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Macron face à Bourdin et Plenel : un président plus "puncher"... mais a-t-il vraiment convaincu les Français sur les sujets qui comptent ?
©FRANCOIS GUILLOT / AFP / POOL

Dans l'arène

Dimanche soir, le chef de l'Etat s'est livré à un exercice plus pugnace que d'habitude. Mais certaines de ses réponses pourraient avoir déçu de nombreux téléspectateurs.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Atlantico : Alors que l’intervention d’Emmanuel Macron, le 12 avril dernier au JT de 13h, n’avait pas permis de provoquer un mouvement dans l’opinion, comme le révélait un sondage Odoxa publié le 13 avril, comment analyser le résultat de la seconde étape de son périple médiatique de la semaine, ce dimanche 15 avril sur BFMtv, RMC et Mediapart? L’objectif de conviction a-t-il été atteint? 

Éric Verhaeghe : Il me semble qu'il est encore un peu tôt pour le dire. Il faudra voir les réactions de l'opinion dans les prochains jours. Mais on peut d'ores et déjà affirmer que le Président s'est livré à un exercice moins complaisant et plus pugnace que d'habitude. Les questions étaient directes, posées sans fard et avec une volonté nette de passer outre la courtisanerie habituelle pour établir une certaine forme de vérité. Elles ont permis au Président de la République de montrer son implication dans les dossiers. Faut-il aller jusqu'à penser qu'il a été persuasif? A ce stade, je serais plus réservé sur cette idée car certaines de ses réponses sont à la fois compliquées et déceptives. Le long passage sur la fraude fiscale a probablement manqué d'un certain nombre de mots-clés. Le Président a en effet semblé justifier les fraudes, ou les nier, en ramenant l'essentiel à l'optimisation fiscale. Sa position sur ce sujet très sensible était fortement défensive. On aurait pu attendre un engagement plus marqué, plus binaire contre les fraudeurs, et moins technique, plus global sur la question de la fiscalité sur le capital. Bref, la séquence n'était probablement pas très bonne pour un Président qui est taxé d'être le Président des riches. Il ne s'est pas départi hier soir de cette image et beaucoup de ceux qui l'ont regardé auront sans doute trouvé qu'il manquait de compassion pour les "petites gens".

C'est probablement sur ce point qu'il faut insister. Emmanuel Macron s'adresse à l'intelligence de ses interlocuteurs, et à celle des téléspectateurs. Il n'est pas sûr qu'il sache trouver les mots pour toucher leur cœur. Et cela demeure un point de faiblesse dans sa communication. 

Quelles ont été les différences d’approche du Président? A-t-il adapté son discours en fonction des catégories de public? A-t-il « enrichi » son discours entre les 2 étapes?

Éric Verhaeghe : Emmanuel Macron a d'abord adapté son discours en fonction de ses interlocuteurs directs, de ses interviewers. Il ne s'est pas adressé à Jean-Pierre Pernot comme à Jean-Jacques Bourdin, et il n'a pas traité Jean-Jacques Bourdin comme Edwy Plenel. De ce point de vue, la relation entre l'interviewé et l'interviewer est une opération difficile à négocier. L'objectif de l'interview est en effet d'expliquer sa politique aux Français, et surtout de les convaincre qu'on fait les bons choix. L'enjeu est de les convaincre eux, pas les intervieweurs. Le jeu de l'interview peut prêter à confusion sur ces points. L'interviewé peut se focaliser (comme Macron l'a fait avec Plenel en partie) sur sa relation avec le journaliste et ainsi polluer négativement son discours. Il n'est pas exclu que les remarques acides de Macron à Plenel l'aient d'ailleurs desservi à plusieurs reprises en donnant le sentiment d'un Président agressif ou désagréable.

Sur le fond, l'interview de dimanche était en effet plus politique, plus argumentée et plus serrée que celle de jeudi. Elle a aussi porté sur des sujets différents, plus fouillés, comme l'évasion fiscale. Elle était plus longue. Elle a permis de camper le Président en chef de guerre, ce qui plaît toujours et donne l'occasion d'une déclinaison classique et vertueuse sur la silhouette martiale de l'homme qui unit la nation derrière un drapeau. En revanche, elle a mieux dévoilé des côtés auxquels les Français sont rétifs, notamment sur la question du Président des riches.

Près d’une année après son élection, quels sont les traits marquants de ces interventions? Quels sont les décalages les plus notables en comparaison du candidat Macron à l’élection présidentielle?

Éric Verhaeghe : Deux traits me paraissent devoir être soulignés ici.

Le premier tient à la personnalité et à l'art de gouverner propre à Emmanuel Macron. Le personnage est beaucoup plus autoritaire, beaucoup plus solitaire et beaucoup moins bienveillant que l'image fabriquée de toute pièce durant la campagne électorale. Souvenez-vous du modèle quasi-collaboratif dont En Marche prétendait s'inspirer, du côté débat permanent que le Président prétendait porter. On est désormais loin de tout ça. L'exercice du pouvoir par Emmanuel Macron est beaucoup plus solitaire et vertical qu'il ne l'avait prétendu. On voit désormais un Président qui décide, qui tranche, et qui n'hésite pas à tacler les journalistes lorsqu'ils posent des questions qui lui déplaisent. On a ici en tête les remarques très directes contre Plenel, qui n'ont pas toutes été bienveillantes. Le changement est très marqué entre les deux visages présidentiels.

Le second tient à la capacité à moderniser le pays et à l'ampleur des réformes. Dans la pratique, Emmanuel Macron a perdu de son enthousiasme, de son envie de faire, et se recentre insensiblement mais sûrement, sur une espèce d'entre-deux un peu pâteux. Prenez la dépense publique. Macron n'a repris aucune promesse de modernisation de l'Etat ni de diminution de la dépense. On est déjà dans un discours de la prudence, alors que les dépenses publiques continuent à augmenter. On dira la même chose des banlieues, qui n'ont pas été évoquées hier. Macron semble en retrait sur ces sujets, de même que sur l'Europe où les grands projets du début de quinquennat semblent oubliés.

De ce point de vue, la contestation à laquelle le gouvernement se heurte fait déjà son œuvre. Elle assèche l'envie d'agir !

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