Les sortilèges du cerveau : le traitement de l'hystérie au XIXe siècle<!-- --> | Atlantico.fr
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l'hystérie est-elle une pathologie mentale ?
l'hystérie est-elle une pathologie mentale ?
©http://www.pexels.com

Bonnes feuilles

Une histoire des recherches scientifiques sur le cerveau, son anatomie, son fonctionnement, ses pathologies... Extrait de "Les sortilèges du cerveau", de Patrick Berche, publié aux éditions Flammarion (1/2).

Patrick Berche

Patrick Berche

Patrick Berche est médecin bactériologiste et doyen de la faculté de médecine Paris Descartes.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont Une histoire des microbes (John Libbey Eurotext, 2007) ou Gloires et impostures de la médecine (Perrin, 2011). Et plus récemment Le Savoir vagabond (Docis, 2013).

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Dans l’Europe puritaine du XIXe siècle, l’hystérie est affaire de passion. On la considère comme un fléau social dont on cherche l’origine dans les moeurs plus que dans la médecine. Au décours de la Révolution française, on voit naître l’aliénisme à Paris avec Pinel et Esquirol. Au cours de l’effort de classification des maladies qui caractérisent cette période, on cherche la place de l’hystérie dans l’ensemble des maladies mentales et en particulier en regard de l’épilepsie et de l’hypocondrie. Pinel les sépare19, plaçant l’hypocondrie dans les vésanies, et l’hystérie dans celui des « spasmes ». Elles font toutes deux partie des « névroses » (« maladie des nerfs »), un mot inventé par l’Anglais William Cullen.

Le siège de l’hystérie va rester une question débattue tout au long du siècle. Le Breton Jean-Baptiste Louyer-Villermay, chirurgien à l’hôpital de Rennes, défend son siège dans l’utérus, les troubles fonctionnels étant liés à l’innervation de cet organe20. Son origine est à chercher dans la continence volontaire ou forcée. Pour d’autres, comme Jean-Louis Brachet, médecin de l’Hôtel-Dieu de Lyon, il s’agit d’une infection spasmodique du cerveau21, tout comme pour un élève d’Esquirol, Étienne Georget. La théorie utérine est également rejetée par Paul Briquet qui positionne l’hystérie en névrose de l’encéphale. Travaillant à l’hôpital de la Charité, il collige 430 observations d’hystériques en dix ans, dont 7 cas d’hystérie masculine. Pour lui cette maladie permet une transition entre le normal et le pathologique par le canal des « passions » :.

« Tout phénomène hystérique a son type propre dans les diverses actions vitales par lesquelles les sensations affectives et les passions se manifestent à l’extérieur… Les troubles hystériques ne sont que la répétition pure et simple de ces actes, augmentés, affaiblis ou pervertis. »

En plus de la conséquence des passions, la crise hystérique en est aussi la reproduction, le « mémorial », la réplique d’un événement inaugural. Briquet attribuait un sens à cette crise, percevant l’importance de l’imitation dans la contagion du phénomène/p>

« S’il se trouvait dans la salle un certain nombre d’hystériques ayant des attaques plus graves que de coutume, elles s’influençaient l’une l’autre de la manière la plus évidente ; quand l’une avait une attaque, toutes les autres avaient successivement la leur ; comme l’une d’elles avait des attaques bruyantes, toutes les autres faisaient de même. »

Ainsi en est-il des épidémies d’hystérie collective. Dans la continuité des émules de Mesmer et de l’abbé Faria, un certain Lafontaine, qui fait de ville en ville des démonstrations de sommeil magnétique, rencontre à Manchester James Braid, spectateur de l’une de ces démonstrations. Cet obscur chirurgien acquiert la conviction que le magnétisme n’a aucun rôle dans le sommeil provoqué. C’est la fixation par le regard d’un objet brillant qui induit le sommeil. Deux ans plus tard, il publie un ouvrage sur « l’hypnose », un mot qu’il crée, où il rapporte ses expériences thérapeutiques. Grâce à l’hypnose qui remplacera désormais le « magnétisme animal », on peut reproduire les symptômes propres de l’hystérie (anesthésie, hyperesthésie, y compris la catalepsie par suggestion…).

Le célèbre chirurgien Paul Broca va lui aussi s’intéresser à l’hypnose, pour éventuellement remplacer le chloroforme. Il réussit à drainer un abcès très douloureux de la marge de l’anus chez une jeune femme sous hypnose à l’hôpital Necker. Il en fait la communication à l’Académie des sciences, le 7 décembre 1859. Pour le psychiatre français Charles Lasègue travaillant dans divers hôpitaux parisiens, l’hystérie se distingue des autres maladies en cela qu’elle est impossible à définir du fait de l’inconstance et de la variabilité des symptômes26. Il faut étudier chaque symptôme : toux, anorexie, anesthésie, ataxie, catalepsie… Il considère que l’hystérie fait partie de la pathologie mentale et qu’elle doit être laissée aux neurologues.

Extrait de "Les sortilèges du cerveau", de Patrick Berche, publié aux éditions Flammarion, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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