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Les Républicains sont à la croisée des chemins : il faudra vaincre ou mourir
©JACQUES DEMARTHON / AFP

Tribune : Fin de partie pour la droite française

"Deux solutions se présentent aux futurs dirigeants des Républicains : ils doivent désigner Marine Le Pen ou Emmanuel Macron comme leur adversaire politique prioritaire."

William Thay

William Thay

William Thay est président du Millénaire, think tank gaulliste spécialisé en politiques publiques. 

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Alexis Findykian

Alexis Findykian

Alexis Findykian, directeur de la communication du Millénaire, think tank spécialisé en politiques publiques travaillant à la refondation de la droite.

 
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Jean-François Champollion

Jean-François Champollion

Jean-François Champollion, agrégé d’histoire, et doctorant en histoire contemporain, est directeur adjoint des études du Millénaire, think tank spécialisé en politiques publiques travaillant à la refondation de la droite.

 
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L’élection européenne de 2019 entrera à jamais dans les annales de l’histoire politique française. Le moment que nous vivons est proprement historique, car jamais la droite de gouvernement n’a été à un tel étiage depuis la Révolution française. De fait, il confirme que le clivage droite-gauche ne structure plus la vie politique française et que l’élection présidentielle 2017 n’était pas une simple parenthèse explicable par les affaires judiciaires de François Fillon.

En effet, le score des Républicains ne peut plus être considéré comme un simple accident de parcours lié à une élection européenne où la radicalité des solutions- fédéraliste comme nationaliste- a empêché toute possibilité de nuance et de dialectique portées par François-Xavier Bellamy, ce qui aurait pourtant été salvateur. Réduire cette déroute à la personnalité de Laurent Wauquiez et à la ligne qu’il incarne serait également une profonde erreur. La droite n’aurait pu s’insérer dans le duel avec les 2% de Jean-Christophe Lagarde, dont une partie des électeurs était d’ailleurs susceptible de grossir les troupes de la République en Marche. Faire du président démissionnaire des Républicains un bouc-émissaire serait une façon de voir la paille qui est dans son œil sans voir la poutre qui est dans celui de l’ensemble du personnel politique de la droite française depuis plusieurs décennies.

Le mal est nettement plus profond et provient de loin. De très loin même. Il a ses dates charnières : 1992 et 2002. Le ralliement de Jacques Chirac au « Oui » à Maastricht en 1992, sous l’influence d’Alain Juppé, qui réussit à le convaincre que jamais il ne serait élu président de la République en ayant un discours souverainiste, marqua un tournant pour la famille gaulliste. Celui d’une droite qui se sentait naguère d’abord française et ensuite européenne et qui avait décidé de tourner casaque, en dépit des prophéties de Charles Pasqua et Philippe Séguin sur la question de l’euro et de la perte d’influence de la France. Il n’y avait désormais plus de différence de valeurs entre le RPR et l’UDF. La création de l’UMP en 2002 fut donc la conséquence logique et imparable de la machine infernale qu’avait enclenché Jacques Chirac. Censé faire baisser un Front National en plein essor, l’UMP fut une bombe à retardement que la campagne exceptionnelle de Nicolas Sarkozy en 2007 masquèrent pour un temps, la droite républicaine perdait définitivement son électorat populaire au profit du Rassemblement national.

Le double coup réalisé par Emmanuel Macron a privé non seulement la droite républicaine d’une partie de son électorat bourgeois et de CSP+, mais également de sa crédibilité de parti de gouvernement. Ces élections européennes marquent la perte du vote utile à son profit. Désormais, le vote utile se concentre sur le choix bipolaire entre Emmanuel Macron (comme 30% des électeurs de François Fillon) ou de Marine Le Pen (comme 20% des électeurs de François Fillon). D’un point de vue strictement électoral, les Républicains se sont adressés strictement qu’au cœur de son noyau électoral sans arriver à étendre leur public que ce soit au centre ou à sa droite. Et même ce dernier, catholique conservateur et pratiquant, a voté en bonne partie pour la liste menée par Nathalie Loiseau. Privée de son électorat, la droite de gouvernement est menacée de mort.

L’histoire politique française est un cimetière où s’amoncellent les courants et idées politiques passées : que sont devenus les monarchistes ? Les radicaux ? Les communistes ? Tous sont morts par leur incapacité à saisir les transformations politiques qui étaient alors en cours, du comte de Chambord scellant à jamais le destin de la monarchie en refusant le drapeau tricolore, à Georges Marchais vénérant le camarade Staline au moment de la perestroïka. Si elle ne s’adapte pas et change complètement de logiciel, la droite républicaine mourra à son tour.

Les Républicains sont ainsi dans la même situation que le Parti socialiste dans les années 70 suite à l’échec des candidatures de Gaston Deferre et Pierre Mendès-France avec seulement 5% des suffrages. Deux grandes possibilités s’ouvraient alors à eux : soit  comme le préconisait Michel Rocard, une ouverture au centre, soit aller chercher les communistes comme le préconisait François Mitterrand. Dans les deux cas, deux lignes programmatiques différentes, celle de la seconde gauche, libérale et girondine, face à celle de la gauche canal historique, dirigiste et jacobine, qui héritait en grande partie de la doctrine de la SFIO. Ainsi, la victoire de François Mitterrand s’est à la fois jouée sur une bonne stratégie électorale et sur un projet de société symbolisé par le slogan « Changer la vie ».

La droite est disloquée comme l’a pu être la gauche par le passé. Elle est à la croisée des chemins et sa stratégie conditionnera en grande partie sa ligne. Deux solutions se présentent aux futurs dirigeants des Républicains : ils doivent désigner Marine Le Pen ou Emmanuel Macron comme leur adversaire politique prioritaire. Il est certain que cette lutte à mort contre l’une ou l’autre ne pourra se priver d’une clarification par rapport à l’adversaire secondaire, vis-à-vis duquel les Républicains devront souligner les lignes de désaccord et les contradictions.

Si l’adversaire est Marine Le Pen, les Républicains devront adopter certainement une ligne pro-européenne, libérale et humaniste dont l’efficacité est remise en cause à la fois par le talent politique du chef de l’État et par le manque de leader chez les Républicains pouvant le concurrencer sur ce segment électoral. Dès lors, il faudra que la personnalité qui portera ce projet soit très ferme et solide sur le régalien, en se distinguant de l’orientation menée par la majorité en matière de politique pénale ou de gestion des djihadistes, mais aussi et surtout qu’elle concurrence Emmanuel Macron sur le créneau du renouvellement en politique. Plusieurs options sont envisageables sur ce créneau comme François Baroin, Eric Woerth ou Bernard Accoyer, afin d’apporter un crédit gouvernemental aux Républicains.

En revanche, si l’ennemi prioritaire est Emmanuel Macron, les Républicains doivent nécessairement s’adresser aux classes populaires et aux classes moyennes qui se sont détournés d’elle depuis le traité de Maastricht (hormis la parenthèse Sarkozy portée par les idées d’Henri Guaino et Patrick Buisson). Dans un tel cas de figure, il ne faudra pas cependant se priver d’une critique des contradictions du Rassemblement National, comme sur sa ligne européenne, ou sur la pertinence de son programme économique. Sur cette option, le départ de Laurent Wauquiez laisse la droite orpheline de leader pouvant porter efficacement ce message. Des personnalités plus jeunes pourraient alors se démarquer en proposant une nouvelle ligne.

Mais, au-delà de ces questions stratégiques, c’est la formulation de nouvelles idées qui permettra de créer une nouvelle polarité de droite républicaine afin de redevenir le pôle d’attraction. La refondation de la droite impose à la fois de proposer un nouveau projet de société pour la France et les Français mais également d’être capable de le porter en remportant des victoires électorales. Le vote de droite doit redevenir un vote d’adhésion, qui s’adresse à toutes les couches de la société et qui transcende les clivages partisans. En un mot, nous devons retrouver un parti gaullo-bonapartiste, à la fois patriote et européen lorsqu’il s’agit d’asseoir l’influence française dans le monde en utilisant l’Union européenne comme levier de puissance ou encore n’hésitant pas à placer la question sociale au cœur de son discours. Si les dirigeants des Républicains s’engagent dans cette voie, plusieurs pistes de réflexion peuvent être apportés : sur la notion de puissance de la France, le rôle de l’État et la question de la justice sociale.

Sur la notion de puissance, comme le soulignait le philosophe Marcel Gauchet, dans Comprendre le Malheur français, le déclin du socialisme et du gaullisme s’explique principalement par le manque d’horizon offert par ces deux courants de pensée depuis leur conversion à l’idée européenne. Ce résultat est aggravé avec l’adoption de la monnaie unique qui aurait couté selon le Centre de politique européenne, près de 56 000 euros à chaque français sur la période 1999-2017. Deux solutions sont possibles pour répondre à cette question : soit il faut quitter l’euro ce dont les français ne veulent pas et avec des conséquences potentiellement funestes, soit devenir la première puissance européenne pour permettre un changement en Europe pour revenir sur les dogmes ordolibéraux allemands en matière budgétaire et monétaire, sans quoi l’Union Européenne n’aurait pas d’avenir envisageable. La bonne gestion et l’absence d’endettement, avec le respect de la règle d’or, ne devraient plus être l’alpha et l’oméga de tout programme économique, à l’échelle nationale comme européenne. Une vision économique globale doit surplomber les objectifs à court terme : en se soustrayant à la règle des 3%, nous pourrions soutenir l’investissement public dans la transition démographique, la transition énergétique, et nos infrastructures. A l’échelle mondiale, la diplomatie française doit réaliser sa mutation, en n’ayant plus une logique de grands blocs, mais en s’adaptant à des relations internationales multipolaires, tout en promouvant la francophonie en transformant l’Organisation internationale de la francophonie en un véritable Commonwealth à la française.

Cette puissance retrouvée de la France en Europe et dans le monde ne pourra se réaliser que si elle est portée par un État fort, qui doit redevenir une valeur cardinale de la droite de gouvernement. L’autorité de l’État doit être restaurée, autant sur le plan régalien en revoyant soutenant nos policiers dans les quartiers et en revoyant notre système pénal (rétablissement des peines plancher), mais également dans le domaine économique. Il est impératif de transformer notre appareil productif, en mettant en place une stratégie de libération des énergies sur le plan intérieur mais également de protéger vis à vis des menaces extérieures. A l’échelle européenne, un Buy European Act ainsi qu’un protectionnisme sur certains produits stratégiques doit être mis en place avec les pays qui le souhaitent. En France, cela passe par une revue des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires pour rendre le pays plus attractif et opérer une relance implicite par une hausse du pouvoir d’achat des ménages. Il est également nécessaire de soutenir notre industrie par une hausse de l’investissement, et une amélioration des compétences par une refonte de la formation professionnelle.  

Sur la question de la justice sociale, il faudra d’abord s’attaquer à la prévention du développement des inégalités en réformant notre système éducatif dont le caractère inégalitaire est constaté dans tous les rapports PISA. L’école française est trop reproductive des inégalités sociales de départ pour que l’ascenseur social fonctionne. En outre, elle permettrait d’éviter la mise en place d’un archipel français décrit par Jérôme Fourquet, en redonnant à la jeunesse un sens à leur appartenance à une seule communauté nationale. De plus, il est urgent de mieux redistribuer l’argent public à plusieurs échelons. D’une part, par une refonte de la fiscalité en arrêtant de faire porter l’effort fiscal sur la classe moyenne avec la fusion de l’IR et de la CSG ainsi qu’en refondant les minimas sociaux en une allocation unique et délivrée automatiquement à tous les ayant droits pour éviter tant les nombreux non-recours (36% selon la CNAF) que les abus. D’autre part, face à la fracture territoriale de plus en plus importante entre métropoles et territoires « périphériques », une mutation de notre politique de la ville en une politique des territoires est nécessaire pour rééquilibrer l’attrait des grandes métropoles dans la mondialisation afin de favoriser le développement des territoires ruraux et périurbains.

L’histoire politique française est un cimetière où s’amoncellent les courants et idées politiques passées : que sont devenus les monarchistes ? Les radicaux ? Les communistes ? Tous sont morts par leur incapacité à saisir les transformations politiques qui étaient alors en cours, du comte de Chambord scellant à jamais le destin de la monarchie en refusant le drapeau tricolore, à Georges Marchais vénérant le camarade Staline au moment de la perestroïka. Si elle ne s’adapte pas et change complètement de logiciel, la droite républicaine mourra à son tour.

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