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Les malchanceux de l'Histoire de France : Louis le Pieux et sa terrible descendance
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Bonnes feuilles

Que de destins de femmes et d'hommes frappés par la malchance dans l'histoire de France ! À travers les vingt récits historiques de ce livre, laissez-vous emporter vers les amonts de la mémoire. Extrait de "Les Malchanceux de l'Histoire de France", Jean-Joseph Julaud, publié aux éditions le Cherche-midi (1/2).

 Jean-Joseph Julaud

Jean-Joseph Julaud

Né en 1950, Jean-Joseph Julaud est l'auteur de romans, nouvelles, livres pratiques et essais, dont plusieurs best-sellers, notamment L'Histoire de France pour les Nuls et La Littérature française pour les Nuls. Après avoir enseigné pendant de nombreuses années, il se consacre aujourd'hui entièrement à l'écriture. Il vit à Paris.

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Louis quitte la douceur angevine, encadré par sa garde rapprochée d’une bonne dizaine de gens d’Église, des purs et durs, des pires… La troupe bardée de morale se nourrit de prières, de pénitences, de jeûnes et d’abstinence pendant les vingt jours du voyage qui conduit à Aix-la-Chapelle.

Lorsqu’elle entre dans le palais, c’est le choc ! Pourquoi ? On va le dire tout de suite, mais auparavant, laissons Louis le Pieux entrer dans la basilique où se trouve le tombeau de Charlemagne. Il se prosterne, touche de son front le dallage et reste là, en pleurs et prière, longtemps. On comprend mieux son surnom : le Pieux.

Le choc : la garde rapprochée de Louis est déjà à l’oeuvre, et cela va durer des jours, car, dans tout le palais de l’empereur défunt, des femmes, des femmes… Que de femmes, et jolies, et aguichantes, entreprenantes… Pis que tout cela : les religieuses qui vivent là, avenantes et délurées, entretiennent ouvertement de tendres relations avec les ecclésiastiques ! Mais quel… désordre ! Louis Ier le Pieux y remédie : tout ce beau monde dehors, y compris ses propres soeurs, qui sont priées de s’installer dans un monastère !

Trois ans plus tard, l’ordre moral s’est abattu sur le palais d’Aix-la-Chapelle, strict, morne et triste, rigoureux, surveillé par les antennes du pape que sont les prêtres et évêques veillant de près sur le nouvel empereur.

Attention, parfois le sort joue les malins et donne une belle chiquenaude dans la dignité physique et morale : le 9 avril 817, une procession de prélats, de moines, de gens d’Église, pleins d’onction, de componction, s’engage à la suite de Louis sous un portique de bois reliant le palais à sa chapelle. Soudain, craaaaaaac… ! Le portique se brise et s’effondre sur toute la queue leu leu en prière !

Nuage de poussière. Et l’on voit, çà et là parmi les plâtras, une mitre qui émerge, des soutanes retroussées, de graves évêques à quatre pattes, des prêtres en transe serrant comme leur sauveur une solive… Des blessés, oui, Louis lui-même !

On répare, mais Louis se dit que la vie est bien imprévisible. Il décide alors de répartir son immense empire entre ses trois fils. Il faut préciser qu’il a déjà réparti l’or et les bijoux de son père : la part de ses soeurs mise de côté, tout le reste est allé à Rome et aux pauvres ! Et voilà, ça, c’est de l’évangile !

Le pape se frotte les mains. Quelle aubaine, ce Louis ! Et si – se dit-on à Rome –, si on lui suggérait d’adopter pour le partage l’Ordinatio imperii, l’ordonnancement de l’empire ; en plus clair, si on lui conseillait de transmettre le tout à son aîné, seulement. Et nous par-derrière, gagnants à tous les coups pour la perception d’impôts d’Église…

Louis, consulté, s’enferme pendant trois jours, seul, dans un monastère. Il jeûne et prie. Soudain, une illumination venant on ne sait d’où le transporte. Il sautille de bonheur vers la sortie du monastère. Il convoque sa garde morale et romaine : « Lothaire, mon aîné, est le seul héritier de mon empire, mais j’en donne quand même un morceau à chacun de mes autres fils, l’Aquitaine à Pépin, et la Bavière à Louis. Et chaque année, mes trois fils viendront me voir, dans la paix et la félicité, ils m’offriront des cadeaux, et puis ils chercheront ensemble tous les moyens pour maintenir une paix sans fin. »

Louis a trop jeûné, ou pas assez : il a oublié son neveu Bernard, qui va perdre dans l’affaire son royaume d’Italie ! Bernard se révolte, mais se calme bien vite. Trop tard, Louis est fâché et le condamne à mort.

Trop cruel ? Oui, il commue la peine en énucléation totale. Ceux qui sont chargés de l’opération arrachent donc les deux yeux de Bernard, cautérisent l’orbite au fer rouge. Bien que le travail soit accompli fort habilement, Bernard meurt deux jours plus tard, à cause des conditions d’hygiène un peu douteuses. Louis en est bien marri, puis désespéré. Il va en pleurer pendant des mois. Et continuer en 818, lorsque meurt Ermangarde, sa femme. Puis il pleure de bonheur lorsqu’il épouse Judith de Bavière.

Cinq ans plus tard arrive un petit Charles ! Et voilà tout le partage remis en question, car Judith veut doter, et bien doter, son petit Charles, ce qui est fait en 829. Les trois frères se mettent alors en guerre contre leur père. Pauvre Louis, il est humilié par ses fils, qui l’obligent à faire pénitence publique en 833, puis, il est destitué, envoyé dans un monastère. Mais, dès 834, rien ne va plus ! C’est la guerre civile dans l’empire. Et en 835, on retourne le chercher !

Ah, Louis le Pieux, empereur des malchances, berné souverain, prince des bévues, vous mourez en 840 sur une île du Rhin, à Ingelheim, alors que vous prépariez une nouvelle campagne guerrière contre… vos fils !

Ils se battront sans vous, vos fils, jusqu’en 843, jusqu’à ce qu’ils se mettent d’accord et partagent enfin votre empire à Verdun. Au chouchou de Judith, Charles – Charles II le Chauve – revient la Francia occidentalis. La France ? Pas encore… mais presque.

Extrait de "Les Malchanceux de l'Histoire de France", Jean-Joseph Julaud, publié aux éditions le Cherche-midi, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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