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Les printemps arabes sont-ils
en train de rebooster Al-Qaïda ?
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Infiltration

Un an après la mort de Ben Laden, l'organisation terroriste al-Qaida sévit toujours. Avec à sa tête un nouveau chef, le docteur égyptien Ayman al-Zawahiri, ce réseau terroriste aurait tiré profit des régions instables des révoltes arabes pour se restructurer. (épisode 1/3)

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Beaucoup d’observateurs se demandent où en est Al-Qaida après la mort de son leader Oussama Ben Laden tué le 2 mai 2011 à Abbottabad au Pakistan par des Seals américains. Il semble que l’organisation terroriste est, une fois encore en cours de restructuration. Une chose est certaine : elle n’est pas morte avec son chef. Si son importance dans la zone Afpak (Afghanistan-Pakistan) semble stagner voire diminuer, cette organisation, après une période d’incertitudes, jouerait désormais un rôle accru en Afrique et au Proche-orient profitant des troubles créés par les révolutions arabes. Si Al-Qaida ne les a pas initiées, l’organisation tente désormais de les accompagner de manière à se régénérer.

Le nouveau leader d’Al-Qaida, le docteur égyptien Ayman al-Zawahiri désigné officiellement le 16 juin 2011 est très différent de celle de Ben Laden. Cela laisse à penser que la stratégie d’Al-Qaida va évoluer, certes lentement car les moyens logistiques et humains du mouvement restent pour le moment les mêmes si l’on excepte les armes qui ont été récupérées en Libye. Autant Ben Laden était pieux, archaïque et replié sur lui-même, al-Zawahiri paraît être plus « moderne » et ouvert à l’international. Par contre, il est tout aussi vindicatif que son maître. En effet, il haït les Occidentaux en général et les Américains en particulier, surtout depuis que son épouse Azza Ahmed Nowari et trois de ses enfants aient été tués lors d’une frappe aérienne qui a eu lieu en Afghanistan en novembre 2001. Par contre, il n’a pas le charisme de Ben Laden, qualité qui était surtout le résultat d’une histoire personnelle réécrite pour devenir une « légende »(1).

Sous l’impulsion de son nouveau leader, la direction d’Al-Qaida pourrait être confiée majoritairement à des Egyptiens. En effet, déjà sous son influence, ces derniers occupaient la moitié des postes de responsabilité du mouvement alors que les activistes de base sont essentiellement saoudiens, irakiens, yéménites et maghrébins. La révolution égyptienne pourrait s’en trouver affectée dans l’avenir par effet de capillarité. Toutefois, ce n’est pas obligatoirement un point positif pour le mouvement. En effet, pour les sunnites extrémistes, les maghrébins et les Egyptiens ont moins d’aura que leurs frères saoudiens qui sont considérés comme le « must » du monde musulman pour des raisons historiques : ce sont en effet les descendants directs de Mahomet et de ses fidèles et ils vivent en terre sainte.

Al-Zawahiri qui sent bien que la situation est actuellement moins favorable pour Al-Qaida en zone Afpak devrait tenter de soutenir plus massivement les mouvements affiliés établis dans d’autres contrées. Toutefois, il commence à manquer cruellement de moyens financiers, les riches donateurs saoudiens et des pays du Golfe arabique qui soutenaient en sous-main Ben Laden n’ayant pas la même générosité à son égard. Cela est dû à deux facteurs : sa nationalité (c/f ci-avant) et le fait que certains ne croient plus en la politique du djihad mondial destinée à établir un émirat islamique mondial. En effet, en plus de dix ans d’action, Al-Qaida n’a pas réussi à progresser notablement alors que les révolutions arabes sont en train de parvenir relativement pacifiquement à établir des régimes salafistes en Afrique du Nord. Force est de constater que la « démocratisation » d’anciennes dictatures voulue par les Occidentaux leur a ouvert des voies royales. Cela permet en effet aux intégristes islamiques sunnites de parvenir, grâce aux élections « démocratiques », au pouvoir en Tunisie, en Egypte et dans une moindre mesure en Libye et au Maroc.

Al-Zawahiri qui a bien compris la nouvelle donne a - en plus de l’Egypte - l’intention d’infiltrer les « révolutions arabes » au Maghreb et en Syrie (voir le RAIDS nr.312 de mai 2012) afin d’infléchir leurs orientations vers des buts plus conformes avec ceux d’Al-Qaida. Le mouvement djihadiste n’a en effet que faire de « démocratisation » et de « libertés individuelles », slogans prônés par une grande partie des manifestants qui ont participé au « printemps arabe » et qui se retrouvent aujourd’hui dans la position de « dindons de la farce ».

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