Mais pourquoi le cancer tue-t-il plus en France que dans la plupart des pays de l’OCDE ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Un patient s'apprête à un passer un examen médical.
Un patient s'apprête à un passer un examen médical.
©STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

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La France et le Royaume-Uni ont des taux de mortalité liés au cancer plus élevés que les autres pays de l’OCDE.

Nathaniel  Scher

Nathaniel Scher

Nathaniel Scher est médecin spécialiste en oncologie, radiothérapie et en santé intégrative. Membre du centre de radiothérapie HORG (Hartmann Oncology Radiotherapy Group). Il exerce à l'Institut de radiothérapie Hartmann et à l'Institut Rafael, à Levallois Perret (92).

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Atlantico : Les dernières données de l’OCDE concernant les décès liés aux cancers posent un triste constat : en France, on meurt globalement plus du cancer que cela ne peut-être le cas dans le reste de l’Europe, sinon de l’Occident. Quelle est exactement l’ampleur du problème, au juste ?

Nathaniel Scher : Les sources de l’OCDE, il faut le dire, entrent en contradiction (légère, mais à noter) avec celles qu’avait pu communiquer l’OMS par le passé. Bien entendu, les éléments de l’OCDE sont plus récents et sont intéressants en cela qu’ils permettent de tirer des leçons importantes, mais il faut tout de même les considérer avec ces quelques pincettes. Il nous manque encore des éléments, tels que les chiffres de mortalité à échelle nationale en France ou les données que chacune des institutions de santé des gouvernements des divers pays de l’OCDE pourraient publier. Les données dont nous bénéficions actuellement manquent un peu de maturité. Ce qui n’empêche pas, cela va de soi, de dégager un certain nombre de constats.

Ainsi, on observe que c’est (à échelle de l’OCDE) au Japon que l’on meurt le moins du cancer (un peu plus de 170 morts pour 100 000 habitants en 2020, en moyenne). Singapour, qui n’appartient pas à l’OCDE, est encore plus performant que le Japon, précisons-le. Ensuite de cela, ce sont les Etats-Unis qui se défendent le mieux, avec un peu plus de 180 morts pour 100 000 habitants en 2020, en moyenne. En revanche, ce sont le Royaume-Unis et la France qui affichent les plus mauvais résultats : le nombre de morts du cancer y oscille entre 220 et 210 morts du cancer pour 100 000 habitants, environ.

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Dans les faits, informe The Economist sur la base des données de l’OCDE, la France arrive à la deuxième place du podium après la Grande-Bretagne et avant l’Allemagne. Des nations comme les Etats-Unis, le Canada ou le Japon apparaissent considérablement moins touchés. Faut-il y lire un différentiel d’ordre “continental” ? Le vieux continent a-t-il plus de mal à lutter contre cette maladie ?

Cela fait un moment que nous savons, désormais, que la mortalité par cancer varie en fonction des pays et en fonction des continents. Les pays développés subissent une mortalité liée au cancer plus forte que dans les pays en voie de développement. Cela s’explique notamment par la prévalence des facteurs de risque liés à nos modes de vie tels que le tabagisme, la consommation d’alcool ou certains régimes alimentaires. Ceci étant dit, il faut aussi rappeler que dans les pays développés, l’accès à un programme de dépistage plus avancé permet aussi de détecter les cancers de façon plus précoce, ce qui assure un taux de survie plus élevé, une fois confronté à la maladie. De même, les pays développés permettent l’accès à des traitements de manière, là encore, plus précoce… quand ces traitements existent dans des pays en voie de développement.

L’Asie du Sud-Est, qui compte notamment Singapour ainsi que la Corée du Sud, et le Japon affichent des taux de mortalité liés au cancer assez bas. Cela s’explique là encore avec plusieurs facteurs, qui relèvent une fois de plus du comportement environnemental : le tabagisme y est moins élevé, le régime alimentaire y est généralement plus sain. A cela s'ajoutent des systèmes de soin (et d’accès aux soins) optimaux. De quoi diminuer considérablement la mortalité par cancer.

L’Amérique du Nord, qui est également concernée par l’enquête de l'OCDE, affiche des statistiques susceptibles de surprendre les européens. Le taux de mortalité y est moins élevé qu’en France alors même que l’accès au soin, aux Etats-Unis, est réputé moins efficace qu’en Hexagone. Ces pays (le Canada étant dans une situation similaire) souffrent également d’un taux d’obésité plus fort que celui observé dans la plupart des nations d’Europe. Cela illustre donc la qualité de leurs systèmes de prévention et de soin, puisqu’ils peuvent contrebalancer les facteurs environnementaux précédemment évoqués. Rappelons toutefois que l’obésité tend à baisser en Amérique du Nord, et que le tabagisme y est plus faible que chez nous.

Je ne crois pas que l’on puisse dire, pour autant, que l’Europe peine davantage à lutter contre le cancer à échelle continentale. Certains des pays européens, comme la Suède, se défendent mieux que les autres. C’est un pays où le taux de mortalité est très faible, en raison d’un système de santé avancé et d’un programme de dépistage performant. Nous savons aussi que la Hongrie comme la Moldavie comptent parmi les pays où le cancer y est le plus meurtrier, en Europe comme dans le monde. L’Europe abrite donc des disparités en la matière, qui rendent toute comparaison de continent à continent très difficile.

L’Angleterre, semble-t-il, peine particulièrement à diagnostiquer les cas de cancer. Ce problème est-il aussi apparent en France, ou la forte propension à mourir de cette pathologie s’explique-t-elle autrement ? 

La France peine beaucoup moins que la Grande-Bretagne à ce niveau. Notre territoire est beaucoup mieux quadrillé, ce qui permet de mieux identifier - et donc mieux diagnostiquer - les cas de cancer. La politique française de dépistage, quoiqu’elle puisse être améliorée, est assez efficace et n’a eu de cesse de se perfectionner ces 20 dernières années. Finalement, on fait de la prévention (même si nous pourrions en faire davantage). C’est l’enjeu de l’avenir, puisque c’est à travers la prévention que l’on réduira les facteurs environnementaux.

Ce sont, encore, les facteurs de risques environnementaux qui expliquent pourquoi la situation est ce qu’elle est en France. La combinaison tabac-alcool, assez marquée dans la culture française, fait de nous d’assez mauvais élèves en matière d’hygiène de vie. Notre alimentation n’est pas non plus assez saine et la pratique d’une activité physique demeure trop rare. Bien sûr, il faut aussi mentionner les différences en matière de système de santé : le Japon, pour ne citer que lui, dispose de plus de soignants, de personnel médical et paramédical. Il peut aussi s’appuyer sur un meilleur équipement sanitaire et un budget plus fort en matière de santé.

Que pourrait-on faire différemment pour améliorer la situation, en France spécifiquement ?

Il faudra commencer par diminuer les facteurs de risque environnementaux, qui concernent avant tout l’alcool, le tabac et l’alimentation en France. Il faut aussi renforcer le dépistage de certaines formes de cancer, comme celui du poumon, ainsi que toute la politique de prévention. 

Naturellement, il faudra aussi améliorer l’accès au soin en développant certaines structures de cancérologie, axées sur la prévention et le dépistage, qui doivent être réparties équitablement sur le territoire.

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