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Le manifeste de la discorde : Jeremy Corbyn et le parti travailliste britannique pris dans les remous de leur programme législatif ultra à gauche
©REUTERS/Stefan Wermuth

"C'est la lutte finale...'

Alors que sur le papier, le programme du Labour pour les législatives anticipées britanniques est potentiellement le plus populaire, son leader, Jeremy Corbyn, peine à susciter l'adhésion au sein de la population, y compris chez les électeurs travaillistes.

Bruno Bernard

Bruno Bernard

Anciennement Arthur Young.
Ancien conseiller politique à l'Ambassade de Grande-Bretagne à Paris, Bruno Bernard est aujourd'hui directeur-adjoint de cabinet à la mairie du IXème arrondissement de Paris.

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Atlantico : Renationalisation des chemins de fer, des services postaux et d'une partie du secteur de l'énergie, encadrement des salaires de dirigeants d'entreprises, etc. : le projet de programme des travaillistes britanniques pour les législatives anticipées du 08 juin est très marqué à gauche. Comment expliquer ce positionnement ? 

Bruno BernardJe ne pense pas qu’il faille parler de positionnement mais plutôt du reflet des convictions politiques du leader actuel du Parti travailliste, Jeremy Corbyn.

Corbyn n’est pas un tacticien comme Blair mais plutôt un idéologue, resté fidèle aux idées qu’il défend depuis sa première élection au Parlement en 1983 : fin de l’austérité, renationalisation de nombreux services publics, non intervention et désarmement nucléaire etc.

Jeremy Corbyn a commencé sa carrière professionnelle dans le syndicat des industries du textile dans les années 1970.  Il est le produit d’une époque où la "lutte des classes" n’était pas devenue un slogan de publicitaire. Il faut reconnaître à Corbyn ce mérite, il ne cherche pas à s’adapter à son époque mais défend des convictions qu’il porte depuis toujours. Il est l’inverse d’une girouette politique.

A noter enfin que la renationalisation des trains est une idée populaire en Grande-Bretagne avec 52%  de personnes qui y sont favorables et que le Parti conservateur porte aussi dans son projet l’idée de plafonner les factures énergétiques. Le Parti travailliste n’est donc pas complètement à côté de son sujet. 

Un tel projet de programme ne risque-t-il pas de renforcer les conservateurs menés par Theresa May lors de ce scrutin, ceux-ci étant déjà donnés favoris dans les sondages ? 

Sur le papier, le programme du Labour est potentiellement le plus populaire.

Qui dirait non à la suppression des droits d’entrée à l’université, la construction de 100 000 logements sociaux par an, la gratuité dans les cantines scolaires et du wifi dans les trains ? Qui dirait non à l’augmentation du budget de la santé de 6 milliards de livres ou le plafonnement des factures énergétiques ?

Comme souvent avec les programmes de gauche remplis d’espoir et de générosité publique, celui-ci est très attractif. Malheureusement c’est le leadership, la qualité de mener le pays, de celui qui le porte qui fait défaut. Dans toutes les élections à travers le monde, ce n’est pas la qualité du programme qui influencera le vote des électeurs. Celui-ci sera une réponse aux questions suivantes : qui pour mener le pays ? Qui pour prendre les décisions difficiles ? Le souci de Corbyn est qu’il est beaucoup moins populaire que ses propositions : seuls 14% des  Britanniques l’imaginent devenir Premier ministre, dont moins de 50% d’électeurs travaillistes. En conclusion, ce sont moins les idées présentées dans le programme des travaillistes qui renforcent le camp conservateur mais plutôt la personnalité de celui qui les porte. 

Comment un tel projet de programme pourrait-il s'insérer dans les négociations menées avec Bruxelles au sujet du Brexit ? 

Le Parti travailliste de Jeremy Corbyn a eu le mérite de reconnaître qu’il ne reviendrait pas sur le résultat du référendum du Brexit. Entre lui et Theresa May, l’enjeu des élections du 8 juin est désormais qui mènera le Brexit jusqu’au bout et sous quelle forme ?

D’un côté, May sera la "bloody difficult woman" et fière de l’être face à Bruxelles, et de l’autre Corbyn tente d’évacuer le Brexit en tant que tel et veut faire de la sortie de l’Union européenne le moyen de garantir une société plus juste. On devine que les conservateurs sont plus à l’aise dans cette configuration que les travaillistes dont une partie ne semble pas avoir fait le deuil de l’appartenance à l’UE.

Toutefois, si par miracle les travaillistes l’emportaient le 8 juin, Bruxelles, tout à sa joie de s’être débarrassé de sa nouvelle bête noire, permettrait peut-être à Corbyn de commencer les négociations avec un a priori favorable. A priori qui devrait rapidement fondre au soleil des réalités européennes au fur et à mesure que les institutions prennent la mesure du caractère dépensier du programme corbynien. Il ne manquerait plus que l’Union européenne soutienne un programme socialiste ! 

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