Loi immigration : le Sénat trouve un compromis, mais les embûches demeurent pour le gouvernement<!-- --> | Atlantico.fr
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Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, s'exprime lors d'un débat sur le projet de loi sur l'immigration au Sénat, le 7 novembre 2023.
Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, s'exprime lors d'un débat sur le projet de loi sur l'immigration au Sénat, le 7 novembre 2023.
©Ludovic MARIN / AFP

Epineuse question

Le Sénat a notamment adopté, mardi 7 novembre, la suppression de l'aide médicale d'Etat (AME), réservée aux sans-papiers, transformée en "aide médicale d'urgence" à l'occasion de l'examen du projet de loi immigration.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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Les sénateurs UDI (centristes) et LR sont parvenus à un accord en coulisses sur l’épineuse question de la régularisation des travailleurs clandestins dans les métiers en tension, sur lesquels toute l’attention est focalisée à cause du refus des Républicains de voter pour les articles encadrant ces dispositions. Les articles 3 et 4 seront donc supprimés et de nouveaux amendements plus restrictifs seront ajoutés sous forme d’article additionnel, dans le texte, permettant, sauf imprévu de dernière minute, l’adoption de la loi pour « contrôler l'immigration et améliorer l'intégration »,  par la chambre haute la semaine prochaine. Cette loi avait été adopté en commission au mois de mars dernier, mais depuis le climat politique autour des questions d’immigration a beaucoup changé, notamment depuis l’assassinat du professeur Dominique Bernard à Arras et la publication des chiffres impressionnants de l’immigration en France. Cette loi, la trentième depuis les années 80 est censée la réduire à l’avenir… Son adoption constituerait une première victoire pour Gérald Darmanin avant le débat à l’Assemblée, où la partie est loin d’être gagnée pour le gouvernement…

Au Sénat, ce que veut la Commission des Lois, elle l’obtient. Aussi lorsque François Noel Buffet, le président de ladite commission a demandé en ouverture de séance, que l’examen des articles 3 et 4 du projet de loi pour « contrôler l'immigration et améliorer l'intégration », soit réservé, c’est-à-dire reporté de vingt-quatre ou quarante-huit heures le temps de trouver un arrangement, personne n’a trouvé à y redire. Les deux responsables de la majorité sénatoriale, le Républicain Bruno Retailleau et le centriste Hervé Marseille, pressés par le président du Sénat Gérard Larcher, se sont mis à la tâche pour trouver un compromis sur la question de la régularisation des clandestins sans papiers travaillant dans les métiers en tension. En fait de régularisation, il s’agissait de la délivrance d’un titre de séjour pour une durée d’un an pour les clandestins qui travailleraient depuis au moins huit mois . Mais pour les sénateurs LR, à l’unisson avec leur parti, l’obtention quasi automatique d’un titre de séjour pour les travailleurs sans papier créerait « un appel d’air » au regroupement familial. Les sénateurs LR et Centristes ont fini par se mettre d’accord pour voter la suppression des articles 3 et 4 du projet . Les futures dispositions seront plus restrictives pour les personnes concernées, et il appartiendra aux préfets de vérifier leur « degré d’insertion sociale et familiale, ainsi que leur « respect de l’ordre public et des principes de la République ainsi que l’absence de condamnation pénale ». Si l’attention s’était focalisée sur la question de la régularisation des travailleurs clandestins,  le texte prévoit toute une série de dispositions, notamment la diminution des délais pour l’obtention du droit d’asile (permettant  le renvoi plus facile des personnes non agréées), une meilleure application des OQTF (obligation de quitter le territoire). Mardi, les sénateurs ont par ailleurs voté la suppression de l’AME (aide médicale d’Etat qui coûte 1,14 milliard d’euros par an), et qui sera remplacée par l’AMU (Aide médicale d’urgence, sous les vives protestations de la gauche…

La loi pour « contrôler l'immigration et améliorer l'intégration » sera débattue à l’Assemblée au mois de décembre, et le débat s’annonce des plus rudes et piégeux, car la majorité n’a pas la majorité. Derrière ce débat se profile un autre enjeu pour Gérald Darmanin qui rêve de voir ce texte adopté sans le recours à l’article 49.3 qu’Elisabeth Borne serait prête à actionner. Dans l’état actuel des choses, l’aile gauche de la macronie composée d’une cinquantaine de députés menace de ne pas voter pour le texte s’il comporte des dispositions trop restrictives. A l’opposé, les Républicains sont également focalisés sur la suppression des articles 3 et 4 et ne semblent guère enclins à prêter main forte au gouvernement pour voter en faveur du texte. Olivier Marleix, le patron des députés LR se veut inflexible et menace même de déposer une motion de censure, ce qui constituerait une première pour son groupe. Mais elle n’aurait aucune chance d’être adoptée …Alors, à quoi bon ? Reste le Rassemblement National. Marine Le Pen a déclaré récemment qu’elle préfère « une petite loi à pas de loi du tout ». Interrogée sur RTL ce mercredi matin, elle s’est montrée plus évasive, déclarant qu’on « bidouille une petite loi »… Pour l’heure, le Ministre de l’Intérieur est à la recherche des soutiens pour constituer une majorité. Mais échaudés par le débat sur les retraites, Elizabeth Borne et Emmanuel Macron seraient-ils prêts à prendre le risque politique de voir une « grande loi » votée grâce à l’appoint des voix du RN ? C’est le débat derrière le débat…

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