Moins de morts, moins d’impact économique : ces voisins européens dont la France devrait urgemment s’inspirer pour ne plus être la mauvaise élève du Covid<!-- --> | Atlantico.fr
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Finlande tests coronavirus
Finlande tests coronavirus
©Jussi Nukari / Lehtikuva / AFP

Stratégie contre le virus

Alors que de nouvelles mesures ont été dévoilées par Olivier Véran, certains de nos voisins européens sont mieux positionnés selon le double critère du nombre de morts du Covid19 et de l'impact économique de la gestion de la pandémie. Quelles ont été les recettes de ces pays ?

Charles Reviens

Charles Reviens

Charles Reviens est ancien haut fonctionnaire, spécialiste de la comparaison internationale des politiques publiques.

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Atlantico.fr : Alors que le gouvernement français vient d’annoncer de nouvelles mesures restrictives est potentiellement très lourdes pour l’économie, que nous révèle sur la France le classement des États européens selon le double critère nombre de morts du Covid/ impact économique de la gestion de la pandémie ?

Charles Reviens : La question correspond à l’équation à laquelle sont confrontés les pouvoirs publics partout dans le monde depuis le début de la pandémie : il faut à la fois maîtriser le risque de santé publique (minimisation des décès mais également des séquelles sanitaires pour les personnes touchées par le virus) et garantir le maintien puis le retour au fonctionnement le plus normal possible de l’économie et de la société.

De façon générale, les pays occidentaux (Europe & Amérique du Nord) ont connu des impact à la fois sanitaires et économiques beaucoup plus forts que les économies développées d’Asie : la Corée du Sud compte ainsi à date moins de 400 décès pour une population de 50 millions d’habitants.

Si l’on se limite à la situation des pays européens, force est de constater l’existence d’un « cluster » performant (létalité et récession économique modérées) constitué des pays d’Europe centrale et orientale et des pays scandinaves hors Suède, mais pas seulement puisque le Portugal et la Grèce en font partie.

Les pays restants sont marqués par une létalité du virus particulièrement élevée mais avec une grande différence entre la situation de la Suède où la récession économique est faible au premier semestre 2020 et le cluster des cinq pays qui combinent les niveaux de décès les plus importants par unité de population et la chute économique la plus forte : France, Italie, Grande-Bretagne, Espagne et Belgique.

Donc cette comparaison internationale construite sur la combinaison de l’efficience sur le plan sanitaire et de la résilience économique positionne la France à un rang au mieux médiocre. Quelques explications peuvent être apportées sur cette situation comme les choix de communication publique et l’ambiance générale de défiance, ancienne dans le pays. Un point majeur tient au fait que les pouvoirs publics français semblent toujours finir pas imposer du jour au lendemain des mesures de confinement ou de limitation radicale des relations économiques et sociales (confinement général du 17 mars, interruption quasiment immédiate et très contestée de certaines activités économiques à Marseille annoncée le 23 septembre) notamment du fait de difficultés opérationnelles et logistiques majeures : absence d’équipements de protection individuelle au printemps, poursuite du feuilleton du dépistage où à la pénurie des débuts a succédé une volumétrie très importante de tests (3ème rang mondial par unité de population) mais avec des délais de restitution des résultats insatisfaisant, échec de l’application de traçage stop-covid d’ailleurs non téléchargée par le Premier ministre.

La Finlande est l’un des meilleurs élèves européens, quelles ont été ses recettes face au Coronavirus ?

Il y a effectivement une bonne performance des pays scandinaves et la Finlande tient effectivement le haut du pavé : 62 morts par million d’habitants (France 480) et récession limitée à -6 % du PIB au premier semestre (France -18 %).

Cette performance renvoie d’abord à des considérations anthropologiques et culturelles. Comme on ne peut pas détacher la performance de la Corée du Sud de l’expérience récente de ce pays sur les virus H1N1 et SRAS, la Finlande bénéficie à la fois d’une société cohésive et de l’expérience traumatisante mais au final réussie des crises des guerres avec l’URSS garantissant l’indépendance du pays par un effort national exceptionnel.

Cela conduit à un niveau de discipline collective particulièrement élevé autorisant un confinement moins sévère qu’ailleurs (pas de fermetures des magasins et des transports), avec recours au traçage numérique avec un niveau d’utilisation de l’application publique de traçage (2 millions de téléchargements) à peu près identique à la France pour une population douze fois inférieure (5,5 millions d’habitants) : 40 % des finlandais utilisent l’application contre 3 % des français.

Des pays qui avaient été très fortement impactés lors de la première vague comme l’Italie ou la Belgique semblent faire mieux face au regard de la pandémie cette automne. Simple effet de chance ou évolution stratégique dont nous devrions nous inspirer ?

Tout commentaire en la matière doit être prudent et prendre en compte de changements rapides. Car si l’Italie et la Belgique, membres du « club du pire » au printemps, connaissent une stabilisation de leur situation, ce n’est hélas absolument pas le cas de l’Espagne dont les données sanitaires restent préoccupantes : jusqu’à cinq morts quotidiens par million d’habitants contre moins de un partout ailleurs en Europe.

Ainsi hier 24 septembre, 1 640 cas positifs (France 13 072) et 20 morts (France 43) sont reportés en Italie. Plusieurs hypothèses sont envisageables pour expliquer cette situation italienne favorable. Le dispositif de dépistage par test semble efficient et plus qualitatif que volumétrique (moins de un test par jour pour 1 000 habitants contre plus de deux en France) notamment en termes de ciblage et de suivi des personnes testés. Il semble aussi que les Italiens respectent bien les différentes recommandations des pouvoirs publics en matière de distanciation sociale au-delà des stéréotypes habituels les concernant. La baisse des décès est enfin associée aux progrès du traitement des cas graves comme un peut partout dans le monde.

Que retenir des auditions en cours devant le Senat sur la gestion par le gouvernement de la pandémie au printemps dernier ? Les « excuses » et explications données notamment par Agnès Buzyn et Sibeth N’Diaye sont-elles de nature à nous rassurer ?

Le temps passe très vite et les explications sur les événements du printemps renvoient à un monde désormais révolu, d’autant plus que les deux personnes auditionnées n’exercent plus de responsabilités gouvernementales et tant l’une, par ses déclarations désormais fameuses sur les masques passées en boucles et en boutades, que l’autre, ayant quitté ses fonctions au tout début de la crise, se sont plutôt vues attribuées de façon juste ou injuste les vilains rôles dans toute cette affaire.

Les propos tenus devant le Sénat sont en tout cas cohérents avec un axe fort de la stratégie de communication des pouvoirs publics : refuser de reconnaître d’éventuelles erreurs et encore moins présenter des excuses. Cela tient peut-être également au fait que les risques d’activation de la responsabilité pénale des responsables publics, à côté de leur responsabilité politique, produit peut-être des effets délétères sur leur actions et leur communication.

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