Les scientifiques ont cessé de croire que la pornographie pouvait générer des addictions. Mais ils ont découvert une autre cause aux usages excessifs <!-- --> | Atlantico.fr
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Dans une étude, des chercheurs ont analysé les données portant sur près de 7 000 participants différents. Les études ont été menées en personne et en ligne, aux États-Unis et en Europe.
Dans une étude, des chercheurs ont analysé les données portant sur près de 7 000 participants différents. Les études ont été menées en personne et en ligne, aux États-Unis et en Europe.
©Lionel BONAVENTURE / AFP

Conflit moral

Une étude a constaté que la religiosité était un facteur prédictif fort et clair de l'incongruité morale concernant la consommation de pornographie.

Pascal Neveu

Pascal Neveu

Pascal Neveu est directeur de l'Institut Français de la Psychanalyse Active (IFPA) et secrétaire général du Conseil Supérieur de la Psychanalyse Active (CSDPA). Il est responsable national de la cellule de soutien psychologique au sein de l’Œuvre des Pupilles Orphelins des Sapeurs-Pompiers de France (ODP).

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Atlantico : Dans une étude, des chercheurs ont analysé les données portant sur près de 7 000 participants différents. Les études ont été menées en personne et en ligne, aux États-Unis et en Europe. L'équipe a constaté que la religiosité était un facteur prédictif fort et clair de l'incongruité morale concernant la consommation de pornographie. À quel point la religiosité d'une personne est un facteur d'une importance capitale dans le diagnostic du trouble compulsif du comportement sexuel ?

 Pascal Neveu : Vous abordez 2 sujets essentiels : la sexualité versus la religion !

Je vais me faire des ennemis grâce à vous. J’ai vu tant de choses au Vatican !

Comment cette sexualité est-elle assouvie, acceptée, refoulée ? Bien avant les sites pornographiques il existait le minitel rose... Ulla et autres avec des affiches omniprésentes.

Il y a eu une sorte de démocratisation de la pornographie. L’étude qui a été menée est réellement anglo-saxonne. Alors qu’ils sont les plus gros producteurs au monde de films X, leaders en films hétéros (les Français étant juste derrière), mais leaders gays ! Mais la religion l’importe chez eux.

J’avais assisté il y a 20 ans à la soutenance de thèse d’un doctorant, qui nous avait fait rire, nous présentant toute la pornographie dans le monde… et justement les liens avec les religions et la façon dont on tournait les films et ce qui se passait, entre pratiques et les mots qui étaient livrés.

Depuis on a vu une évolution questionnante. En France, 2,3 millions d'enfants et d'adolescents ont consulté des sites pornographiques selon une étude de l'Arcom et de Médiamétrie. C'est une augmentation de 36 % en cinq ans. Ils passent en moyenne 50 minutes par mois sur ces sites.

On sait qu’un tiers de gamins de 13 ans ont dans leurs historiques 3 sites porno ! Il y a l’adulte et l’ado en proie à ses pulsions. Au risque de me valoir toutes les foudres… je préfère un môme et un adulte qui se masturbent sur un film plutôt que violer ou/et tuer une innocente ou un innocent qui n’ont rien demandé. Car il s’agit d’une question morale fondamentale. Le surmoi contre le çà… la loi morale contre la voie pulsionnelle. Et cette voie voire voix pulsionnelle peut être terrible menant aux plus abjectes cas criminels. Et les religions ne cessent d’être condamnées face à cette pédocriminalité que je combats.

Selon eux, croire que l'on est dépendant du porno et se dire que l'on est incapable de contrôler sa consommation de porno nuit au bien-être. Le conflit moral qui affecte l’individu est-il le problème principal et non pas le porno lui-même ?

On est sur des conduits synaptiques « bienfaisants » mais on est aussi sur du cognitif et comportemental. Grosso modo je regarde mon porno le matin et/ou le soir et je me masturbe dessus, car je suis seul et je vis une sexualité virtuelle… avec une variété de fantasmes.

La dépendance se crée par l’absence de rencontres. La pandémie a accentué ces pratiques, même s’il y a eu nombres d’autres pratiques de prostitution que les forces de l’ordre n’ont pas mesurées car la société était trop sous tension. La question essentielle est la dépendance au porno… alors que comme je l’écrivais le réel est l’humain.

Un de mes patients me disait hier que le porno ne l’intéressait pas… qu’il voulait du contact, du regard, du sourire… et faire l’amour, réel. Pour autant il existe différentes études, en lien avec la dépression, mais nous ne sommes pas encore capables de mesurer les chiffres.

Internet a-t-il contribué à exacerber ce sentiment de mal-être ?

C’est clairement selon moi un mal-être. Des « êtres » qui ne se parlent plus, qui ne se séduisent plus. Pourtant il n’est pas question de religiosité. Et combien on peut apprendre. On peut se découvrir partout… Dans le métro, chez Picard, dans la rue… Nous pouvons nous parler.

Internet n’est pas à mon avis un obstacle. Dès 1996 on travaillait ensemble sur internet mais on a maintenu des liens, et encore plus dès 98… Le problème reste sans doute les réseaux sociaux. En consultation je vois un mal-être complexe.

Certes les conséquences des réseaux… mais justement une non connexion avec les familles « désabusées » qui ont du mal à se connecter.

Comment est-il possible d’aider les gens en proie à ce conflit moral à mieux appréhender la sexualité sur internet ?

D’une part la sexualité se vit en couple. D’autre part, oui la pornographie existe en solitaire ou peut se vivre en couple.

Ensuite est-ce qu’avoir maté un film porno est de l’infidélité alors que j’ai pensé à quelqu’un d’autre lors d’un rapport. Mais il reste une question fondamentale ! Ma vie sexuelle est-elle uniquement virtuelle ? Je contre qui ? Je veux aimer à nouveau ? Quelles sont mes souffrances affectives ? Et si je tombe amoureux ? Quelle sera ma nouvelle vie ? La question repose sur la vie ! Les études ne mesurent rien. Le cœur oui !

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