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Nicolas Sarkozy, la revanche : ce qu'il trame pour détruire François Fillon
©Reuters

Bonnes feuilles

Chaque jour, depuis sa défaite en mai 2012, Nicolas Sarkozy réécrit ses plans de retour et recrute ses équipes. C'est cette volonté irrépressible de revanche que l'auteur Christelle Bertrand décortique, nourrissant son récit de témoignages inédits. Extrait de "Chronique d'une revanche annoncée", de Christelle Bertrand, publié aux Editions Du Moment (1/2).

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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Il faut agir. Et vite. Ne pas se laisser distancer, ce pourrait être fatal. Nicolas Sarkozy commence par une vaste opération de siphonage de l’entourage de son ancien Premier ministre. Il reçoit un à un ses proches, tour à tour séducteur et menaçant. Il tente de les convaincre de le rallier, avec plus ou moins de succès. Déjà, il ressent les résistances qui commencent à poindre et ne vont cesser de se renforcer dans les mois qui viennent. Il observe, incrédule, ceux qui refusent de retourner leur veste, de quitter Fillon pour lui, spectateur impuissant de sa propre perte d’influence sur une partie des cadres de l’UMP. Et, bien sûr, Nicolas Sarkozy enrage. Valérie Pécresse, Laurent Wauquiez mais aussi Éric Ciotti sont la cible de critiques acerbes et gratuites. Les candidats aux muni- cipales font aussi les frais de l’opération. À Lyon, par exemple, l’entourage de l’ex-président met tout en oeuvre pour aider Georges Fenech qui n’est pourtant pas favori dans les sondages et écarter le filloniste Michel Havard. Celui-ci emportera finalement les primaires d’une courte tête.

Au-delà des cercles fillonistes, Nicolas Sarkozy tente de s’atta- cher les plus modérés des leaders UMP. Ainsi Bruno Le Maire, François Baroin et Nathalie Kosciusko-Morizet font l’objet d’un traitement de choix. Du premier, l’ancien locataire de l’Élysée dit qu’il le trouve brillant, le meilleur de sa génération, et qu’il le verrait bien à Matignon en cas de retour. François Baroin, lui, est régulièrement reçu rue de Miromesnil et aura bientôt l’honneur d’accompagner Nicolas Sarkozy lors de l’une de ses conférences à Londres. Quant à NKM, elle va bénéficier de quelques jolis coups de pouce pour sa campagne. C’est le deuxième étage de la fusée. Asphyxier Fillon, le priver de son espace politique. Fillon veut la jouer au centre ? Eh bien, Nicolas Sarkozy ira au centre. La rup- ture, quelques mois plus tôt, avec le très droitier Patrick Buisson, va servir d’alibi.

Flash-back. Nous sommes en mars 2013, quelques mois avant les déclarations de François Fillon. Nicolas Sarkozy passe alors des vacances paisibles au cap Nègre avec Carla Bruni. La petite équipe de la rue de Miromesnil en a profité pour partir aussi. Véronique Waché, l’attachée de presse, rentre d’une ballade dans le désert lorsqu’elle voit son portable s’affoler. Des dizaines et des dizaines de SMS, de messages évoquant tous la même chose : les propos du chef de l’État rapportés par le magazine Valeurs actuelles. La communicante tombe des nues. Certes, quelques jours plus tôt, Nicolas Sarkozy a accordé un entretien à un jour- naliste, sur les conseils de Patrick Buisson, mais pas une interview. Surtout pas. Pas le moment. Trop tôt, beaucoup trop tôt. D’autant que, au fil des pages de l’hebdomadaire, l’ancien prési- dent trahit déjà son ambition. Presque un plan : « Il y aura malheureusement un moment où la question ne sera plus “Avez- vous envie ?” mais “Aurez-vous le choix ?” Ce ne sera pas le moment le plus glorieux pour la France, il s’agira d’un moment où le pays sera tenaillé entre la poussée de l’extrémisme de gauche et celui de droite. Parce que François Hollande n’aura pas tenu compte de toute cette France des invisibles et des oubliés. […] Et puis, il s’agira d’un moment où la droite n’offrira aucune solution de recours. Pas plus que la gauche. […] Dans ce cas, effectivement, je serai obligé d’y aller. Pas par envie. Par devoir. Uniquement parce qu’il s’agit de la France. » Lui qui se donne tant de mal pour rester discret quant à ses ambitions de retour, qui s’impose de n’y faire allusion que de manière subliminale, se sent trahi. Et pas par n’importe qui, par l’un de ses plus proches collaborateurs. Son conseiller, son gourou. Patrick Buisson, ancien directeur de la rédaction du journal, a, en effet, donné son aval pour la publication de très larges extraits de l’entretien. Nicolas Sarkozy est sonné. L’explica- tion est vive entre les deux hommes. L’entourage de l’ex- président, qui n’a jamais porté l’éminence grise dans son coeur, s’engouffre dans la brèche, lui explique qu’il doit désormais prendre ses distances car Buisson n’est pas fiable et, surtout, poursuit un projet politique qui ne sert plus forcément les inté- rêts présents de Nicolas Sarkozy. Personne, bien sûr, n’imagine encore ce que « peu fiable » veut vraiment dire. Les enregistre- ments de Nicolas Sarkozy, réalisés par Patrick Buisson, sont encore bien cachés chez ses proches.

Peu à peu, l’ancien président espace les rencontres avec son conseiller, qui vit très mal cette perte d’influence. À partir du 9 mai, après la déclaration de guerre de Tokyo, Nicolas Sarkozy va utiliser cette rupture, la médiatiser, afin d’en finir avec le posi- tionnement droitier qui a été le sien durant la campagne, afin d’opérer le recentrage destiné à asphyxier Fillon. « Tu sais, je ne vois plus Buisson », lance-t-il à nombre de ses visiteurs. Ses conseillers expliquent doctement aux journalistes : « Il se rend compte aujourd’hui que c’est à gauche qu’il faut aller pêcher des voix. » Nicolas Sarkozy demande aussi à ses proches de désormais distinguer sa parole de celle de Guillaume Peltier et Geoffroy Didier. Les deux jeunes leaders de la Droite forte, ce courant de l’UMP proche de Patrick Buisson, ont en effet l’habitude de confondre leurs propos avec ceux de l’ancien chef de l’État.

Dans le même temps, Nicolas Sarkozy revoit plus régulière- ment tous ceux qui incarnent l’aile modérée, imagine des sorties avec eux. Le soutien à NKM et le voyage à Londres avec François Baroin se préparent. L’ancien locataire de l’Élysée fait aussi savoir qu’il souhaite repenser l’UMP afin d’y réintégrer les centristes, et notamment Jean-Louis Borloo. Il invente alors cette formule : « Ils veulent tous des chapelles, moi je veux une cathédrale. » Tou- jours pour séduire les modérés et étouffer Fillon, il confesse à ses visiteurs quelques-unes des pistes, des idées sur lesquelles il travaille, comme un système d’égalité des soins. Il avoue aussi régulièrement qu’il n’est pas favorable à l’abrogation des 35 heures.

Parallèlement, le pilonnage systématique continue. François Fillon est accusé, par exemple, d’utiliser les moyens du parti pour ses réunions militantes en province. « Les déplacements de Fillon sont payés par l’UMP. Il se sert de l’outil en allant contre l’outil, éructe Isabelle Balkany auprès des journalistes. Ce qu’il fait, c’est une trahison morale. » Le locataire de la rue de Miromesnil lui-même laisse fuiter quelques compliments : « Fillon ? Il n’est audible que lorsqu’il me tape dessus. Mais les électeurs ne s’y laisse- ront pas prendre. En 2017, ils se diront : pourquoi échanger un mou de gauche contre un mou de droite ? » Tout autant qu’étouffer l’ancien Premier ministre, le but est aussi de le pousser à la faute, ce qui ne va pas tarder. Dans quelques mois à peine, François Fillon acculé, cherchant à se repositionner, à séduire la droite de la droite, commettra une sortie de route dont il va avoir du mal à se relever.

Extrait de "Chronique d'une revanche annoncée", de Christelle Bertrand, publié aux Editions Du Moment, 2014.

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