Nécessité fait loi
Lourde charge pour des vieux jours : forte hausse du nombre de personnes âgées confrontées au défi des soins à apporter à leur conjoint diminué
Notre société commence à se rendre compte des enjeux posés par le vieillissement de la population. Parce qu'ils se sont unis pour le meilleur et pour le pire, ou parce qu'ils n'ont pas connaissance des aides dont ils pourraient bénéficier, de nombreux couples "soignant-malade" apparaissent.
Christophe de Jaeger
Le docteur Christophe de Jaeger est chargé d’enseignement à la faculté de médecine de Paris, directeur de l’Institut de médecine et physiologie de la longévité (Paris), directeur de la Chaire de la longévité (John Naisbitt University – Belgrade), et président de la Société Française de Médecine et Physiologie de la Longévité.
Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, notamment de "Bien vieillir sans médicaments" aux éditions du Cherche Midi, "Nous ne sommes plus faits pour vieillir" chez Grasset, et "Longue vie", aux éditions Telemaque
Atlantico : Il semblerait que de plus en plus de conjoints de personnes âgées malades se retrouvent seuls à gérer la situation. Constatez-vous ce phénomène ? Quelle en est l'ampleur ?
Christophe de Jaeger : C’est un constat quasi quotidien. De nombreuses personnes âgées souffrant de troubles cognitifs (troubles de la mémoire) ne peuvent rester à domicile que parce qu’elles bénéficient de l’aide quotidienne de leur conjoint. Cette aide consiste à gérer le quotidien (faire les courses, payer les factures….), mais également rester en permanence ou quasiment en permanence avec la personne souffrant du handicap. Ces couples ne font appel aux systèmes de maintien à domicile (aide-ménagère, auxiliaire de vie…) que relativement tardivement, se mettant ainsi en danger de rupture.
Qu'est-ce qui pousse le conjoint valide à endosser une multitude de rôles ?
Le conjoint peut avoir de multiples raisons de continuer à aider la personne malade. Un authentique attachement à la personne malade et un sentiment de responsabilité vis-à-vis d’elle (ils sont mariés pour le meilleur et pour le pire) et ils ne cherchent pas à éluder leur responsabilité de vie. Parfois, c’est l’ignorance de l’existence des systèmes d’aides qui existent surtout dans les grandes agglomérations. Parfois encore, ce sont des problèmes financiers qui poussent les conjoints à assurer seuls leurs malades. Parfois, encore il peut y avoir un refus du patient ou de son entourage de voir de tierce personne entrer dans leur intimité. Parfois, encore, ils ne veulent pas « gêner » et décident de se débrouiller tout seuls.
L'entourage proche se rend-il généralement compte de la situation ?
L’entourage du couple est parfois totalement ignorant de la situation. Cela est particulièrement vrai dans les cas où il s’agit de troubles de mémoire, qui peuvent longtemps rester cachés, si le conjoint non malade assure tout et protège « son conjoint, son malade ». Enfin, il est vrai également que l’entourage n’a pas souvent envie de voir la réalité. Il préfère rester sur de fausses idées « tu as vu comme Pépé se souvient bien de la dernière guerre. Quelle mémoire tout de même », alors qu’il est incapable de se souvenir d’autre chose que « sa guerre », comme par exemple, ce qu’il a mangé au précédent repas, ou le nombre de ses petits enfants.
Le conjoint valide ne risque-t-il pas ainsi de mettre sa propre santé en danger ?
C’est le vrai problème. Certains conjoints vont vouloir à tout prix, et parfois au détriment de leur propre santé, gérer seul « leur malade ». C’est une situation dangereuse, car à vouloir trop en faire, à vouloir toujours être l’interlocuteur, 24h/24, 7 jours sur 7, il arrive que la personne tombe elle-même malade et ne peux plus, brutalement, gérer le patient, imposant alors en urgence une hospitalisation, voire une institutionnalisation… ce qui est toujours une mauvaise solution. A vouloir tout gérer, on aboutit à des catastrophes humaines.
Ces couples demandent-ils facilement de l'aide ? Comment serait-il possible de mieux les accompagner ?
Au début, ils ont énormément de mal à faire les démarches. Ils pensent toujours qu’ils vont pouvoir gérer à terme, sans se rendre compte que la maladie du patient va évoluer, jamais comme on le veut, les laissant le moment venu, totalement dépourvus. Un des rôles du médecin gériatre est de les prévenir le plus tôt possible pour leur permettre de comprendre l’évolution attendue de la maladie et de mettre en place, progressivement, tranquillement, les mesures nécessaires pour assurer un maintien à domicile dans de bonnes conditions, sauvegardant au maximum la santé du couple.
En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.
Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !