Les risques de récession en Europe offrent des opportunités de redressements qu’on ne veut pas voir<!-- --> | Atlantico.fr
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Le risque de récession est bien réel.
Le risque de récession est bien réel.
©JOEL SAGET / AFP

Atlantico Business

Les risques de récession en Europe se précisent de plus en plus. Les gouvernements essaient de déployer des moyens pour en amortir les effets mais hésitent à saisir les opportunités d’armer durablement l’Union européenne contre le déclin.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La plupart des gouvernements européens ont pris conscience des risques d’une récession l’hiver prochain. Ils déploient tous des moyens de mettre à l’abri les populations les plus fragiles contre les effets de cette dépression, mais les mêmes gouvernements ont beaucoup de mal à mettre en place un plan de réformes pour armer durablement l'Union européenne contre ce type de dysfonctionnements. 

La situation économique qui se profile offre pourtant l’opportunité à l’Europe de renforcer sa cohésion. Face à l’agression russe en Ukraine, les pays européens ont plutôt renforcé leur cohésion politique. Poutine espérait l’inverse et avait parié sur une mésentente accrue des pays membres. De ce point de vue, Poutine a échoué. 

Reste à gérer maintenant les effets économiques à long terme. 

Les indicateurs de conjoncture de la zone euro nous annoncent un recul de PIB pour le troisième trimestre, les analystes sont assez pessimistes sur la perspective d’activité au 4e trimestre.

La flambée des prix de l’énergie et des matières premières est à l’origine de cette perspective. La forte hausse de l’inflation un peu partout a fait chuter la demande. Tous les secteurs sont touchés à l’exception du tourisme et de l’immobilier. 

Cette inflation qui touche d’abord au portefeuille des consommateurs (essence, électricité, etc.) se propage maintenant à l’ensemble du système. 

Elle a deux origines :

- D’une part, elle est structurelle parce qu’elle est véhiculée par les prix des énergies fossiles (pétrole et gaz) et par celui des matières premières. Tous ces produits de base ont été touchés dans un premier temps par la demande de l’après Covid et maintenant par des incertitudes sur l’offre. La question des sanctions et la menace réelle de la Russie d’organiser la pénurie pèsent très fortement sur les prix en attendant de peser sur les quantités.

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-D’autre part, cette inflation est sous-jacente alimentée par les effets des grandes mutations qui s’opèrent. Si la mondialisation change de logiciel et se détourne des pays autoritaires (Chine, Russie et leurs alliés), les prix aux consommateurs vont augmenter, le made in France coûte évidemment beaucoup plus cher que le made in China. Si les systèmes de production deviennent plus écologiques et protecteurs de l’environnement, ce qui est évidemment souhaitable à long terme, ils vont eux aussi revenir plus cher pour le consommateur. Les produits bio coûtent plus cher que les produits non bio. 

Cette pédagogie d’une inflation sous-jacente qui menace l’équilibre des chaînes de valeurs n’a pas été faite. 

Actuellement, les pays membres de l’union européenne s’attachent à éviter que cette inflation ne soit trop pénible pour les classes moins favorisées.  Ils distribuent donc des aides financières pour amortir le choc de la fin d’année, mais ils vont aussi commencer à parler de restrictions pour répondre aux pénuries.

Les populations occidentales se doutent bien que les six mois qui viennent seront compliqués. La meilleure preuve, c’est qu’elles épargnent, notamment en France où la collecte sur le livret A n’a jamais été aussi forte qu’en juillet, ce qui est évidemment un marqueur fort d’inquiétude partagée. 

Ce dont les gouvernements ont peur dans l’inflation ou la récession, ce sont les conséquences sociales. Éviter à tout prix, un mouvement incontrôlable type gilets jaunes. C’est-à-dire a des manifestations mal identifiées et donc incontrôlables. 

Le problème, c’est qu’hormis l’activation des États Providence qui pèse sur le budget et donc sur les marchés de la dette, les gouvernements européens ne semblent pas prêts à saisir l'opportunité d’une plus grande solidarité

Face à l’euro qui baisse (parce que sa valeur traduit les incertitudes), face aux risques de pénurie en gaz et en électricité, l'Union européenne a du mal à parler en même temps avec la même partition. 

L’Europe de l’énergie n’existe pas ou mal. Et chacun essaie de s’en sortir de son côté alors que le sort de chacun dépend de l’attitude de tous. 

Le maillon très faible dans cette Europe en difficulté, c’est évidemment l’Allemagne. Parce que les fondamentaux de sa prospérité et de son modèle sont ébranlés. Ses plus gros clients sont devenus infréquentables pour cause de réveil moral des appareils capitalistes. L’industrie automobile allemande va devoir réviser son organisation globale. 

Par ailleurs, l’Allemagne avait fait le choix de fonctionner avec une énergie pas chère le gaz, jusqu’à ce qu’elles s’aperçoivent que le gaz russe est explosif. 

La vie de l’Allemagne et son futur vont être difficiles à écrire , donc la vie de l’Europe et son futur vont être eux aussi compliqués à vivre. 

Les populations européennes se rendent compte que leurs valeurs de liberté, de démocratie sont attaquées par les gouvernements autoritaires qui rêvent d’un autre ordre mondial

La première conséquence de cette prise de conscience est aussi de s’apercevoir que l’économie de marché à laquelle nous sommes attachés est assez peu compatible avec une dictature politique. 

Les risques de récession sont générateurs de troubles sociaux et on ne peut pas en vouloir au ministre de l’économie de s’en préoccuper et de tout faire pour éviter ces troubles. Mais les risques de récession nécessiteraient aussi une réponse globale et européenne. Pour l’instant, les 27 semblent plutôt coincés.

Le meilleur exemple de cette incertitude européenne se retrouve dans la politique de la banque centrale européenne. Contrairement à la banque centrale américaine dont le programme est clair et qui s’est engagé dans une lutte contre l’inflation en relevant les taux d’intérêt, Me Lagarde qui préside la BCE,  s’est assise entre deux chaises

D’un côté, elle a opté pour un relèvement des taux d’intérêt parce qu’il faut bien lutter contre l’inflation. Mais de l’autre, elle a tellement peur d’aggraver le ralentissement de l'activité, qu'elle promet aux États de racheter leurs dettes dans des proportions assez peu orthodoxes.

Comme la banque centrale, les gouvernements européens conduisent leurs économies avec un pied sur le frein et un pied sur l’accélérateur. Ça ne dure jamais très longtemps.   

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