Les thérapies géniques sont une arme formidable pour lutter contre certaines maladies. Problème : en avons-nous les moyens ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Une personne travaille dans un laboratoire, dans le cadre de recherches en thérapie génique, à Evry le 10 mai 2022.
Une personne travaille dans un laboratoire, dans le cadre de recherches en thérapie génique, à Evry le 10 mai 2022.
©Éric PIERMONT / AFP

Espoir pour les malades

Grâce aux progrès réalisés par la recherche, des dizaines de maladies rares pourraient bientôt être traitées. Mais avec un coût qui peut atteindre plusieurs millions d’euros…

Anne Galy

Anne Galy

Le Dr Anne Galy est directrice de recherche du laboratoire INSERM « Approches génétiques intégrées et nouvelles thérapies pour les maladies rares » au sein du GENETHON à l’Université d’Evry et directrice de l'accélérateur de recherche en thérapie génomique de l'INSERM. Elle est experte en immunologie et en thérapie génique, a publié de nombreux articles sur le sujet et travaille sur plusieurs essais cliniques internationaux en thérapie génique.

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Atlantico : En matière de thérapie génique, de nombreux traitements actuellement sur le marché ont le potentiel de sauver des vies et de soulager beaucoup de souffrances. Pourtant, ces traitements ont un prix parfois exorbitant, notamment aux États-Unis. Qu'en est-il en France ? Comment expliquer de tels prix ?

Anne Galy : L’aboutissement de plusieurs décennies de recherche et développement a fait émerger les médicaments de thérapie génique dont un nombre croissant arrive maintenant sur le marché. Ces médicaments permettent de traiter des maladies sévères et incurables telles que certaines maladies génétiques rares ou des cancers avancés. La particularité de ces médicaments tient non seulement à leur mode d’action au plan génétique mais aussi parce que la plupart d’entre eux fonctionnent en une seule administration, produisant des améliorations parfois spectaculaires. Les médicaments de thérapie génique se distinguent également par le prix élevé auquel ils sont proposés. Or si les premiers médicaments concernent un nombre restreint de patients, on voit arriver des indications plus fréquentes donc les aspects du prix de ces médicaments sont à prendre en considération.  

En France, c’est la Haute Autorité de Santé (HAS) qui évalue les médicaments dès qu’ils reçoivent une autorisation de mise sur le marché afin d’établir le service médical rendu, et d’analyser les aspects économiques pour qu’un prix puisse être négocié et pour définir le remboursement par l'assurance maladie. Citons quelques exemples de médicaments de thérapie génique. Le Luxturna (voretigene neparvovec-rzyl) qui a été autorisé sur le marché américain fin 2017 et en Europe plus récemment, est utilisé pour traiter une forme de cécité d’origine génétique touchant quelques centaines de personnes en France. Il est administré à l’hôpital dans ces centres spécialisés par injection directe dans l’œil. Le traitement annoncé initialement aux états unis à 425 000 dollars par œil est proposé en France au prix de 290 000 euros. Le médicament est pris en charge par l'assurance maladie dans le cadre d’un dispositif « en sus » c’est-à-dire en supplément des tarifs "standards" d'hospitalisation pour certaines indications thérapeutiques au caractère innovant. Un autre exemple est le Zolgensma (onasemnogene abeparvovec), un médicament de thérapie génique autorisé en 2020 et utilisé pour traiter les formes infantiles et sévères d’amyotrophie spinale qui concernent moins d’une centaine de patients en France. Ce médicament s’administre à l’hôpital par infusion intraveineuse. Son prix de 1 995 000 euros l'injection lui a valu l’appellation du médicament le plus cher au monde. Au vu service médical rendu important, son remboursement a été recommandé par la HAS. Le Zolgensma n’est plus le médicament le plus cher. Les premiers médicaments de thérapie génique autorisés pour le traitement de l’hémophilie viennent d’arriver avec des prix encore plus élevés. La mise sur le marché d’un traitement de thérapie génique de l’hémophilie B Hemgenix (etranacogene dezaparvovec-drlb) vient d’être autorisée aux états unis avec un prix annoncé de 3,5 millions de dollars. Il s’agit d’une seule infusion intraveineuse à l’hôpital qui permettrait de remplacer les traitements prophylactiques actuels très couteux de cette maladie. On estime qu’il y a plus de 1000 patients porteurs de l’hémophilie B en France. Il y a donc un véritable enjeu à bien définir le prix des thérapies géniques de l’hémophilie lorsqu’on remplace des traitements chers et chroniques à vie par un traitement à visée curative administré en une seule fois. Il est donc important de bien relativiser la question du prix au regard du service médical rendu et du nombre de patients concernés.

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Les prix élevés de ces thérapies géniques s’expliquent d’abord par leur aspect innovant. Ce sont quelque part des prototypes, un peu comme des Formule 1 ou des robes de haute couture. Ils sont le résultat de longues années de recherche et d’investissements. Leur fabrication reste complexe et ultra-spécialisée avec des filières de production ou de distribution qui ne sont pas encore totalement rodées. Ces médicaments concernent encore un marché très petit allant de quelques dizaines à quelques milliers de personnes par indication, ce qui minimise le retour sur investissement. Enfin, il reste un certain niveau d’incertitude autour de ces médicaments pour ce qui concerne leur durée d’efficacité et leur toxicité. Ceci ne facilite pas les projections économiques qui permettent de calculer les prix et les remboursements. Les prix doivent se comparer au cout de la prise en charge d’un patient non traité. Pour certains patients lourdement handicapés, le prix des thérapies géniques même s’il parait très élevé pourrait s’avérer être bien inférieur au cout de la prise en charge globale de ce patient.

Au vu du prix de ces thérapies, quels sont les éléments à prendre en compte avant d’envisager un traitement ?

Les prix ne devraient pas être un déterminant dans notre système de santé et les éléments à prendre en compte sont d’abord d’ordre médical. Il faut d’abord confirmer la bonne indication médicale des médicaments de thérapie génique qui s’adressent à des pathologies très spécifiques. Ensuite, ces traitements comportent un certain niveau de risque dont il faut informer le patient ou ses parents afin qu’ils puissent faire un choix éclairé. Les patients doivent également se préparer à être suivis de nombreuses années après le traitement.

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Peut-on espérer une baisse des prix dans les années à venir, afin de garantir à tous un accès égal à ces traitements ? Est-il possible de mettre en place des mécanismes afin de faire chuter les prix ?

Le débat doit être élargi à la question de l’accès de l’ensemble des patients aux médicaments de thérapie génique dont ils pourraient bénéficier. Les industriels, les autorités et les économistes réfléchissent actuellement aux différentes modalités de paiement et de remboursement des médicaments autorisés aux Etats-Unis et en Europe. Etant donné les prix en question il se pose bien évidemment la question de savoir comment donner l’accès aux populations des pays en voie de développement. Le modèle actuel n’est pas un modèle de santé publique et il est presque entièrement tourné vers des investissements financiers privés. Donc, faut-il revoir ce modèle en partie ? Par exemple la mise à disposition de médicaments pour des maladies ultra-rares sans perspective de marché commercial révèle un vrai problème car sans débouché, les produits même prometteurs, ne vont pas jusqu’au stade de la demande de mise sur le marché. Pour ces maladies-là, seules des dizaines voire moins, de personnes sont concernées, donc le défi économique pour un investisseur classique est évident. Ces débats intéressent de plus en plus les scientifiques, chercheurs et cliniciens qui se préoccupent des débouchés de leurs travaux et de la santé de leurs patients.

Selon vous, est-il nécessaire à terme d’envisager une refonte de notre système de santé pour absorber le coût de ces traitements ?

Nous sommes dans une période très excitante d’innovation thérapeutique avec l’émergence des premiers médicaments de thérapie génique donc si la R&D continue il est probable que cette phase d’ébullition se stabilise au cours du temps pour tendre vers une réduction des coûts une augmentation des propositions, et donc naturellement une réduction des prix. Dans son plan de relance France 2030, le gouvernement français finance activement la R&D qui permettra de réduire les coûts de production des biothérapies et aussi de faire des innovations de rupture dans ce domaine. En France et en Europe nous bénéficions d’un cadre d’évaluation scientifique, médicale et économique solide. Nous avons également des associations de patients très motivées et informées sur le sujet. Même si le chemin n’est pas encore clair, nul doute qu’il sera possible de trouver les mécanismes adaptés à la prise en charge des traitements de thérapies géniques pour tous les malades concernés.

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