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Michel Fize : "Votre réforme, Monsieur Blanquer, ne sert à rien"
©CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Lettre ouverte

Sociologue et écrivain, auteur de "L'école à la ramasse, la faillite de l'Education nationale", Michel Fize reproche à la réforme de Jean-Michel Blanquer de n'apporter aucune réponse satisfaisante aux problèmes de fond que travers l'école, dans une lettre ouverte adressée au ministre de l'Education nationale et de la jeunesse.

Michel Fize

Michel Fize

Michel Fize est un sociologue, ancien chercheur au CNRS, écrivain, ancien conseiller régional d'Ile de France, ardent défenseur de la cause animale.

Il est l'auteur d'une quarantaine d'ouvrages dont La Démocratie familiale (Presses de la Renaissance, 1990), Le Livre noir de la jeunesse (Presses de la Renaissance, 2007), L'Individualisme démocratique (L'Oeuvre, 2010), Jeunesses à l'abandon (Mimésis, 2016), La Crise morale de la France et des Français (Mimésis, 2017). Son dernier livre : De l'abîme à l'espoir (Mimésis, 2021)

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               Monsieur le ministre,

       Votre réforme, qui suscite tant de remous, n’est pas franchement mauvaise comme il se dit souvent par préjugé : elle ne sert à rien ! Faut-il s’en étonner ? Vous le savez comme moi, en ce pays les réformes sont faites pour éviter d’aborder les problèmes de fond. Réformer pour ne rien changer, en somme !

         Le mal dont souffre notre école – que les plus audacieux nomment pudiquement « crise » - est profond. Ce mal appelle donc une réforme radicale. La vôtre, comme les précédentes, ne l’est pas. Oserai-je dire qu’elle est essoufflée avant même de s’installer ?

           Le mal est profond. Il y a le feu, en effet, à tous les étages et dans tous les compartiments de la maison que vous dirigez. D’abord des chefs d’établissement devenus chefs d’entreprises, mais sans les pouvoirs reconnus à ces derniers. Ensuite des enseignants qui, souffrant déjà de mal-formation, ont perdu au quotidien leur légitimité d’antan, sont réduits plus que jamais à n’être que des « distributeurs » de matières indigestes dans des salles de classe en ébullition ; des enseignants confrontés à des élèves qui s’ennuient (pour les plus dociles) ou se montrent agités (pour les plus actifs), des élèves qui ne voient plus le sens de leur présence en ce lieu autrefois temple du Savoir. Ensuite encore des niveaux scolaires en perdition, et d’abord dans les disciplines principales : dégringolade en maths, effondrement en français – dans toutes ses composantes : orthographe, grammaire, syntaxe, compréhension des mots. 

    Une situation longtemps cachée derrière la perfidie du slogan pseudo-scientifique du « niveau qui monte ». Enfin des parents d’élèves qui ne savent pas toujours à quoi ils servent mais que votre institution, monsieur le ministre, tient toujours en lisière, un personnel de santé insuffisant, des syndicats qui ont perdu leurs capacités d’antan : or, ici comme ailleurs, une institution a besoin de syndicats forts : il n’est pas de démocratie saine sans corps intermédiaires influents !

           Voilà le tableau rapidement brossé de ce que je nomme dans mon livre la « faillite de l’Education nationale » (1). 

         A l’heure où de grandes concertations avec les citoyens sont annoncées (pour la réforme des retraites), pourquoi ne lanceriez-vous pas des « Etats généraux de l’Education » avec ces mêmes citoyens ? N’est-il pas temps, en effet, de préparer la venue d’une autre école, moins compétitive et plus coopérative, moins uniformisante et plus personnalisante (dans ses pédagogies), moins excluante et, finalement, plus inclusive : une « école de la réussite pour tous ».

        C’est une réflexion au long cours (deux ans, pourquoi pas !) qu’il faut engager. En commençant par poser la question préalable : à quoi doit servir l’école du XXIe siècle ? Les autres questions suivront naturellement : comment sortir du système désuet primaire-secondaire-supérieur ? Comme évaluer vraiment les élèves : leurs connaissances, leurs compétences ? Passer à 40 % de contrôle continu au bac, c’est bien, 100 % c’est mieux, n’en déplaise aux conservateurs chagrins, de droite comme de gauche, attachés au totem pour eux inviolable qu’est le baccalauréat.

         Le projet est là, ambitieux, nécessaire, urgent. Il ne s’agit plus désormais de changer L’école mais de changer d’école.

              Merci, monsieur le ministre, d’avoir pris le temps de me lire… et peut-être de m’écouter.

                                Respectueusement                                           

                                       Michel Fize, sociologue, écrivain

  1. Auteur de L’école à la ramasse, la faillite de l’Education nationale (L’Archipel)

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