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Mitt Romney peut-il vraiment battre Obama ?
Mitt Romney peut-il vraiment battre Obama ?
©Reuters

Surprise générale

Le candidat républicain a ses chances face à Obama ; mais pour faire valoir ses atouts, il devra changer la nature de la campagne présidentielle américaine.

Thibault Muzergues

Thibault Muzergues

Thibault Muzergues est un politologue européen, Directeur des programmes de l’International Republican Institute pour l’Europe et l’Euro-Med, auteur de La Quadrature des classes (2018, Marque belge) et Europe Champ de Bataille (2021, Le Bord de l'Eau). 

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Alors que les délégués du Parti républicain se réunissent cette semaine à Tampa pour la Convention d’investiture de leur candidat à la présidence des Etats-Unis, les Francais et les Européens découvrent progressivement le challenger de Barack Obama, Mitt Romney (ancien gouverneur du Massachussets), ainsi que son colistier fraîchement désigné Paul Ryan (Député du Wisconsin et champion assumé du libre-échange et de la réduction des déficits à la Chambre des Représentants). Ce duo de choc s’apprête donc à vivre deux mois de campagne d’une intensité exceptionnelle, avec au bout un objectif clair pour le challenger : battre Barack Obama et devenir le 45e Président des Etats-Unis.

Barack Obama. Même s’il a (forcément) perdu de sa superbe depuis cet automne 2008 où, promettant l’espoir et le changement au milieu d’une tornade financière digne de 1929, le futur 44e Président avait insufflé une nouvelle passion pour l’Amérique partout dans le monde, peu d’Européens douteraient aujourd’hui des chances de ré-élections du Président sortant au mois de novembre. De ce côté de l’Atlantique, il ne fait aucun doute que Barack Obama, le « Grand Communicateur » de 2008, sera réélu.

Et pourtant, la tendance montre bien que 2008 ne sera pas un remake de la réélection de Ronald Reagan (le vrai « Great Communicator ») en 1984, où Walter Mondale n’avait pu faire qu’acte de figuration dans une campagne pratiquement jouée d’avance (au final, Reagan avait gagné de 18 points et l’avait emporté dans 48 états sur 50). Au contraire, tous les sondages indiquent que cette élection sera serrée : si Barack Obama reste en tête dans la plupart des sondages de cet été, on constate que son avance a fondu depuis le mois de juin, et  (plus grave encore) que les « swing states » les fameux états-basculent qui décident vraiment de l’élection (l’Iowa, la Floride, l’Ohio, la Virginie et le Colorado notamment) restent extrêmement indécis : aucun de ces états ne donne une avance de plus de deux points au président sortant actuellement. Autant dire que rien n’est joué.

On serait bien sûr tenté de dire que Barack Obama n’est pas encore vraiment rentré en campagne (ce qui est d’ailleurs faux), qu’une fois « dans le bain » de l’élection, son charme, sa stature et son discours l’emporteront forcément sur le manque de charisme du candidat républicain. Ce scénario reste possible, mais il est peu probable à ce stade de la campagne. Ne disait-on d’ailleurs pas la même chose du duel Sarkozy-Hollande il y a quelques mois ?

Au final, le charisme (au sens où nous l’entendons en France) ne jouera probablement pas un rôle majeur dans cette campagne ; et la réalité est que le ticket Romney-Ryan a de vraies chances de gagner en novembre. D’abord parce que l’Amérique reste profondément déçue par un Président qui a fait si peu après avoir tant promis. Avec une cote de confiance négative, et plus basse qu’aucun président réélu, la campagne d’Obama reste structurellement fragile : l’alliance électorale qui l’avait porté au pouvoir en 2008, avec une très forte mobilisation des jeunes et de la communauté afro-américaine (populations abstentionnistes séduites par le discours d’Obama, mais aujourd’hui déçues), ne fonctionnera pas à plein cette fois-ci. Qui plus est, l’économie américaine reste très vulnérable, quatre ans après la crise financière, et le taux de chômage reste élevé, ce qui rend le discours général du président-candidat beaucoup moins percutant auprès des électeurs.

Face à ce président charismatique mais affaibli, Romney a ses chances : certes, il ne possède pas le charme naturel de son adversaire et sa candidature ne suscite pas vraiment d’enthousiasme, mais son profil de businessman qui s’attaque aux problèmes et les résout vaut de l’or, en particulier dans les franges de l’électorat indépendant déçues par les beaux discours (sans effet) des quatre dernières années. Par ailleurs, son choix de colistier s’avère judicieux : en choisissant Paul Ryan, un chouchou de l’aile droite du parti qui ne possède pourtant pas le pedigree « pur » des conservateurs sociaux, le centriste Romney a réussi à mobiliser la droite du parti en faveur de sa candidature tout en évitant de faire peur à un électorat indépendant qui avait boudé John McCain en partie à cause de Sarah Palin il y a quatre ans. Les conseillers d’Obama l’ont bien compris, et c’est pour cela qu’ils ont immédiatement orchestré un barrage de communication négative visant à faire passer le candidat républicain à la vice-présidence pour un extrémiste néolibéral et/ou néoconservateur.

Justement, si le ticket Romney-Ryan a une vraie chance de gagner, la nature négative de la campagne reste leur principal adversaire. Les conseillers d’Obama, David Axelrod en tête, savent pertinemment que le candidat républicain marque des points lorsqu’il dit que « l’espoir et le changement » promis par Barack Obama ne sont plus que « des slogans délavés sur un vieil autocollant ». Ils savent aussi qu’en 2004, George W. Bush avait gagné une campagne sans enthousiasme en l’enfermant dans un cercle de campagnes négatives structurellement avantageuses pour le sortant (suivant une logique claire : entre la peste et le choléra, choisissez la maladie que vous avez déjà). Et comme l’enthousiasme n’est pas de mise en 2012 (d’un côté comme de l’autre), vient l’idée de répéter le tour de force de Karl Rove il y a huit ans : pousser la campagne dans le caniveau et l’enfermer dans une logique négative (tout en croisant les doigts pour que l’état de l’économie reste stable), et la prime au sortant devrait finir le travail. Certes, on est très loin des envolées de 2008, mais c’est une stratégie éprouvée, qui a fait ses preuves par le passé (outre 2008, on peut penser à la campagne de 1964 menée par Lyndon Johnson contre Barry Goldwater, un modèle du genre).

L’équation est donc claire : si Mitt Romney et Paul Ryan ne réussissent pas à rompre le cercle de campagne négative que les équipes de Barack Obama sont en train de construire pour mobiliser leurs troupes et détourner l’attention des électeurs indépendants, le ticket a de grandes chances d’en rester là et d’échouer à quelques états, à un ou deux pour cent du succès (sauf crise économique majeure bien sûre). En revanche, si la campagne de Romney parvient à briser ce cercle, si le candidat républicain réussit à articuler un message de fond aux électeurs indécis, ses chances de gagner seront très fortes, et Barack Obama aurait alors de grandes chances de rejoindre Jimmy Carter et George H.W. Bush parmi les présidents qui n’auront servi qu’un mandat.

Tout cela est bien entendu plus facile à dire qu’à faire. Cependant, les exemples de Carter et Bush sont une excellente boussole pour les communicants de Romney : en 1980 et en 1994, les deux « one-term presidents » n’ont pas seulement perdu à cause de leur impopularité. Ils ont aussi (et avant tout) perdu face à des adversaires (Ronald Reagan et Bill Clinton) qui ont réussi à articuler une vision positive de leur candidature, à convaincre les électeurs qu’ils étaient les meilleurs dans l’absolu pour devenir Président des Etats-Unis. C’est là le vrai défi de Mitt Romney, et la Convention Républicaine est un merveilleux outil pour commencer à bâtir cette image de candidat meilleur (et non moins pire) que Barack Obama.

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