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Les secrets de la stratégie d’Amazon pour devenir le Google de la consommation
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Incontournable

Les députés ont adopté à l'unanimité une proposition de loi interdisant aux opérateurs en ligne de cumuler la gratuité des frais de port du livre avec la remise autorisée de 5%.

Frédéric Fréry

Frédéric Fréry

Frédéric Fréry est professeur à ESCP Europe où il dirige le European Executive MBA.

Il est membre de l'équipe académique de l'Institut pour l'innovation et la compétitivité I7.

Il est l'auteur de nombreux ouvrages et articles, dont Stratégique, le manuel de stratégie le plus utilisé dans le monde francophone

Site internet : frery.com

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Avez-vous remarqué la flèche sous le logo d’Amazon ? Elle affiche clairement l’ambition du groupe : être un distributeur universel où l’on trouve de tout, de « A » jusqu’à « Z ».

La croissance d’Amazon est tout simplement stupéfiante. Créée en 1995, l’entreprise réalise vingt ans plus tard un chiffre d’affaires de 10 000 dollars par seconde auprès de 150 millions de clients avec près de 200 millions de références, soit des ventes annuelles supérieures à 60 milliards de dollars (Auchan, fondé en 1961, est à 60 milliards d’euros). Elle compte près de 100 000 salariés, dont la moitié ont été recrutés depuis 2011 (Renault, créé en 1899, en a 127 000). Elle est désormais l’enseigne de distribution préférée des consommateurs dans de nombreux pays, dont la France (où elle précède Picard et Yves Rocher). Le directeur général de Walmart, la plus grosse entreprise du monde (447 milliards de dollars de chiffre d’affaires, 2,2 millions de salariés) a déclaré qu’Amazon était devenu son principal concurrent.

Cette formidable croissance n’est pas sans rappeler celle de Google, qui vient de fêter ses 15 ans : lui aussi réalise 50 milliards de dollars de chiffre d’affaires, mais emploie seulement 45 000 personnes, soit moitié moins qu’Amazon. Chacun des deux groupes a construit un remarquable écosystème et leurs points d’affrontement se multiplient : après avoir lancé sa tablette Kindle, Amazon va très certainement proposer une console de jeux et un Kindle phone, qui viendra concurrencer les smartphones Nexus de Google. Réciproquement, Google, jusqu’ici cantonné aux offres Internet grand public (Gmail, Drive, etc.) a récemment décidé de riposter à Amazon Web Services, la plateforme de services en ligne qu’Amazon propose avec succès aux entreprises (machines virtuelles, stockage, hébergement, etc.).

Il existe cependant une différence majeure entre les deux groupes. Google est une entreprise extrêmement rentable : en 2012, le groupe a dégagé un bénéfice net de 10,7 milliards de dollars et il dispose d’une trésorerie de plus de 54 milliards. À l’inverse, Amazon a perdu 39 millions de dollars en 2012. Depuis près de 15 ans, son résultat est quasiment à l’équilibre, parfois légèrement négatif, parfois légèrement positif, mais toujours proche de zéro. En fait, là où Google s’interroge sur la meilleure manière d’utiliser sa fortune (qui lui a permis par exemple de racheter la division téléphones de Motorola en 2012), Amazon n’a aucune hésitation : chaque dollar engrangé est systématiquement réinvesti dans la croissance. Au cours des dernières années, les ventes d’Amazon ont ainsi crû au rythme – stupéfiant pour une entreprise de cette taille – de 35% par an.

Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon, a réussi un tour de force qui constitue maintenant son principal avantage concurrentiel : il a fait accepter à ses actionnaires que l’entreprise ne réaliserait aucun bénéfice, et que par conséquent ils ne recevraient aucun dividende. Les investisseurs sont supposés se rattraper sur la revente de leurs actions, une fois que le groupe sera devenu leader mondial. De fait, Amazon est un concurrent atypique, parfois présenté comme déloyal : comment voulez-vous lutter contre une entreprise qui ne cherche pas à faire de profits, lorsque vos propres actionnaires exigent que vous en fassiez ? Les Virgin Megastores n’ont pas trouvé la parade et la Fnac est bien à la peine pour relever le défi. Nos libraires, que la loi Lang ne protège plus suffisamment, ont obtenu le vote d’une nouvelle loi pour interdire ce qu’ils considèrent comme une distorsion de concurrence, la gratuité des frais de livraison. Cette loi a été votée à l’unanimité par nos députés, de droite comme de gauche.

Jusqu’où ira cette croissance effrénée ? Amazon vend déjà des bijoux, de l’électroménager, des jouets, des vêtements ou encore des pièces détachées pour automobiles. C’est la première librairie au monde, à la fois pour les livres papier et pour les livres électroniques, mais aussi le troisième client mondial de Bosch pour les outils. Aux États-Unis, l’entreprise a débuté la livraison de produits frais sous la marque Amazon Fresh (fruits et légumes), ce qui complète ses offres de fleurs, de vin ou encore de médicaments. Elle teste l’implantation de casiers dans les centres commerciaux, qui permettront de livrer des produits encombrants lorsque vous n’êtes pas chez vous. Parallèlement, le groupe a ouvert 20 nouveaux entrepôts géants rien qu’en 2012 et en compte ainsi à présent une centaine. Encore plus étonnant, sous la marque Mechanical Turk, Amazon propose même de mettre à votre disposition de la main d’œuvre temporaire bon marché, capable de remplir à distance des tâches qu’un ordinateur peinerait à réaliser (transcription d’enregistrements audio, identification d’objets sur des photos, relecture de textes, etc.). Après être devenu un acteur majeur dans les produits, Amazon fait ainsi une incursion dans les services.

Reste qu’Amazon est encore à ce jour 7 fois plus petit que Walmart (et moitié plus petit que Carrefour). Il lui reste donc encore du chemin à parcourir avant de devenir le premier distributeur mondial, mais il ne fait aucun doute que c’est son objectif. Les commerces physiques, fussent-ils protégés par le législateur, auront bien du mal à y résister.

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