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Municipales : pour qui sonne(rait) le glas d’une abstention record ?
©JEFF PACHOUD / AFP

Second tour

Le second tour des élections municipales se déroule ce dimanche 28 juin dans 5.000 communes. Faut-il s'attendre à une abstention record ? Quels sont les candidats qui pourraient "profiter" de cette abstention ?

Guillaume  Bernard

Guillaume Bernard

Guillaume Bernard est maître de conférences (HDR) à l’ICES (Institut Catholique d’Etudes Supérieures). Il a enseigné ou enseigne dans les établissements suivants : Institut Catholique de Paris, Sciences Po Paris, l’IPC, la FACO… Il a rédigé ou codirigé un certain nombre d’ouvrages dont : Les forces politiques françaises (PUF, 2007), Les forces syndicales françaises (PUF, 2010), le Dictionnaire de la politique et de l’administration (PUF, 2011) ou encore une Introduction à l’histoire du droit et des institutions (Studyrama, 2e éd., 2011).

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Xavier Dupuy

Xavier Dupuy

Xavier Dupuy est politiologue, spécialiste de l'opinion. Il s'exprime sous pseudonyme.

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Atlantico.fr : Doit-on s'attendre à une abstention record pour le second tour des municipales ce week-end ?

Xavier Dupuy : Au mois de mars dernier avant même l’aspect coronavirus, on pouvait déjà s’attendre à une abstention record. La République En Marche, dans sa préparation des municipales, installait déjà une certaine confusion qui permettait de prédire une abstention massive. 

Les nouvelles formations politiques comme le RN, moins représentées aux élections municipales, participent également à cette abstention en ne pouvant pas de candidat partout. Les électeurs fidèles au parti d’extrême droite n’ayant pas accès à cette offre politique dans leur commune ne se déplaceront donc pas. Nous pourrions nous attendre à cette configuration dans une ville comme Saint Etienne, où le RN n’a pas dépassé le 1er tour et où le maire sortant à déjà fait un score au 1er tour au dessus de 45 %.

À cela s’ajoute évidemment la crise du coronavirus. Les personnes fragiles ne s’étant pas déplacées au 1er tour, cela a donné un coup d’accélérateur à l’abstention. Mais nous pourrions observer un ressaisissement de cette tranche d’électeurs au deuxième tour. Mieux organisés, ils ont pu établir des procurations.

Un ressaisissement de l’électorat âgé profite généralement au maire sortant, et plutôt à la droite qu’à la gauche. 

Guillaume Bernard : C’est plus que probable et, ce, d’autant plus que le premier tour, en mars dernier, avait déjà vu un record d’abstention pour une élection de ce type. Ces municipales 2020 sont un gâchis monumental. Or, ce n’est pas anodin, car le maire était, jusqu’à présent, l’élu le plus apprécié des Français. Si le désintérêt voire la défiance se propage dans tout l’édifice démocratique, c’est le régime lui-même qui pourrait être ébranlé. 

Aux abstentionnistes coutumiers (qui ne se déplacent généralement que pour la présidentielle) risquent de s’en ajouter bien d’autres. Deux principales raisons à cela. D’une part, les Français n’ont pas cette élection en tête : d’abord parce que le premier tour a eu lieu il y a plus de trois mois (ce qui fait planer un doute très important sur la sincérité du scrutin) ; ensuite, parce que le scrutin n’aura lieu que dans un nombre limité de communes (environ 5 000) : il n’y a donc pas d’enjeu national mobilisant l’ensemble de l’opinion publique. Le second tour des municipales est totalement atomisé. 

D’autre part, le contexte est très défavorable à une mobilisation des électeurs, surtout ceux des grandes villes, là où justement le scrutin va avoir lieu. Sortis du confinement général, beaucoup d’urbains vont probablement avoir envie de s’évader et de partir en week-end (du moins pour ceux qui en ont encore les moyens…). Quant aux personnes âgées, celles qui votent proportionnellement le plus, il est possible qu’elles craignent encore la contamination et qu’elles refusent d’aller au bureau de vote (se souvenant que le « grand renfermement » avait immédiatement suivi le premier tour des municipales). 

Tout cela n’est pas de bon augure pour un sursaut de la participation. 

À quels candidats cette abstention peut-elle profiter ?

Xavier Dupuy : Si nous prenons le cas d’une ville comme Toulouse, où les rapports de force sont extrêmement serrés, une modification de la structure des votants sera décisive. Un statu quo des plus jeunes et une augmentation des personnes plus âgées favoriserait indéniablement le maire sortant.

Le cas de Strasbourg est lui très particulier. La configuration politique du 2e tour est assez inhabituelle. La gauche n’a pas réussi à s’entendre sur un liste commune ( la liste EELV soutenue par l’extrême gauche d’un côté et la liste socialiste de l’autre ) et en face, le 1er adjoint sortant soutenu par LREM et qui a trouvé un accord avec LR. Les résultats du 1er tour montrent que la liste EELV était autour de 27%, le 1er adjoint sortant autour de 20% et la liste socialiste autour de 19% et le candidat LR à un score proche de 19% également. Si dimanche prochain nous observons un ressaisissement de l’électorat âgé, cette triangulaire peut tourner en faveur du 1er adjoint associé aux LR. Si en revanche, le taux de votants n’est pas modifié ou si les jeunes se déplacent un peu plus nombreux, malgré une configuration où la gauche est divisée, l’alliance des Verts peut passer devant. 

Guillaume Bernard : D’abord aux sortants, à ceux qui sont le plus connus et qui peuvent mobiliser leurs troupes sur leur nom. Ensuite, cela peut être les mêmes mais pas nécessairement, à ceux qui sont arrivés largement en tête au premier tour. Les électeurs des listes concurrentes sont enclins à se démobiliser. 

Il peut cependant y avoir un sursaut de participation au scrutin là où, localement, il y a un véritable enjeu politique (recomposition des forces) ou une question de symbole. Dans les villes (Bordeaux, Lyon, Strasbourg…) qui ont vu des alliances LREM-LR pour empêcher les Verts de l’emporter (et d’avoir des grands électeurs pour les sénatoriales), y aura-t-il ou non une réaction de l’électorat très à gauche en faveur des listes écologistes ainsi que des anciens électeurs socialistes ayant basculé vers le parti macroniste ? 

Sur la droite du spectre politique, Louis Aliot (RN) réussira-t-il à prendre Perpignan (préfecture des Pyrénées orientales) ce qui, symboliquement, effacerait le peu de présence de son parti (400 listes seulement au premier tour) lors de ces élections ? À Carpentras (Vaucluse), la liste d’union de la droite (avec des RN mais pas seulement) dirigée par Bertrand de La Chesnais (qui est soutenu par l’ancien maire UMP Jean-Claude Andrieu) ravira-t-elle la mairie à la gauche malgré le maintien d’une liste LR ? À Tarascon (Bouches-du-Rhône), la dissidente du RN, très implantée localement, Valérie Laupies échouera-t-elle parce qu’une liste RN a été maintenue (avec à sa tête un parachuté) ou les électeurs de ce parti prendront-ils leur autonomie par rapport aux directives jacobino-parisiennes ? Dans l’Hérault, Robert Ménard ayant été réélu à Béziers, les communes limitrophes de sa ville vont-elles basculer dans son camp ce qui lui permettrait de contrôler l’agglomération ? A la suite de Jacques Bompard (à Orange), cela signifierait que sa stratégie de l’enracinement local est payante pour constituer de véritables bastions. 

Voilà, au débotté, un certain nombre d’exemples qu’il sera intéressant de regarder attentivement au soir du second tour et où les électeurs pourraient (le verbe est au conditionnel) se mobiliser plus qu’ailleurs, alors que tout les pousse, y compris la météo, à aller à la pèche… 

À quels résultats peut-on s'attendre dans les villes à enjeux  ? La "vague verte" tant attendue aura-t-elle lieu ? 

Xavier Dupuy : Globalement, nous allons avoir une élection de très grande stabilité par rapport à 2014. Avec toute de même une particularité : le scrutin de 2014 avait été extrêmement favorable à la droite. On aurait pu penser à un certains rééquilibrage cette année dans les villes très politisées de plus de 9 000 habitants. Ce ne sera visiblement pas le cas. Une ville comme Limoge, bastion de la gauche depuis de nombreuses années, restera très certainement à droite cette année encore. La vague verte tant attendue n’aura pas lieu. Cette « vague » dite verte signifie en réalité que dans certaines grandes métropoles où il n’y a plus de grande personnalité socialiste marquée, l’électeur se dirige vers les verts. Là où la gauche reste marquée, le candidat socialiste reste en tête. L’exemple de Paris en est une preuve. C’est le cas également à Nantes, Rennes.

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