Les rachats d'actions pour 23 mds d’euros en France déchaînent la critique, pour une seule raison, ils sont dans l’ordre libéral donc efficaces. Quel pays !<!-- --> | Atlantico.fr
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Les rachats d'actions en France ont représenté plus de 23 milliards d'euros à fin septembre.
Les rachats d'actions en France ont représenté plus de 23 milliards d'euros à fin septembre.
©Stefano Rellandini / AFP

Atlantico Business

Les rachats d'actions battent des records en France cette année. Pour beaucoup, plutôt anticapitalistes, ils représentent la main du diable. Pour les libéraux, c'est une pratique légitime et efficace pour favoriser et optimiser l'investissement.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les rachats d'actions en France ont représenté plus de 23 milliards d'euros à fin septembre. Depuis 2021, l'appétit des grandes entreprises françaises est devenu insatiable, avec récemment de très grosses opérations : Stellantis a bouclé un programme de 1,5 milliards d'euros, tout comme LVMH ou AXA. BNP Paribas a atteint 3,5 milliards, mais le champion en 2023 sera sans doute TotalEnergie avec 5,7 milliards d'euros. Pour certains, des super profits sans doute !

Techniquement, l'opération de rachat d'actions se résume pour une entreprise cotée (publique, comme disent les Américains) à racheter des titres sur le marché boursier avec des fonds qui lui appartiennent et à détruire les actions ainsi rachetées. Les profanes se demandent toujours à quoi peut servir cette manipulation, avec tout l'aspect péjoratif porté par cette expression de manipulation.

L'opération de rachat d'actions revient donc à réduire le nombre d'actions en circulation. Mais comme la valeur intrinsèque de l'entreprise ne change pas, la valeur de chaque action augmente au prorata du montant des achats. En conclusion, si la valeur de chaque action augmente en bourse, cela revient à distribuer de la valeur aux actionnaires. Avec le même nombre d'actions qui valent plus cher, ils sont plus riches. Et ceux qui regardent l'entreprise avec les lunettes de la morale ne manqueront pas de critiquer un système qui permet d'enrichir les actionnaires sans effort et surtout à l'abri du fisc. La politique peut alors camper dans le débat.

Donc, le rachat a mauvaise presse, c'est l'instrument du diable capitaliste qui prouve que l'entreprise gagne de l'argent et que cet argent est redistribué aux plus riches. Et d'ajouter que cet argent pourrait être réinvesti dans des activités ou redistribué en salaires ou encore en impôts. D'où le débat très politique, d'autant plus violent que les politiques ne sont guère formés aux mystères de l'économie et, disent-ils, encore moins à leurs électeurs.

La vérité, c'est que les programmes d'actions n'ont rien de scandaleux, ils correspondent même à une logique de marché qui veut qu'on investisse de manière la plus rationnelle pour une efficacité maximale.

L'explication est simple. Une entreprise peut se retrouver avec une trésorerie abondante, et la question qui se pose à la gouvernance sera de savoir ce qu'elle en fait. Elle peut évidemment l'investir dans d'autres activités, mais encore faut-il qu'elle en trouve qui soient aussi rentables, sinon plus que l'activité principale. Elle peut distribuer cet argent disponible à ses actionnaires sous forme de dividendes ou d'actions gratuites. Sauf que l'imposition va augmenter, et que si on crée des actions gratuites, on prend le risque de peser sur le cours de bourse, ce qui fait désordre.

Elle peut ou elle pourrait distribuer cet argent aux salariés sous forme de salaires, mais là encore elle prend le risque de peser sur sa rentabilité et donc sur ses conditions d'exploitation, ce qui lui sera préjudiciable l'année suivante, car si l'entreprise peut augmenter les salaires, elle peut difficilement les baisser en cas de mauvaise conjoncture. Donc elle prendrait un gros risque économique et social.

En revanche, l'entreprise pourrait réutiliser cet argent en le redistribuant dans le compte de participation et d'intéressement. C'est évidemment la moins mauvaise des idées proposées par les anticapitalistes, car elle renforce le rôle des salariés au capital. Face à un débat politique qui risque toujours de mettre le feu à la société et de faire monter la température sociale, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a fortement incité les directions d'entreprise à ouvrir un dialogue sur ce dossier avec les syndicats. C'est assez habile, sauf que personne, ni les patrons ni les syndicats, n'est véritablement passionné. Les syndicats, en dehors de la CFDT, y voient plutôt un piège qui exonérerait le gouvernement d'encourager une revalorisation des salaires.

La vérité dans cette affaire, c'est qu'un programme de rachat d'actions n'est efficace que s'il respecte les réalités du marché. Et les réalités du marché sont très simples, chaque acteur de l'entreprise cherche à optimiser son intérêt individuel.

D'abord, si l'entreprise a de l'argent inemployé, c'est parce qu'elle n'a trouvé aucun investissement intéressant et rentable. La BNP, par exemple, a réalisé un programme de rachat d'actions importants parce qu'elle a vendu son ancienne filiale américaine Bank of the West, qu'elle n'a rien trouvé sur le marché d'intéressant à racheter. Elle se retrouve donc avec 5 milliards de cash. Plutôt que de les conserver sous son matelas, elle en redistribue une grande partie (3,5 milliards) à ses actionnaires.

Ensuite, les actionnaires se retrouvent, c'est vrai, avec des titres qui ont plus de valeur. Ils font ce qu'ils veulent avec cette valeur. Ils la gardent en titres, mais ils peuvent de leur côté réaliser leur actif et trouver un investissement qui sera plus avantageux.

Le système est donc un bon moyen de fluidifier le capitalisme et de permettre de découvrir des activités plus rentables, souvent d'ailleurs en dehors de la bourse, dans le private equity, c'est-à-dire dans l'investissement de proximité, parce qu'on y croit très fort. Beaucoup de start-ups ont été financées par du private equity.

L'optimisation est la clé qui permet de comprendre le succès des rachats d'actions cotées en bourse. Pas besoin de mettre de la morale dans ce débat. Et si néanmoins  l'envie de moraliser l'économie existe, mieux vaut le faire sur des critères de fonctionnement très simples.

Et de ce point de vue, le système libéral est sans doute le plus efficace et le plus "moral" pour terrasser le diable qui se loge en permanence dans les rapports d'argent.

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