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L'amour des zombies, 
un rapport à l'érotisme charnel 
du corps abandonné
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Corps à corps

Les zombies envahissent notre univers médiatique : séries, films, bandes-dessinées ... Décharnés ou séduisants, ils charment notre imagination. Que se cache-t-il derrière la fascination de l'immortalité ?

Aurélien Fouillet

Aurélien Fouillet

Aurélien Fouillet est chercheur au Centre d’Etudes sur l’Actuel et le Quotidien (Université Paris V René Descartes). Il est docteur en Sociologie. Sa thèse s’intitule : "L’esprit du jeu dans les sociétés post-modernes. Anomies et socialités : Bovarysme, mémoire et aventure." Il a également collaboré à l’ouvrage dirigé par Michel Maffesoli et Brice Perrier : L’homme postmoderne.

Ses thématiques de recherche sont : le jeu, le risque, la morale, les nouvelles technologies, la science fiction et la bande dessinée.

Il est membre de la rédaction des Cahiers Européens de l’Imaginaire et l’un des trois fondateurs de La Tête qui manque.

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On voit ressurgir de diverses manières les figures du mort vivant, du zombie ou du vampire dans la culture populaire contemporaine. Twilight, Buffy contre les vampires, Walking Dead, 28 jours plus tard, Teen Wolf, Le Manuel de Survie en territoire zombie, Crossed, Marvel Zombie, ou encore True Blood en sont diverses manifestations plus ou moins actuelles.

Du catch mexicains – resurgissement dans les masques de la Lucha Libre d’un imaginaire aztèque longtemps enfoui derrière le syncrétisme catholique – en passant par le vaudou haïtien et son esthétique que l’on retrouve dans James Bond ou chez Zadig et Voltaire – jusqu’aux divers flashmob des fans de Walking Dead, l’esthétique de la mort, du mort vivant et de ses modulations est fortement présent dans l’imaginaire juvénile contemporain.

Faut-il y voir l’expression d’une période en crise ? D’une critique sociale dénonçant la zombitude du consommateur moyen ? Ou encore une volonté sociétale d’apprendre à vivre avec la mort ? Peut-être s’agit-il d’un peu de ces trois dimensions.

Au travers de ces différentes figures, ce qui est mis en avant, paradoxalement ou oxymoroniquement, c’est bien le corps, la carne pourrait-on dire.  Les scarifications, réelles ou simulées, les morsures langoureuses – dites baisers du vampires – les affoulements zombies où l’on se frotte, se pousse et s’entrechoque, sont autant de mises en avant du corps et de sa dimension purement charnelle, érotique et thanatosienne, animale ou daïmonique. Les films de possessions (Devil Inside, l’Exorciste, Paranormal activity, etc.) sont autant de variations sur ce corps qui, en s’abandonnant, s’affirme. De ce corps qui efface cette intériorité cartésienne au profit d’un corps collectif où l’on s’éclate.

Il s’agit finalement toujours de ce corps qui, a l’adolescence d’autant plus (qu’il s’agisse d’un individu ou d’une société peu importe), est toujours quelque chose d’encombrant et de stimulant, quelque chose avec lequel, tant bien que mal, on doit apprendre à vivre. Peut-être est-ce un de ces moments où le corps social adolescent apprend à vivre avec lui-même, malgré l’âge ingrat qu’il traverse ?

D’autres dimensions se mêlent à cela, l’éternité, l’immortalité ou l’idée d’un mort-vivant, d’une mort qui redonne vie. Il s’agit alors d’un corps par lequel on accède à l’extase, à cette sortie de soi qui ouvre sur le corps collectif, le divin social. Merleau-Ponty appelait cela l’expérience de la chaire. C’est-à-dire ce moment où les corps sont à la fois sentis et sentant, sujet et objet ou plutôt en amont de cette séparation. Il prenait l’exemple du rapport amoureux, de cette petite mort dans laquelle chacun se perd dans l’autre. Toutes ces figures du zombie, du vampire et autres morbidités apparentes, exagérations de l’appétence contemporaine à l’extase collective, révèlent bien plutôt l’appétence à la vie, expression de cette persévérance dans l’être du divin social.

L’esthétique zombie apparaît donc comme l’expression d’une vitalité exacerbée de nos sociétés. Comme dirait l’autre : « N’ayez pas peur. »

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