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Otan : Emmanuel Macron et Donald Trump, convergences dans l'incohérence
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Sommet sous tension

Pendant le sommet de l'OTAN, organisé à Londres cette semaine, les échanges publics entre Donald Trump et Emmanuel Macron ont été particulièrement tendus.

Roland Hureaux

Roland Hureaux

Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.

Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.

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Il était prévisible que le sommet du 70e anniversaire de l’OTAN se termine   dans un climat d’unanimité, malgré les éclats  qui l’avaient précédé.

Du coup on se demande à quoi a servi  la saillie  de Macron dénonçant une institution « en étatn de mort cérébrale ».  

Elle n’a mené à rien et d’ailleurs savait -il seulement à quoi il  voulait en venir sinon à se faire remarquer ? 

Trump et Macron ont mis en scène des points de vue  apparemment divergents sur l’avenir de l’OTAN.

Mais leurs points de vue  étaient -ils si différents ?  Surtout sont-ils, chez  l’un comme chez l’autre,  cohérents ?

Trump et Macron, à des dates différentes et avec des termes tout aussi brutaux , ont   dénoncé  l’obsolescence de l’OTAN.  Mais l’un comme l’autre ne semblent  pas vraiment vouloir  y mettre fin.

Pour Macron, si on a bien compris  ses perspectives, l’Europe occidentale doit unifier à défense pour constituer une armée européenne unique et se comporter à terme, face aux Etats-Unis, comme un second pilier  de l’OTAN. Trump voudrait, lui,  qu’entre  les Etats-Unis  et l’Europe, le fardeau de la défense    commune soit   plus équitablement  partagé .  Ces deux  points de   vue  ne sont pas absolument divergents . 

Mais Trump est-il prêt à laisser tomber ce formidable instrument de contrôle de l’Europe  que  constitue l’organisation atlantique ? On en doute. Macron  et a fortiori les autres Européens sont-ils prêts à augmenter substantiellement leurs budgets  de défense ? On en doute  aussi . Et d’ailleurs sur la constitution d’un second plier de l’OTAN,    Macron parait bien isolé, comme sur presque tous les sujets européens , ce qui est paradoxal pour quelqu’un  qui  voudrait faire avancer l’Europe sur  la voie de l’intégration. La moins réticente à ces perspectives  perspective n’est  pas  Angela Merkel , par ailleurs exaspérée par le style insupportable du président  français. De fait , en matière de défense,   Berlin est , depuis la fin de la seconde guerre mondiale,  tenu par Washington  avec une laisse courte. En matière stratégique, l’Allemagne ne saurait s’éloigner sensiblement   du point de vue américain, sauf à trainer les pieds pour augmenter son budget de défense , ce dont tout autre président français que Macron se sentirait rassuré.

L’Europe de la défense attendra 

Le  second pilier de l’OTAN n’est donc pas pour  demain. On peut seulement craindre qu’au  motif de faire l’Europe de la défense, à laquelle il est seul à croire,  Macron  continue de  lâcher une  à une   nos industries stratégiques : après Alstom  ( les turbines  nucléaires civiles et militaires ), Alcatel   et le char Leclerc, désormais franco-allemand , la préférence de l’armée française pour un fusil allemand   , les Chantiers de l’Atlantique , devenus plus italiens que français , quoi ? Les avions de chasse et pourquoi  pas un jour  l’arme nucléaire ? 

Du côté américain, même cohérence  douteuse : la volonté de Trump de voir les Européens augmenter leur effort de défense  s’inscrit dans un plan d’ensemble visant à rétablir la balance des paiements américains , depuis si longtemps déficitaire. On ne  saurait s’en plaindre mais le corollaire du déséquilibre présent est le rôle du dollar comme  monnaie de réserve qui  permet aux Américains d’acheter à l’extérieur en payant avec du papier. Trump est -il prêt   à remettre en  cause ce privilège ? 

N’est-ce pas d’ailleurs ce privilège qui paye l’effort de défense américain, tout azimut et donc aussi au bénéfice de l’Europe ? Aussi longtemps que  subsistera le privilège du dollar, les Etats-Unis auront à supporter pour l’essentiel   le fardeau de la  défense  occidentale : ces  deux réalités  font système.

Arrivant   après la plus lourde  défaite qui ait  été essuyée par l’OTAN dans son histoire  puisqu’elle n’a pas réussi  , après huit ans de guerre, à  renverser le  président Bachar-el-Assad  en Syrie, ni par voie de  conséquence à  empêcher l’extension de l’influence russe   au Proche-Orient , ce sommet aurait pu être  plus conflictuel. Or cette défaite  qui aurait justifié une remise en cause a été à peine abordée.

Même  divergence   franco-américaine factice sur la Turquie. Trump n’a pas retiré brusquement ses forces de Syrie sans consulter ses alliés, comme on le dit  : il avait annoncé ce retrait à plusieurs reprises dans sa campagne électorale et après.  II semble cependant avoir donné aussi le feu vert à Erdogan pour son intervention, au demeurant limitée.  Macron  , lui, monte sur ses grands chevaux pour fustiger Erdogan. Il fut un temps où, sur les  bords de la Seine,  même sur des intérêts majeurs ( l’entrée dans l’UE, l’immigration ), il ne fallait pas fâcher  Ankara . Maintenant, on le fait sans  intérêt  propre, la défense des Kurdes revenant désormais à l’Etat syrien  ( et son protecteur russe)  qui s’y est engagé et non à la France.    

La proposition de  Macron de désigner comme ennemi principal de l’Alliance  le terrorisme ne peut être tenu que pour une facilité de langage : le terrorisme est une méthode de guerre, pas une force en soi ; cette proposition aurait eu plus de sens si l’OTAN , France en tête,   n’avait pendant huit ans soutenu les groupes islamistes  en Syrie, surtout Al Nosra ( Al Qaida) mais même Daech.

Poutine a profité du sommet pour tendre la  main à l’OTAN ; il se  dit  prêt à coopérer avec elle, comme il  l’avait fait au début des années 2000 à l’initiative de Jacques Chirac . Pas de suite pour le moment à ce geste , qui se situe dans la ligne constante de   la diplomatie russe , laquelle a toujours  cherché   à être incluse dans   le concert européen. Cela dépendra sans doute de l’issue des négociations en cours sur   l’Ukraine.

Que ce sujet aussi Trump et Macron , à la différence de certains de leurs partenaires, aient  des  postions analogues,  mais aucun ne va jusqu’à  évoquer la  levée de sanctions imposées à la Russie, principal obstacle  à  une ouverture sérieuse. 

Ce sommet , qui devait être  celui des  grandes  remises en cause, a en définitive accouché d’une  souris. Le querelles de famille ne s’affichent pas autour d’un gâteau  d’anniversaire.  Macron n’ y aura été qu’un convive facétieux. 

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