On vous disait que les mesures de vérification d’âge mèneraient à la surveillance généralisée, l’Assemblée nationale vient de nous le prouver<!-- --> | Atlantico.fr
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Ce nouveau projet de loi envisage, non seulement de vérifier l'âge des mineurs, mais de s'assurer que les moins de 15 ans n'ont tout simplement pas droit d'accès aux réseaux sociaux hors autorisation explicite des parents.
Ce nouveau projet de loi envisage, non seulement de vérifier l'âge des mineurs, mais de s'assurer que les moins de 15 ans n'ont tout simplement pas droit d'accès aux réseaux sociaux hors autorisation explicite des parents.
©CHRISTOPHE SIMON / AFP

Big brother

La limitation d’âge qui ne devait être que pour les sites porno a été étendue aux plateformes de réseaux sociaux comme Instagram par la commission des affaires culturelles.

Pierre Beyssac

Pierre Beyssac

Pierre Beyssac est Porte-parole du Parti Pirate

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Atlantico : La commission des affaires culturelles a examiné de la proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne. La limitation d’âge qui ne devait être que pour les sites porno a été étendue aux plateformes de réseaux sociaux comme Instagram. Était-ce prévisible ?

Pierre Beyssac : C'était écrit : le porno était un prétexte mobilisateur pour lancer le mouvement, mais le législateur ou le gouvernement ont montré, par exemple au moment de la loi Avia dont cette proposition de loi constitue une forme d'écho, qu'ils espéraient aller beaucoup plus loin dans le contrôle de l'expression en ligne.

Ce nouveau projet de loi envisage, non seulement de vérifier l'âge des mineurs, mais de s'assurer que les moins de 15 ans n'ont tout simplement pas droit d'accès aux réseaux sociaux hors autorisation explicite des parents.

Même si cela peut sembler évident, il faut rappeler qu'une preuve d'âge pour les mineurs ou les moins de 15 ans implique que l'intégralité de la population, même adulte, accédant aux sites concernés devra fournir cette preuve à ces sites.

Il faut donc se poser la question de la proportionnalité d'une telle mesure par rapport à son effet positif supposé.

La définition choisie pour les réseaux sociaux est inspirée de celle du DMA (Digital Markets Act) européen, récemment voté.

Comme nous avons déjà plusieurs fois eu l’occasion de l’exprimer dans ces colonnes, presque 3 ans plus tard la loi de 2020 concernant la pornographie n’est toujours pas appliquée, en raison des difficultés techniques et réglementaires considérables qu’elle soulève. On peut donc émettre des doutes sur la pertinence de vouloir en étendre la portée. Le passage par l'État, supposé intermédiaire de confiance, et ses plateformes pour vérifier notre âge de manière "sécurisée" a été évoqué.

Un rappel des origines de la CNIL (commission nationale informatique et libertés) est donc nécessaire. Créée par la loi du même nom en 1977, la CNIL répondait à l’émotion provoquée par le projet SAFARI de fichage par l’État de toute la population autour du numéro INSEE. La période des fichiers de l’Occupation était encore dans toutes les mémoires, avec ses conséquences dramatiques, démontrant le danger d’accorder une confiance aveugle à l’État sur les fichiers sensibles, tout particulièrement sur les origines ethniques, la religion ou l'orientation sexuelle.

Aujourd'hui, la CNIL est plutôt utilisée par l'État, au contraire, pour s'accorder des passe-droits en matière d'utilisation des fichiers sensibles, notamment de police. Ses avis de prudence à ce titre ne sont que consultatifs et pas toujours entendus.

Se dirige-t-on vers une généralisation de la surveillance en ligne dont cette limite d’âge « juste pour le porno » est une forme de cheval de Troie ?

C'est sans grande ambiguïté l'intention à terme du législateur comme du gouvernement. C'est pourquoi il devient de plus en plus important de nous mobiliser si vous ne voulons pas nous retrouver dans 10 ans dans un film de science-fiction dystopique, avec nécessité de décliner notre identité pour le plus futile de nos usages en ligne.

Cette loi n'est donc qu'un début, elle s'inscrit dans une continuité.

Pourquoi nos politiques, Horizons dans le cas présent, mais de manière plus générale tous nos responsables ont-ils cette tendance à vouloir « protéger » par le contrôle ?

On peut citer, d'abord, l'espoir d'un État "fort" nous protégeant de tout et la confiance pas toujours méritée qu'on a tendance à accorder à celui-ci, une certaine paranoïa de nos représentants qui jouent sur nos peurs pour obtenir nos suffrages.

Il existe également un désir d'encadrer voire censurer l'expression publique dont Internet permet un exercice "réel" allant au-delà de déclarations d'intention qui jusque-là n'engagaient guère. Et, sans doute, un certain conservatisme d'une partie traditionnelle de la société réticente aux changements induits par le numérique ?

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