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Offensive Maréchal : à qui profite vraiment la Marion-mania ambiante ?
©JIM WATSON / AFP

En attente

Les conséquences politiques de la « Marion-mania » médiatique autour de Marion Maréchal sont plus complexes que certains ne le pensent.

Christophe Boutin

Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009) et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017), le Le dictionnaire des populismes (Cerf 2019) et Le dictionnaire du progressisme (Seuil 2022). Christophe Boutin est membre de la Fondation du Pont-Neuf. 

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Atlantico : Un sondage Elabe pour BFMTV affirme que 34% des Français voient en Marion Maréchal une meilleure candidate que sa tante Marine Le Pen à la tête du Rassemblement National. Depuis quelques semaines, le retour sur la scène médiatique de l'ancienne député a entrainé une importante vague de commentaires faisant état d'un come-back politique que l'intéressée pourtant nie clairement. Mais à qui profite cette « Marionmania » ?

Christophe Boutin : Attention d’abord à cet « engouement » et à tous ces sondages qui, à bien y regarder, ne traitent pas du même type de personnes quand ils font pourtant des comparaisons entre elles. Certains de ceux que vous évoquez plus bas, et sur lesquels, effectivement, on demande régulièrement leur avis aux Français,sont des politiques engagés, qu’ils soient membres reconnus d’un parti ou dirigeants de ce dernier. Comme tels, ils ont donc la tâche difficile d’en assumer la direction, avec la question des habituels clivages internes, des tensions, des luttes pour le pouvoir. Ils doivent aussi assumer la défense d’un programme clairement affiché,et sont engagés au quotidien dans les débats politiques, sommés de répondre à toutes les situations nouvelles. D’autres, et c’est le cas de Marion Maréchal actuellement, ne sont pas dans cette situation, et n’ont à assumer ni la lutte pour le pouvoir ni l’intégralité d’un programme plus ou moins précis. De par leur position donc, les premiers apparaissent comme naturellement plus plus clivants que les seconds ; par contre, ils sont logiquement plus présents dans les médias, d’où les seconds peuvent disparaître du jour au lendemain.

Deuxième point justement, on n’est pas nécessairement sur le devant de la scène médiatique parce que l’on choisit de l’être, en accumulant par exemple déclarations intempestives et « coups médiatiques », mais aussi – et surtout ? – parce que les médias – nous parlons ici bien sûr des médias mainstream - choisissent de vous y placer. Mais pourquoi le font-ils ? Pourquoi le projecteur est il subitement braqué sur l’un quand l’autre reste dans l’ombre ? Intérêts obscurs, complots, ou plus simplement parfois le fait que tel sujet soit plus rentable, que telle personnalité « fasse vendre » ? Quoi qu’il en soit, si l’on ajoute à cela, parfois, l’ambiguïté des questions posées dans les études de sondage, on conviendra qu’il importe d’avoir quelque recul pour ne pas tirer des conclusions beaucoup trop rapides des éléments fournis.

Une fois cette base nécessaire posée, examinons les possibilités que vous évoquez des profits à tirer par certains autres politiques de cette présence médiatique de Marion Maréchal.

A Marine Le Pen, en rabattant pour elle des électeurs ?

On pourrait en douter, à partir du moment où certains médias cherchent, au contraire, à faire de Marion Maréchal une rivale de Marine Le Pen,pour fragiliser cette dernière en interne.Il est certain que Marion Maréchal conserve une aura au sein du RN et, notamment, chez ceux que certains désignent comme formant une ligne « identitaire », ou dans les fédérations du Sud de la France. Pour autant, il faut se méfier des présentations par trop schématiques : comme dans tout parti, il y aau RN des oppositions de lignes politiques, de personnes, et des clans qui se forment. Mais il faut éviter de regarder cela de manière très théorique, pensant avoir une grille de lecture qui pourrait tout expliquer, sans se rendre compte que l’ensemble est imbriqué, et que si parfois le politique peut l’emporter sur les choix personnels, d’autres fois l’ego de certains peutbloquer bien des choses.

Il n’y a pas de risque de division interne en tout cas, puisque Marion Maréchal a quitté un poste de parlementaire, n’occupe plus de fonctions au RN, et dit clairement que son projet d’institut, l’ISSEP, est son seul objectif pour le moment. Ce dernier n’est d’ailleurs aucunement conçu, et elle s’est longuement expliquéelà-dessus, comme une « école de cadres » du RN ou un vivier de cette seule formation.

Quant à rabattre des électeurs enfin, il est certain que Marion Maréchal a un discours assumé de droite identitaire et conservatrice, qu’elle a manifestement une cohérence de pensée, qu’elle ne met pas son drapeau dans sa poche, qu’elle sait être claire et parler sans langue de bois. On peut en déduire que certains électeurs pourraient être séduits par les positions qu’elle avance dans les médias : et qu’une part d’entre eux pourrait alors trouver au RN un projet cette fois politique permettant de mettre en œuvre ces thèses. Là, je crois, s’arrête le lien que l’on pourrait trouver aujourd’hui entre Marion Maréchal et le parti que dirige sa tante.

A Laurent Wauquiez en affaiblissant l'aura de sa tante ?

On vient de le dire, il n’est pas certain qu’il y ait un affaiblissement de Marine Le Pen par Marion Maréchal, à partir du moment où les deux ne sont pas concurrentes : l’une est un chef de parti politique, l’autre dirige un établissement d’enseignement. Là encore, méfions nous des romans médiatiques.

Mais à supposer que Marion Maréchal fasse effectivement pâlir l’étoile de Marine Le Pen, voire qu’il y aitun jour conflit interne au RN entre deux lignes représentées par les deux femmes, la montée en puissance de la ligne identitaire-conservatrice de Marion Maréchal serait un risque pour Laurent Wauquiez. Ce dernier, espérant récupérer des électeurs de la droite nationale partis au RN, pourrait en effet beaucoup plus difficilement le faire face à cette ligne, trop proche dela sienne, que face à celle défendue par Marine Le Pen – au moins si l’on retient la ligne défendue par cette dernière lors des dernières présidentielles.

Aux partisans de l'union des droites, comme Nicolas Dupont-Aignan, en créant un espace politique en adéquation avec celui de cette « droite hors-les-murs » ?

La « Marionmania » leur serait plus vraisemblablement profitable, et pas forcément uniquement à Nicolas Dupont-Aignan, mais aussi, plus largement à tous ceux qui sont actuellement sur cette ligne d’union des droites, les signataires de l’Appel d’Angers, les Ménard, Poisson, et autres. Cette ligne rassemble en effet non seulement ceux qui estiment qu’il faut briser l’interdit pesant, depuis la percée électorale du FN, Mitterrand regnante, sur les alliances entre ce parti et le reste de la droite, mais, au-delà, ceux qui souhaitent faire à droite de la politique autrement, y compris pourquoi pas en repensant la question des partis. Ceux qui pensent que le pragmatisme, avec des approches locales, avec un retour à des solutions de bon sens – d’où qu’elles viennent -, en même temps que l’affirmation de valeurs civilisationnelles fortes, sont les deux pieds sur lesquels la droite devrait marcher.Le fait que le discours identitaire-conservateur soitmieux connu, grâce àla place actuelle de Marion Maréchal dans les médias, ne peut que les aider.

Reste pour cette nébuleuse à éviter le risque de n’être qu’un bouillonnement intellectuel – ou d’intellectuels –, fractionnée en chapelles, pour effectivement concevoir des actions communes, sans dogmatisme, et sans conflits d’egos. Et, peut-être, à se trouver une figure de proue, on aurait envie d’écrire un Macron de droite, à même de porter un semblable élanà celui de 2017… mais dans un tout autre sens !

A Emmanuel Macron, en semant la confusion à droite ?

Diviser pour régner. Bien sûr, la formule semble alléchante, et certains y ont sans doute pensé. Pousser Marion Maréchal dans les médias pour diviser le RN entre deux tendances ; pour favoriser l’apparition d’une troisième composante entre RN et LR ; pour empêcher Wauquiez de prendre ce créneau. Et le tout en se disant que tous ces éléments de la droite de LaREM ne sauront jamais se réconcilier, et que ces divisions leur feront perdre les élections. Ce peut-être une explication.

Le jeu pourrait cependant être dangereux pour Emmanuel Macron. D’une part, à cause des qualités réelles de Marion Maréchal, plus difficile a priori à diaboliser que sa tante – même si, dès qu’elle apparaîtra comme l’ennemi principal, elle fera l’objet des mêmes campagnes de dénigrement magistralement orchestrées que celles qui portent sur les autres leaders de droite. Mais surtout, d’autre part, parce que le discours porté – entre autres - par Marion Maréchal, ce conservatisme identitaire, est très certainement le socle principal d’opposition au discours macronien, et ce dans tous les domaines. Face aux défis actuels, et pour répondre aux angoisses qui taraudent une part non négligeable de nos concitoyens, il est à même de fédérer structures et individus et de permettre de structurer une réponseidéologique cohérente. Lui laisser trop d’ampleur, au risque de lui permettre de convaincre trop largement, risquerait donc de se retourner contre les éventuels machaviels qui croiraient l’utiliser.

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