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Marseille : Et Emmanuel Macron révéla sa botte secrète pour 2022
©GUILLAUME HORCAJUELO / POOL / AFP

Machine électorale

Quand ses adversaires le prennent en défaut sur son bilan, Emmanuel Macron mise à nouveau sur une attitude volontariste à Marseille.

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico : Quand ses adversaires voudraient le prendre en défaut sur son bilan, Emmanuel Macron semble miser sur une attitude volontariste comme le montre encore une fois son déplacement à Marseille. En affichant sa volonté de faire changer les choses, peut-il faire oublier ses manques ?

Jean PETAUX : L’aphorisme suivant : « Là où existe une volonté, il y a un chemin » a ceci d’original c’est qu’il est prêté à nombre de personnalités célèbres : Vladimir Ilitch Oulianov, autrement dit Lénine ; Albert Einstein ou encore Winston Churchill. On pourrait en citer nombre d’autres. Le point commun entre tous ces auteurs potentiels est le pouvoir et la puissance : politique, scientifique ou militaire ou économique. La volonté apparait comme consubstantielle au statut de chef ou de leader. Pas étonnant alors qu’Emmanuel Macron, dans sa recherche des signes extérieures de la puissance, attache à la volonté un soin tout particulier. Le débat entre « vouloir » et « pouvoir » est permanent dans l’expression politique et dans l’art de gouverner. Mais il convient d’inclure un troisième verbe qui structure en quelque sorte le triangle magique dans lequel s’inscrit le leader : c’est « savoir ».  Ces trois termes  fonctionnent en « 3 D » : on ne comprend l’un qu’en le rapportant aux deux autres, 

Emmanuel Macron, dans l’ambition de sa démarche présidentielle, n’a d’autre ressource que la mobilisation de sa (ou des) de toutes les (bonnes) volontés pour convaincre du fait que son pouvoir fonctionne encore. L’aphorisme mentionné plus haut s’apparente à ces slogans que l’on peut bien qualifier de performatifs. Dans le même ordre d’idée on parlera volontiers d’une foi qui permet de franchir les montagnes et de triompher des pires obstacles. Une attitude volontariste résultat de l’expression d’une volonté sans retenue ou sans réserve, est donc ainsi sensée produire des actes. Mais dans la majorité des cas, ces actes ne sont que des discours ce qui ne veut surtout pas dire qu’ils sont négligeables et qu’il faut les considérer comme tels.

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Il est manifeste qu’Emmanuel Macron exprime d’autant plus de volonté qu’il n’offre guère un bilan magnifique à contempler. Pas certain que l’électorat s’y laisse prendre. Cela dit il n’a guère d’autre choix que celui du volontarisme qui est en quelque sorte à l’exercice du pouvoir ce que le mouvement est au vélo pour ne pas tomber. La volonté est une condition nécessaire pour gagner une élection, elle n’est, en aucun cas, suffisante à elle toute seule pour exercer le pouvoir et gagner la confiance des électeurs au point qu’ils vous réélisent. 

L’affichage d’une volonté d’agir produit-elle des effets similaires aux actions réellement engagées sur les électeurs ? Au vu de l’offre politique et des circonstances actuelles cela pourrait-il suffire à convaincre les électeurs en 2022 ?

En politique, il est évident que rien ne vaut les actes. Pour autant la figure du tribun populiste qui renverse une foule venue le conspuer ou lui demander des comptes sur tel ou tel acte politique non poursuivi ou sur telle ou telle promesse dont la mise en œuvre a été soit partielle voire carrément abandonnée est une figure classique de la politique. Elle démontre que la rhétorique, telle la pensée « Maozédong » à ses heures de gloire peut « déplacer des montagnes », « changer le cours des fleuves » et « inverser le sort d’une bataille ». Dans les deux cas (l’art oratoire et la pensée « Maozédong ») on est dans l’idéologie plus ou moins affirmée. On « fait croire que » ! La plupart du temps (c’était le cas des inepties de Mao) la volonté affichée est artificielle,  purement idéelle et totalement démagogique, mais sa force de conviction peut être telle qu’elle tiendra lieu, pour un temps, d’actes. Non seulement « d’actes de langage » pour parler comme J.L. Austin, mais aussi « d’actes conséquentiels ». En économie, disait J. M. Keynes, le fait de « sortir dans la rue avec un parapluie peut fermer pleuvoir ». En politique, une volonté fortement exprimée peut produire des actes terribles, d’une portée, d’une intensité, d’une violence inenvisagée jusqu’alors. Ainsi en 1994 les messages de haine de « Radio 1000 collines » au Rwanda qui précipitent le génocide des Tutsis.

En 2022, l’électorat français sera-t-il, majoritairement, sensible à une volonté prétendument porteuse de réformes ou de propositions censées « tout régler », « apporter le bien-être » et « cautériser les plaies » ? En l’état actuel de l’offre politique, aucun « émetteur » ne semble se présenter pour ce rôle. Cela ne veut absolument pas dire que celui-ci ne sera ni tenu ni « habité » en février 2022. D’une part parce que ce type d’acteur dans le « casting présidentiel » est souvent un inconnu, 9 mois avant l’élection, dont l’apparition surprise sur la scène participe du rôle et du texte. D’autre part parce que l’électorat est dans un tel état de fragmentation et d’émotion, qu’une simple minorité, un peu plus nombreuse que les autres, peut soutenir un tel profil de candidat.


Emmanuel Macron est un homme politique qui promet le changement (on se souvient de son livre « Révolution » en 2017, de sa volonté de rompre avec l’ « ancien monde »). Pour autant, il n’annonce jamais le grand soir. Cette position médiane lui est-elle favorable ?

Je ne pense pas qu’une majorité des électeurs d’Emmanuel Macron ait lu son livre « Révolution » en 2016-2017.Avec la disparition des grandes idéologies « téléologiques », celles qui disposaient dans leur système de représentation du monde d’une fin radieuse (le paradis au ciel dans la Résurrection chrétienne ; le paradis terrestre des « lendemains qui chantent » dans une société communiste sans classe et où ce serait « à chacun selon ses besoins ; le paradis d’Allah pour le djihadiste ; etc.), la notion de « grand soir » n’a plus vraiment de succès. Toute personne à peu près  normalement constituée aujourd’hui sait que l’avenir n’est radieux que dans l’horizon totalitaire. Autrement dit seul un système de pensée totalitaire, un régime politique homonyme et un modèle de justice dévoyé, peut « tenir » une ligne absurde selon laquelle « un homme nouveau sortira d’une révolution totale qui aura fait table rase du passé et édifiera une cité radieuse dans un futur proche ».

Emmanuel Macron n’a jamais annoncé de « grand soir » parce qu’il a le sens du ridicule d’abord, mais surtout, parce qu’il n’a pas du tout l’intention de « renverser la table ». Même, pour ce que certains de ses adversaires lui prêtent comme intention cachée et malsaine : « une révolution néo-libérale ». En réalité Emmanuel Macron est un volontariste sans doute violemment tempéré. Sa volonté s’arrête là où les mouvements sociaux le poussent dans ses retranchements. Son quinquennat qui s’achève, certes amputé de deux ans par la pandémie, a montré sa réponse aux mouvements sociaux protestataires : davantage le contournement que l’affrontement, toujours plus de « en-même temps » que de clivage brutal. Les mots qu’il a pu tenir depuis 2017 lui sont plutôt défavorables et feront considérer le constat qui précède par un haussement d’épaules de ses contempteurs. Il reste qu’une des explications de son haut niveau relatif d’opinionsfavorables (JDD, 23.08.2021)  par rapport à ses deux prédécesseurs tient sans doute au fait qu’il n’a jamais cessé d’apparaître, malgré ses saillies et ses « sorties », toujours comme l’homme du « en même temps », bien moins clivant que ce que ses adversaires lui prêtent comme « qualité » finalement.

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