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Non, la baisse des contentieux prud'homaux et la hausse de ceux liés au harcèlement moral et aux discriminations ne sont pas dues aux ordonnances travail
©JACQUES DEMARTHON / AFP

Justice

La baisse du contentieux prud'homal ne date pas de l'investiture d'Emmanuel Macron contrairement à ce que pourraient penser les mauvais esprits.

François Taquet

François Taquet

François Taquet est professeur en droit du travail, formateur auprès des avocats du barreau de Paris et membre du comité social du Conseil supérieur des experts-comptables. Il est également avocat à Cambrai et auteur de nombreux ouvrages sur le droit social.

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Atlantico : Si la baisse du contentieux est une réalité depuis la mise en place de la rupture conventionnelle, ce mouvement est-il susceptible de se poursuivre au regard des premiers éléments disponibles concernant la loi travail ?

François Taquet : Effectivement, la baisse du contentieux prud’homal est une réalité depuis la loi du 25 juin 2008 qui a crée la rupture conventionnelle. Et depuis cette période, le phénomène va en s’accentuant : ainsi le législateur a sécurisé le licenciement pour motif économique ; de même, il a abaissé les délais de prescription en matière de contentieux (ainsi, si avant 2008, un salarié avait 5 ans pour attaquer son employeur en matière de salaire et 30 ans en matière de dommages intérêts, ces délais sont aujourd’hui respectivement de 3 et 1 an) ; il a également encouragé les modes de règlements alternatifs des conflits (médiation, conciliation…) ; il a rendu plus compliqué la saisine du conseil des prud’hommes ; sans compter la création d’un système de rupture conventionnelle collective….Toutes ces mesures ont un but : réduire les contentieux en droit du travail….comme l’ont fait maints pays européens avant la France…

Une autre limitation des contentieux est celle du système de plafonnement des dommages intérêts pour rupture abusive. Or, certains estiment que ce plafonnement issu des ordonnances Macron produirait un effet de déplacement des contentieux prud’homaux vers des contentieux ayant pour objet le harcèlement moral et les discriminations, avec l’objectif d'échapper au nouveau barème.

Effectivement, la France a rejoint le système de barème des indemnités de rupture abusive que pratiquent maints pays. Certains Etats pratiquent ainsi un système de plafonnement des plus simples (ainsi, Monaco, la Bulgarie, l’Estonie : six mois de salaire maximum  si le salarié n’a atteint l'âge lui permettant de percevoir une pension retraite ; la Côte d’Ivoire, l’Albanie, la Slovaquie, un an de salaire maximum (ou s’agissant de la Côte d’Ivoire et par décision spécialement motivée 18 mois de salaire) ; la Slovénie : 18 mois de salaire maximum ; la Finlande, l’Irlande, le Maroc : 24 mois de salaire maximum). En Italie, le « jobs act » a introduit un système plus subtil : en cas de licenciement jugé injustifié par le juge, dans les entreprises de plus de 15 employés, l’indemnisation est égale à 2 mois de salaire par année d’ancienneté (minimum 4 mois et maximum 24 mois) : pour les entreprises de 15 employés ou moins, l’indemnisation est égale à 1 mois de salaire par année d’ancienneté (minimum 2 mois, maximum 6 mois)….

L’idée simple est que la peur de la rupture du contrat de travail et des indemnités à payer constitue un frein à l’embauche. Et la peur serait d’autant plus justifiée dès lors qu’aucun plafonnement de l’indemnité de rupture abusive n’est fixé dans les textes, laissant ainsi au juge une liberté totale d’appréciation quant à la fixation des dommages intérêts.

La loi prévoit toutefois des exceptions à ce barème : violation d’une liberté fondamentale, harcèlement moral ou sexuel, licenciement discriminatoire ou licenciement d’un salarié protégé, licenciement pour maternité ou accident du travail. Dans ces derniers cas, le système de plafonnement ne trouve pas application ! Certains juristes ont pointé du doigt le risque de déplacement des contentieux vers ces demandes !

Certes, il est trop tôt pour dire si un tel risque existe ! Mais pour l’instant, les professionnels ne le constatent pas. En effet, pour mettre en œuvre des contentieux sur les bases mentionnées, il convient d’avoir un minimum d’éléments pour alimenter le litige !

Au contraire, beaucoup de profesionnels constatent que des salariés arrêtent tout litige dès lors que les chiffres de plafonnement sont évoqués !

Un employeur pourrait il se prémunir contre un déplacement de contentieux aboutissant à la non application du barême ? De tels cas pourraient-ils aboutir favorablement pour le plaignant ? 

Il est évident que si l’employeur entre dans les exceptions prévues par les textes, le plafonnement prévu par les ordonnances Macron ne peut trouver application et le juge retrouve sa liberté de fixer le montant des dommages intérêts, comme dans le passé ! Aucun subterfuge ne saurait  exister pour l’application de ces dispositions ! Quant à sa     voir si de tels cas pourraient aboutir, il est encore une fois trop tôt pour le dire. Il est toutefois clair que si le salarié entend se prévaloir ce ces exceptions, il se devra d’apporter au juge un minimum d’arguments pour défendre sa position… !

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