L’orientation en fin de 3e déléguée aux parents : pourquoi ça ne règlera pas plus le problème que de les en exclure<!-- --> | Atlantico.fr
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Comment bien s'orienter en fin de troisième ?
Comment bien s'orienter en fin de troisième ?
©Reuters

Colin-maillard

Une expérimentation permet à certains parents de décider eux-mêmes de l'orientation de leurs enfants en fin de troisième. Un choix controversé qui pointe l'échec de l'Education nationale en la matière.

Emmanuel  Davidenkoff

Emmanuel Davidenkoff

Emmanuel Davidenkoff est directeur de publication de l'Etudiant et chroniqueur à France Info. Il a également publié de nombreux livre traitant du système scolaire et universitaire français notamment Lycée tome 1 et 2 aux éditions Jacob Duvernet/Balland et Peut-on encore changer l'école ? aux éditions Hachette. 

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Atlantico : Un décret du 9 janvier dernier autorise, à titre expérimental, les parents à avoir le dernier mot sur l'orientation de leur(s) enfant(s) en classe de 3ème. L'orientation est-elle l'enfant malade de l'Education nationale ? En quoi et pourquoi ? Quels en sont les principaux handicaps ?

Emmanuel Davidenkoff : Je pense que les problèmes liés à l'orientation sont plus un symptôme qu'une maladie.

La maladie, c'est l'obsession de hiérarchiser de manière binaire, entre "bonnes" et "mauvaises" filières, tout au long des études, alors que toutes les filières ont leurs vertus... dès lors qu'on y réussit, et a fortiori si on y excelle.

La maladie, c'est aussi d'avoir des évaluations strictement individuelles alors qu'une partie pourrait porter sur la capacité à travailler avec les autres, à résoudre des problèmes ensemble, à écouter, toutes compétences qui seront déterminantes dans la vie active.

La maladie, c'est d'avoir une hiérarchie qui situe une discipline - les mathématiques - au-dessus des autres, alors que les philosophes, les économistes, les artistes ou les historiens peuvent eux aussi rendre d'éminents services à la collectivité et accéder à des niveaux d'abstraction, de conceptualisation, très élevés, sans parler de l'apport des techniques, et du geste professionnel.

Tout cela brouille complètement le jeu, interdit à beaucoup de s'interroger sur ce qu'ils veulent vraiment faire et sur ce pour quoi ils ont un talent singulier.

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Le décret du 9 janvier vise notamment à lutter contre "l'orientation subie" et les discriminations. Donner davantage de poids aux volontés des parents d'élèves constitue-t-il une réponse adaptée aux problèmes que connaît l'orientation en France ? Cette expérimentation va-t-elle dans le bon sens ou risque-t-elle d'être contre-productive ?

En tant que telle, cette expérimentation ne résoudra rien. Mais si elle devient le pilier d'un meilleur dialogue avec les familles, alors elle pourra aider les jeunes à mieux bâtir leur projet d'orientation.

Quelles mesures devraient être étudiées pour rendre l'orientation plus efficace ? De quels exemples étrangers serait-il possible de s'inspirer ?

Malheureusement, je doute qu'une réforme de l'orientation, isolément, change quoi que ce soit. L'information est là, elle est accessible, variée puisque diffusée aussi bien par le service public que par des médias comme l’Étudiant. Évidemment il n'y a pas beaucoup de conseillers d'orientation, sans doute pas assez, mais même en en recrutant plus, vous ne changerez pas les représentations.

Or l'orientation est pour beaucoup une affaire de représentation. Un exemple : savez-vous que deux diplômés de grande école sur trois n'ont pas fait de classe préparatoire mais sont passés par des BTS, des DUT, des études universitaires, ou bien par des écoles de commerce et d'ingénieurs qui recrutent directement après le bac ? Deux sur trois ! Pourtant, dans la tête des gens, l'équation "grande école = classe prépa obligatoire" reste très forte. Nous avons un enseignement supérieur beaucoup plus riche que ne le pensent bien des parents... et trop souvent bien des enseignants de lycée. Sans doute faudrait-il mieux faire passer ce message.

Au delà des décisions prises au cas par cas et sans réelle vision d'ensemble, comment expliquer que l'orientation ne fasse pas l'objet de davantage d'attention ? En quoi cela pourrait-il changer la donne en matière de lutte contre l'échec scolaire ?

La formulation de votre question est intéressante. Vous liez orientation et échec scolaire. Et c'est en effet comme cela que raisonnent beaucoup de personnes : elles choisissent leur orientation avant tout en fonction de critères scolaires.

Une véritable révolution serait d'apprendre à s'orienter en fonction de ce qu'on est, de ce qu'on voudrait faire, et bien sûr, de ce qu'on peut faire - ce qui recouvre les mérites scolaires mais va bien au-delà. Il faut sortir les questions d'orientation du strict cadre scolaire, arrêter de définir les "bonnes" et les "mauvaises" orientations uniquement en fonction de valeurs et de hiérarchies scolaires. La méritocratie élitiste peut et doit rester une voie de réussite. Mais il fait urgemment valoriser les autres voies de réussite, car elles existent.

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