.

Chez Vuitton aussi on fait patienter pendant des heures des milliers de Japonais ou de Chinois pour leur servir les accessoires griffés aux initiales du fondateur. Chez Vuitton aussi, on vend les accessoires au prix du caviar.  

Apple rappelle qu’il avait vendu 30 millions d'lphones en quelques jours l'an dernier, et cela dans le monde entier. L'an dernier, la mode était encore aux produits chers et plus grands. Il fallait proposer un Iphone avec un grand écran pour pouvoir se passer des tablettes.

Aujourd’hui, les dirigeants nous expliquent que les consommateurs aiment les petits écrans, d’où cet iPhone plus petit.

Mais la vraie raison, c’est que sur son marché de luxe, Apple a fait le plein. En gros, il existe 1 milliard de consommateurs dans le monde capables de se payer des smartphones à 800 ou 900 euros. Mais le milliard est servi, et à moins d’apporter une innovation complètement révolutionnaire, "on ne fera pas boire un âne qui n’a plus soif" pour reprendre l’expression de Keynes.

Par conséquent, le seul moyen pour Apple de protéger ses parts de marché et sa croissance est d’essayer d’investir un autre segment de clientèle. En passant sous la barre des 500 euros, il va toucher la clientèle qui n’accepte pas de payer 800 ou 900 euros pour un smartphone mais qui ne dépassera pas 500 euros, ce qui est déjà pas mal.

Mais grand changement : à ce prix-là, Apple n'est plus un produit de luxe, mais de demi-luxe. On n’est plus chez Gucci ou chez Vuitton, on est revenu chez Lancel ou chez Longchamp. C’est bien Lancel ou Longchamp, mais ça n’est ni Chanel, ni Gucci, ni Vuitton. Of course !!!

Alors ce type de stratégie est très, très risqué.

Premier risque : est-ce que les riches qui ont fait la fortune d'Apple vont rester fidèles à Apple quand ils vont voir leurs produits signes se banaliser de cette façon ? Apple peut devenir un produit commun. Donc a priori aucune raison de continuer d'acheter des Rolls quand tout le monde roule en petite Rolls. Pas sûr. Mais le jour où Apple voudra relever ses prix, ce sera compliqué.

Second risque : est-ce que sur une gamme de prix inférieure, les clients ne vont pas continuer de s'intéresser aux matériels Android, les Samsung par exemple qui ont énormément de succès sur une marche où il doit y avoir près de deux milliards de clients répartis sur la planète ? Plus l‘entreprise descend sa gamme de prix, plus elle se retrouve concurrencée.

Ce qu'il se passe chez Apple est passionnant. L'industrie du luxe où la France est championne du monde sait parfaitement gérer ce type de stratégie. L'industrie automobile commence à pratiquer ce type de stratégie qui a fait le succès des grandes marques allemandes. 

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