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Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a multiplié les déplacements et les interventions en cet été 2022 et lors de cette rentrée politique.
Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a multiplié les déplacements et les interventions en cet été 2022 et lors de cette rentrée politique.
©SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP

One Man Show

Rodéos urbains, feux de forêts, expulsion de l’imam Iquioussen… cet été, le ministre de l'Intérieur était sur tous les fronts. L’activité débordante de Gérald Darmanin peut-elle s’avérer payante politiquement ?

Arnaud Lachaize

Arnaud Lachaize

Arnaud Lachaize est universitaire, juriste et historien. 

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Atlantico : Gérald Darmanin a été le ministre le plus actif du gouvernement cet été en multipliant les interventions dans les médias et en s’impliquant dans de nombreux dossiers comme l’expulsion de l’imam Hassan Iquioussen. Cette omniprésence et cet empressement ont même pu conduire à des erreurs et des couacs depuis la crise du Stade de France. Quel est le but de ces actions menées par Gérald Darmanin ? La question de la succession d’Emmanuel Macron pousse-t-elle Gérald Darmanin à agir de la sorte et occuper l’espace médiatique face à Bruno Le Maire ou Edouard Philippe ?

Arnaud Lachaize : Il l’a reconnu lui-même explicitement : il s’inscrit dans la course à la succession d’Emmanuel Macron. Cependant, son image a été fortement écornée par sa gestion médiatique des incidents du Stade de France et ses accusations fausses proférées contre les supporters britanniques lors de la finale de la Ligue des champions – alors que les agresseurs venaient de cités avoisinantes. Par son omniprésence médiatique, il a clairement voulu se racheter et tenter de se forger une popularité. Il ne faut pas oublier que son modèle est Nicolas Sarkozy. Son ambition est, comme ce dernier, d’utiliser la place Beauvau comme tremplin pour accéder à l’Elysée. Et il ne s’en cache pas. Il cherche donc par son offensive de communication, à se positionner en protecteur des Français dans la perspective de l’Elysée. Cette manœuvre est largement politique. 

Dans quelle mesure cela fonctionne-t-il ? Et dans quelle mesure cela s’avère contre-productif ?

Cela fonctionne assez mal. D’abord, il n’a absolument pas l’autorité naturelle de Sarkozy en 2002-2007. Par ses attitudes, son regard, sa manière de parler, il n’a pas le magnétisme médiatique que dégageait son modèle. Pour dire les choses trivialement, sur le plan du charisme personnel, il n’arrive pas à la cheville du Sarkozy 2002-2007. Les sondages le montrent : malgré son coup de force médiatique de l’été, sa popularité reste faible. Son personnage n’est pas de nature à inspirer la confiance ou la sympathie. Il n’a pas la capacité de séduction d’un Sarkozy ou même d’un Macron… C’est ainsi, il n’y peut sans doute rien. Et puis, trop de communication finit souvent par se retourner contre son auteur. Il en fait trop, cela fait artificiel, exagérément carriériste et ambitieux. En plus, il joue de malchance : après avoir parlé de « grande victoire » pour la République au sujet de la décision du Conseil d’Etat autorisant l’expulsion de l’Imam, ce dernier disparaît dans la nature et son expulsion ne donnera pas lieu à de belles images triomphantes.

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N’y a-t-il pas un désaccord avec Emmanuel Macron sur ce qu’est LREM ? Le ministre de l’Intérieur aurait notamment indiqué « Il nous faut un parti de masse. Renaissance n'est pour l'instant qu'un parti de bourgeois avec quelques cadres », lors du récent dîner de travail de rentrée. « Cette rhétorique est dépassée, tous les partis gaullistes ont échoué », a rétorqué le fondateur d'En marche… !

Peut-être, mais, parti de masse ou de notables, c’est un désaccord de détail. Je ne suis pas sûr que l’un ou l’autre se fassent d’illusion sur Renaissance. Ni qu’ils y attachent une importance démesurée. Les nouvelles personnalités politiques, qu’elles soient Macron ou Darmanin ou autres, ne raisonnent pas en termes de partis politiques. Les partis sont en principe des organisations chargées de concourir à l’exercice de la démocratie, de préparer des projets ou de faire émerger des personnalités. Mais eux n’y voient qu’un outil susceptible de les servir lors des élections, rien de plus. Les partis au sens traditionnel n’ont plus vraiment leur place dans la politique d’ultra narcissisme que l’un et l’autre incarnent si bien, où tout se ramène à l’exubérance médiatique et au prétendu génie d’un individu. Pour cela, ils sont sur la même ligne.

Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin sort-il renforcé de cette séquence politique estivale ou est-il en réalité affaibli ?

Plutôt affaibli sans doute. En effet, après un tel one man show, on ne voit pas ce qu’il pourrait faire de plus pour gagner de la popularité. Or, le bilan en termes de popularité est fort réduit à en croire les sondages. Aucune percée vraiment notable de Gérald Darmanin n’a été constatée. De fait, la communication ne suffit pas. Il faut montrer autre chose, une capacité d’écoute et d’action et surtout des résultats. Or la réforme de la police judiciaire se passe dans des conditions difficiles. Il est dangereux de réformer contre l’avis unanime d’une profession voire de plusieurs professions, police, magistrature, avocats. Certes M. Macron l’a fait contre les préfets et les diplomates. M. Darmanin veut l’imiter sur la police judiciaire en montrant ainsi sa capacité réformiste. Il est possible que cela dégénère assez vite et l’oblige à reculer. Et puis surtout, les Français ne voient pas les résultats en matière de sécurité. Ils souffrent bien au contraire d’une aggravation de la violence qui est loin d’être un simple sentiment. 75% des Français pensent que M. Macron a échoué dans ce domaine. Qui en est le responsable direct, sinon le ministre de l’Intérieur ? M. Darmanin, depuis deux ans sur le poste, n'a pas réussi à convaincre.

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Le zèle de Gérald Darmanin est-il utile ou pas utile à la majorité ? L’activité du ministre de l’Intérieur est-elle contre-productive et suscite-t-elle des jalousies ?

Il me semble qu’il suscite beaucoup d’agacement au gouvernement, celui du Garde-des-Sceaux évidemment mais aussi des autres transfuges de la droite qui voient en lui un concurrent possible dans la course à l’Elysée et de toute l’aile gauche de la macronie. La première ministre ne semble pas non plus le tenir en haute estime. Cela fait beaucoup d’ennemis… Sans compter évidemment ses ex-amis de droite…Actuellement, il tient sa place du seul soutien du président de la République. M. Darmanin est dans une logique d’allégeance inconditionnelle et ostensible au chef de l’Etat qui lui en est reconnaissant. Cela ne préjuge évidemment en rien du niveau de sympathie ou d’estime réel du chef de l’Etat envers M. Darmanin… En outre, M. Macron parie sur Gérald Darmanin et son style (faussement) sarkoziste pour incarner la sécurité. S’il n’y parvient pas d’ici quelques mois, sa cote risque de se dégrader fortement. On est dans le strict calcul d’intérêt. Quant à 2027, il est presque inconcevable que le président fasse de lui son dauphin attitré, ni d’ailleurs d’un autre transfuge de droite. Alors le naturel reviendra au galop et l’un de ses proches politiques traditionnels venu des mêmes horizons que lui aura probablement sa faveur. Une belle foire d’empoigne en perspective dont « l’ancien monde » pourrait profiter s’il se montre capable de saisir l’occasion…

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