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Narcissique ? Au contraire, Donald Trump est une personne qui ne s'aime pas
©SAUL LOEB / AFP

Bonnes Feuilles

Contrairement à une illusion tenace, c'est en étant narcissique, en étant en paix avec soi, que nous pouvons développer un rapport authentique aux autres, sans les prendre de haut ni se rabaisser soi-même. Extrait de "Sauvez votre peau ! Devenez narcissique" de Fabrice Midal, publié aux Editions Flammarion. (2/2)

Fabrice Midal

Fabrice Midal

Philosophe et écrivain, Fabrice Midal est l’un des principaux enseignants de la méditation en France. Il a publié de nombreux livres à succès, dont le libérateur Foutez-vous la paix ! (Flammarion-Versilio, 2017), bientôt traduit dans le monde entier. Sauvez votre peau ! : Devenez narcissique (2018).
"Sauvez votre peau ! devenez narcissique" de Fabrice Midal

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Le mot « narcissisme » a été mis à toutes les sauces, indépendamment de son sens réel – celui qui puise ses racines dans le mythe grec d'origine. L'une des définitions les plus éloignées de ce mythe a été donnée par la bible des psychiatres, le DSM (Diagnostic and Statistical Manual). Rangé dans la catégorie des troubles de la personnalité, il a pour principal symptôme un sentiment excessif de son importance personnelle, et il se manifeste par le besoin, tout aussi excessif, d'être admiré, induisant une incapacité à voir la réalité en face, telle qu'elle est. Le modèle le plus abouti du narcissique selon l'entendement du DSM pourrait être le président américain Donald Trump. Des psychiatres y ont même vu un motif valable de destitution pour inaptitude à exercer ses fonctions : « Non seulement les autres sont à sa disposition, mais la réalité doit se plier à l'idée qu'il s'en fait. » Jusqu'à la caricature donnée par sa cérémonie d'investiture, en janvier 2017 : là où les photos aériennes ont montré des terrains vides recouverts de bâches blanches en trompe-l'œil, Trump a « vu » une foule d'un million de spectateurs. Et il ne ment pas : prendre acte de la réalité, c'est‑à-dire du manque de reconnaissance dont témoigne cette faible affluence, serait pour lui une blessure insupportable, un séisme. Son regard n'a pas porté sur les bâches, mais sur les spectateurs des premiers rangs. Son cerveau les a ensuite démultipliés.

Il en allait presque de sa survie ! Car, contrairement à Narcisse, contrairement à ce que nous croyons, Donald Trump ne s'aime pas ; il est dans une inquiétude constante, dans un doute profond quant à sa propre identité. Il s'est forgé une image extérieure dont il a une vision grandiose, une armure qu'il doit en permanence consolider afin d'éviter de se voir, de se toucher, dont il a viscéralement besoin pour se protéger de son moi qu'il ignore et qui donc l'effraye. Totalement coupé de lui-même, il ne peut pas se trouver génial – même s'il répète « je suis génial » en un leitmotiv qui est chez lui dépourvu de fondement, dénué de sens. Il ne peut même pas avoir confiance en ce moi qu'il ne connaît pas. Ce qu'il ne peut se donner, il le cherche chez les autres : il est en quête permanente d'approbation, a un besoin infini de reconnaissance. Il est avide de la confirmation de son statut par les foules, du regard porté sur lui par tous ceux qui ne sont pas lui. D'où ses tweets compulsifs, rageurs et diffamants à l'encontre des journalistes, des médias et de quiconque écornerait son armure, instillerait la moindre fêlure dans sa fragile carapace. Jusqu'au plus dérisoire : devenu président de la première puissance mondiale, Donald Trump a pourtant besoin d'exprimer son mépris pour les performances d'Arnold Schwarzenegger qui lui a succédé dans la présentation d'une émission de téléréalité, « The Apprentice ».

« Dites-moi que je suis le meilleur », répète-t‑il, pathétique. En réalité, Donald Trump souffre d'une cruelle déficience de narcissisme. Son erreur est celle de la grenouille de la fable qui ne se trouve aucun atout, aucune qualité. Elle « vit un bœuf qui lui sembla de belle taille, elle qui n'était pas grosse en tout comme un œuf, envieuse s'étend et s'enfle et se travaille, pour égaler l'animal en grosseur. Disant : regardez bien, ma sœur, est-ce assez ? Dites-moi, n'y suis-je point encore ? Nenni. M'y voici donc ? Point du tout. M'y voilà ? Vous n'en approchez point. La chétive pécore s'enfla si bien qu'elle creva. » Trump, comme la grenouille, se méprise et se déteste. Il se veut toujours plus grand, plus riche, plus puissant, plus séduisant. Par miracle, il a réussi  à devenir un bœuf, mais l'armure qu'il s'est forgée continue de le dissimuler à lui-même. Il ne sait pas qu'il est désormais bœuf. Il aspire toujours à le devenir. D'où ses bousculades des autres chefs d'État lors des rencontres officielles pour être au premier rang sur la photo : au deuxième rang, la grenouille craint de disparaître, dissimulée par les bœufs. Trump, la grenouille de la fable, les autres grenouilles que nous croisons au quotidien, ne sont pas des personnages narcissiques, mais vaniteux. Des individus qui ne se sont jamais rencontrés, par crainte de découvrir leurs imperfections. De ce fait, ils n'ont pas rencontré, non plus, leurs qualités. Sans doute sont-ils géniaux, nous le sommes tous. Mais ils ne se sont pas accordé la chance de repérer le génie en eux. Ils attendent que les autres pallient ce manque, leur donnent ce qu'ils n'osent pas aller trouver en eux-mêmes.

Les grenouilles qui aspirent à devenir bœufs agressent avant d'être prises en faute, terrorisent pour éteindre toute critique avant qu'elle soit formulée. Elles ont des colères, elles n'ont pas d'émotions. Elles vivent sur la défensive, incapables d'être en paix, pas plus avec elles-mêmes qu'avec les autres. Elles ne sont qu'une carapace et elles ne se rendent pas compte que celle-ci est habitée. Une armure qui ne peut pas accéder au contentement. Le narcissique se sait riche de ce qu'il est. Le vaniteux se fuit, sort de lui et occupe l'espace, tout l'espace disponible, écrase ceux qui s'y risqueraient et pourrit la vie de ceux qui le côtoient. La vanité est un mal fort répandu, à des degrés divers. Un mal redoutable qui naît de la rupture avec soi, avec ses propres ressources et son génie. Son premier symptôme, que j'appelle la voie de la grenouille, est une quête inassouvissable de reconnaissance qui pallie l'ignorance : j'ai profondément besoin que l'on me répète que je suis gentil, intelligent, mince, excellent aux fourneaux ou à mon travail. Je ne recherche pas la sincérité du compliment, mais le compliment lui-même. Je flatte pour être flatté. Le narcissique cherche la réponse en lui, et il se fait suffisamment confiance pour ne pas avoir à se poser perpétuellement la question. Le vaniteux la cherche ailleurs, doute, cherche encore, cherche toujours.

Extrait de "Sauvez votre peau ! Devenez narcissique" de Fabrice Midal, publié aux Editions Flammarion.

"Sauvez votre peau ! devenez narcissique" de Fabrice Midal

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