Négocier la paix avec la Russie… mais avec quelles garanties pour l’avenir ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron, Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine lors d'une rencontre à l'Elysée, le 9 décembre 2019.
Emmanuel Macron, Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine lors d'une rencontre à l'Elysée, le 9 décembre 2019.
©Alexey NIKOLSKY / SPUTNIK / AFP

Diplomatie

Les Etats-Unis et les puissances occidentales appellent de plus en plus l’Ukraine à être ouverte à des négociations de paix avec la Russie. La solution diplomatique est-elle utilisée comme une manœuvre de la part des Russes ?

Françoise Thom

Françoise Thom

Françoise Thom est une historienne et soviétologue, maître de conférences en histoire contemporaine à l'université de Paris-Sorbonne

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Atlantico : De plus en plus de voix évoquent la possibilité de négociations entre la Russie et l’Ukraine. A quel point les Ukrainiens envisagent-ils cette possibilité ?

Françoise Thom : Il faut comprendre ce que la Russie entend par « négocier ». Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin, vient de l’expliquer en termes fort clairs : la Russie est prête à discuter « la manière dont nos conditions seront remplies ». Lorsqu’un journaliste lui demande si les conditions restaient les mêmes [qu’au début], le porte-parole du Kremlin a répondu : « Absolument ». En d’autres termes il s’agit de déterminer les modalités de la capitulation de Kiev. 

Les Ukrainiens, à la différence de nombreux Occidentaux, l’ont fort bien compris et refusent opiniâtrement de s’engager dans ce piège. Moscou en tire un effet de propagande auprès des Occidentaux : « Voyez, nous sommes prêts à nous entendre, mais ces obstinés d’Ukrainiens bloquent tout, et à cause d’eux l’économie des pays occidentaux pâtit gravement ». En réalité les Ukrainiens ont compris que Moscou leur laisse le choix entre l’anéantissement de leur Etat et l’anéantissement de leur peuple. S’ils veulent continuer d’exister ils doivent gagner la guerre. 

Zakhar Prilepine a déclaré à la télévision Russe que la Russie veut négocier simplement avec l’Ukraine pour se regrouper et finir le combat plus tard, en dépit de tout accord de paix potentiel. A quel point les Russes utilisent-ils les négociations comme une manœuvre ?

Prilepine a révélé les arrière-pensées du Kremlin en comparant une suspension d’armes avec l’Ukraine avecl’accord de Khassaviourt le 31 août 1996, qui mettait fin – provisoirement – à la première guerre tchétchène, après les lourds revers essuyés par l’armée russe. La Russie repasse à l’offensive en août 1999, après avoir déclaré cet accord nul et non avenu. On connaît la suite. Le principal signataire tchétchène de cet accord,le président Aslan Maskhadov, est assassiné par les Russes en 2005. Aujourd’hui Poutine a besoin d’une pause pour former les mobilisés, causer une grave crise politique en Ukraine, essayer d’isoler Kiev de ses soutiens occidentaux, et pour relancer son offensive dans de meilleures conditions.

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Aucune paix n’est possible tant que la Russie fonctionne dans une réalité alternative. Les Russes présentent la guerre en Ukraine comme une croisade contre le satanisme et contre « l’Occident collectif ». Peut-on arriver à un compromis avec les suppôts de Satan ? A en croire une déclaration sur bfmtv de Piotr Tolstoï, vice-président de la Douma, l’Europe va être expédiée« dans les poubelles de l’histoire » pour son soutien à l’Ukraine. Et de rappeler lourdement que les Russes se sont retrouvés à Paris en 1812 et à Berlin en 1945 quand les Européens ont été assez fous pour affronter la Russie. « Et quand je dis que Kiev c’est notre objectif c’est encore bien modeste », ajoute Piotr Tolstoï. Quant l’Ukraine, la Russie se propose de la ramener au XVIIIe siècle.

Historiquement, la Russie, et en particulier Poutine sont-ils connus pour respecter les accords de paix ?

Poutine n’a respecté ni les accords conclus avec Sarkozy au moment de la guerre russo-géorgienne, ni le mémorandum de Budapest de 1994, ni les accords de Minsk conclus en 2014-5 avec la France, l’Allemagne et l’Ukraine. Pour lui tout dépend du rapport de force.

En définitive, si négociations de paix avec la Russie il y a, quelles garanties pour l’avenir a l’Ukraine ?

Les Ukrainiens sont instruits par l’expérience du mémorandum de Budapest, signé en 1994, qui engageait les États-Unis, le Royaume-Uni et la Russie à respecter l’indépendance de l’Ukraine, son intégrité territoriale, et à garantir sa sécurité en échange du retrait des armes atomiques du territoire ukrainien. Ils sont désormais persuadés qu’à terme, comme Israël, ils doivent être en mesure d’assurer leur sécurité par leurs propres forces.

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